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Vaccins: à qui profite la piqûre ?
Vacciner ou pas: un choix difficile et pas toujours rationnel.
Nous venons de vivre une curieuse expérience. Cet automne, tout le monde a réclamé un vaccin contre la grippe, si bien qu'on en a manqué pour ceux qui en avaient le plus besoin. Pourquoi ? A cause de la grippe du poulet ! On sait pourtant tous que ce vaccin ne protège pas contre le virus H5N1, qui de plus, ne se transmet pas d'homme à homme pour l'instant. Mais voilà, face aux vaccins, nos comportements ne sont pas toujours rationnels.
En Suisse, les vaccins ne sont pas obligatoires, mais fortement
recommandés. Comme le rappelle la Professeur Claire-Siegrist,
présidente de la commission qui détermine la politique vaccinale du
pays: "Le vaccin bénéficie toujours d'abord à celui qui est
vacciné, mais les vaccins ont une valeur ajoutée quand on arrive à
vacciner une proportion suffisante de la population, si je ne suis
pas infecté parce que je suis vacciné, je ne vais pas contaminer
mon entourage, mes enfants, mes camarades, mes collaborateurs et
donc contribuer à les protéger, même si eux n'ont pas été
vaccinés."
Ces recommandations concernant avant tout les enfants, le choix
appartient donc aux parents. Un choix parfois difficile, comme
l'explique le Dr. Philippe Duclos, le chef du projet prioritaire de
l'OMS pour la sécurité des vaccinations: "On a vu au cours des
dernières années, l'émergence d'un courant opposé aux vaccinations
au travers des médias, ou même au travers de certains intervenants
de la santé, et ce courant peut avoir une influence assez
importante et créer des difficultés pour le public à faire le bon
choix et déterminer s'ils doivent prendre la vaccination ou
pas."
De fait, près de la moitié des parents se pose des questions au
moment de vacciner leur enfant. Et si la majorité suit les
recommandations des pédiatres, pour beaucoup le geste inquiète.
Un sentiment paradoxal de sécurité
La vaccination est l'un des rares actes médicaux que l'on
pratique sur des personnes en parfaite santé. Le plus souvent sur
un enfant innocent et sans défense. Un enfant qui évidemment ne
comprend pas pourquoi la visite chez le pédiatre est presque
toujours synonyme de douloureuse piqûre. Si l'on ajoute aux pleurs
du bébé le risque d'une nuit blanche à veiller son enfant fiévreux
en raison d'une réaction à l'inoculation, on admettra que chaque
vaccin est un petit drame programmé, même pour des parents
convaincus.
Unique justification, une protection contre des maladies, dont le
souvenir s'estompe au fur et à mesure que le niveau général de
santé s'améliore. C'est là l'un des effets paradoxal de la
vaccination, comme le résume Anne-Marie Moulin, historienne de la
médecine. "Les maladies infectieuses font de moins en moins peur,
elles sont aussi de moins en moins présentes. Avec la vaccination,
paradoxalement, le spectre des maladies infectieuses de l'enfance
s'est éloigné, les grandes pandémies n'existent plus en Europe, la
peste, le choléra ne font plus peur à personne, ce sont des
croque-mitaines maintenant et du même coup, les accidents ou
incidents liés à la vaccination paraissent insupportables."
Il faut bien l'admettre, nous avons peu à peu oublié ce que
signifiait vivre sous la menace permanente des maladies
infectieuses. L'amélioration de l'hygiène publique et de
l'alimentation y est pour beaucoup, mais pour plusieurs maladies,
c'est certainement la vaccination qui a permis d'en éloigner
définitivement le spectre. L'idée que l'on pouvait se protéger
contre un mal en inoculant à une personne en bonne santé une petite
quantité de ce même mal est ancienne.
Elle est probablement apparue au 17ème siècle, dans différentes
régions de Chine et du Moyen-Orient, pour lutter contre la variole.
Durant des siècles, cette maladie a prélevé son quota de morts dans
chaque famille. Au 18ème par exemple, on estime qu'en France, la
maladie emportait un enfant sur 10. Quant aux survivants, leur
visage vérolé arborait à vie la marque du virus. Dans ce contexte,
pour protéger les enfants, on leur inoculait une goutte de pus
prélevé sur un malade. L'intervention était hasardeuse et il
arrivait que l'enfant en meurt.
