L'affaire des Mirages

Le conseiller fédéral Paul Chaudet s'explique sur le scandale.
  • L'armée suisse
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25 mai 1964

Point

En mai 1964, la Suisse est en pleine affaire des Mirages. L'acquisition par l'armée suisse de cent nouveaux avions de chasse tourne à la débâcle financière: le 4 mai, le Conseil fédéral demande au Parlement un crédit supplémentaire de 576 millions de francs qui s'ajoute au premier crédit de 871 millions voté par les Chambres en 1961. Le Parlement doit s'exprimer sur ce crédit lors de sa session d'été qui s'ouvre le 2 juin 1964. Mais des voix critiques s'élèvent, tant du côté de la presse que du monde politique. Peu habitué à être interrogé et remis en question, le Département fédéral de la défense et son chef, le conseiller fédéral Paul Chaudet se retrouvent en pleine tourmente.

Le 25 mai 1965, une semaine avant le début de la session parlementaire, Paul Chaudet plaide sa cause sur les ondes de la télévision romande, dans une émission qui sera également diffusée par la télévision alémanique. Au micro du journaliste Claude Torracenta, il explique la mauvaise estimation de 1961 par l'évolution continue de la technologie et la difficulté d'obtenir dans les temps des informations jugées sensibles par le constructeur Dassault. Selon lui, les crédits additionnels permettront de mettre au point un avion à la pointe du progrès et parfaitement adapté à la Suisse. Le prix en vaut la chandelle. Enfin, le conseiller fédéral se défend d'avoir caché quoi que ce soit. Dès que ses services ont pu obtenir une information précise, il dit en avoir informé le Conseil fédéral, ainsi que la commission parlementaire militaire et celle des finances.

A la veille de la session parlementaire qui va décider du sort du Mirage, Paul Chaudet semble plutôt optimiste, même s’il reconnaît traverser une épreuve difficile. Il sait que les débats parlementaires vont être âpres. S’il connaît la réticence traditionnelle des partis de gauche aux dépenses militaires, il n’ignore pas que la colère gronde également au sein des partis bourgeois, et même dans son camp radical. Ses arguments suffiront-ils à calmer les députés et les faire voter malgré tout le budget additionnel du Mirage? L'histoire, on le sait, décevra amèrement les attentes du ministre de l'armée.

Le son est manquant sur le début du sujet, le commentaire a probablement été fait en cabine.


Le 21 juin 1961 l'Assemblée fédérale a accepté un crédit de 871 millions de francs pour l'acquisition de cent avions de combat Mirages III S auprès de la firme Dassault. En 1964, ce montant est depuis longtemps dépassé.


Le 4 mai 1964, le Conseil fédéral demande au Parlement de voter un crédit additionnel de 356 millions de francs, assorti de 220 millions de francs pour le renchérissement. C'est un coup de tonnerre dans l'opinion publique: le Parlement n'a pas été tenu informé des coûts supplémentaires engendrés par la construction des Mirages sous licence en Suisse et par diverses adaptations exigées par l'armée suisse.

S'ensuivra le 17 juin 1964 la création de la première commission d'enquête parlementaire de l'histoire de la Suisse, présidée par Kurt Furgler alors conseiller national. A l'automne, la commission dépose un rapport accablant pour le gouvernement. Le Département militaire fédéral est accusé de tromperie, les informations fournies pour faire voter le crédit au parlement étaient lacunaires. Le 23 septembre 1964, le Parlement décide de réduire la commande à 57 avions de chasse. Les têtes tombent au Département militaire fédéral et le conseiller fédéral Paul Chaudet lui-même, appelé à la démission, renoncera à un nouveau mandat en 1966.

Cette affaire, l'un des plus grands scandales politiques de la Suisse du 20e siècle, remet en cause la politique de défense adoptée en 1961 et suscite des réflexions sur le fonctionnement du Conseil fédéral dépassé par sa tâche.