La solution est venue d'Edward Jenner, un chirurgien apothicaire
anglais. Bon observateur, il avait remarqué que les fermiers
pouvaient attraper la vaccine, une forme bovine de la variole . On
en guérissait très bien mais ceux qui l'attrapaient semblaient être
immunisés contre la variole. En 1796, il préleva donc du pus sur
une laitière atteinte de la vaccine et l'inocula à un jeune garçon.
L'intervention fut une réussite.
Jenner consacra le reste de sa vie à promouvoir sa découverte
auprès des dirigeants de l'époque et sa technique se généralisa
rapidement à l'ensemble de la planète. Pour Anne-Marie, ce succès
s'explique aussi par le contexte historique de l'époque: "Il
n'aurait pas eu ce succès si quelque part, la plupart des
souverains n'avaient commencé à s'inquiéter de leur population. Ils
commençaient à concevoir la richesse de leur dynastie non pas en
terme de territoires, de conquêtes de pays supplémentaires, mais de
population, de population stable, prolifique, qui leur permette de
réaliser leur rêve, en terme notamment d'industrialisation et de
production de richesse."
Désormais donc, la santé devenait une affaire d'Etat et chaque
épidémie était perçue comme une atteinte à l'ordre public. Dans un
tel contexte, la vaccination contre la variole a donc rapidement
suscité une forte résistance. Peuples colonisés, ouvriers anglais,
étudiants contestataires, tout ceux qui se méfiaient de leurs
dirigeants percevaient le vaccin comme un symbole de l'oppression.
Encore aujourd'hui, l'opposition aux vaccins est souvent un moyen
de contester le pouvoir, qu'il soit politique ou médical.
Le fer de lance de l'OMS
Grâce à la vaccination et à l'adoption de mesures sanitaires, au
cours du 19ème et du 20ème siècle, la maladie recule peu à peu,
mais elle ne disparaît pas. Au moment de sa création, l'OMS reprend
le combat à son compte. Dans les années 50, l'organisation lance un
programme mondial d'éradication. La vaccination est renforcée, les
derniers malades sont repérés et isolés, et 29 ans plus tard, le 9
décembre 1979, l'OMS annonce que pour la première fois de son
histoire, l'humanité s'est libérée d'un fléau.
Ce succès, l'OMS en a fait l'ossature de ses stratégies face aux
maladies infectieuses, avec l'idée que ce n'était là que le
prologue à d'autres éradications. Au moment où la variole était sur
le point d'être éradiquée, l'OMS et l'UNICEF lançaient l'idée que
pour un certain nombre de maladies, le taux de vaccination devait
atteindre 90% chez tous les enfants de la planète. Parmi ces
maladies, la poliomyélite.
La poliomyélite est due à un virus qui commence par coloniser le
système digestif. La majorité des personnes ne présente aucun
symptôme mais reste contagieuse durant quelques semaines. En
revanche, dans un cas sur 200, le virus migre dans le système
nerveux central et certains muscles sont atteints. Présent dans les
selles des malades, le virus circule ensuite dans les égouts et se
transmet par l'eau.
La médecine n'est jamais parvenue à guérir la maladie. Alors faute
de mieux, les soins consistaient à développer les muscles épargnés
par le virus. Une rééducation lente et douloureuse. En Suisse
romande, tous les malades étaient dirigés vers l'hospice
orthopédique de Lausanne, un lieu de solitude et d'abandon, où la
discipline était dure. La vie y était rythmée par les séances de
mécanothérapie, un mot synonyme de peur et de souffrance pour
toutes les petites victimes du virus.
En l'absence de perspective thérapeutique, tous les espoirs
reposaient donc sur la découverte d'un vaccin. A la fin des années
50, ce sera chose faite. Il y en aura même deux. Un vaccin oral et
un vaccin injectable. Dès 1960, la Suisse est l'un des premiers
pays à essayer ces vaccins. L'enthousiasme est général et dès les
premières campagnes de vaccination, l'incidence de la maladie a
rapidement diminué. En Suisse, le dernier cas a été enregistré en
1982.
Mais si la maladie a disparu des pays industrialisés, il n'en va
pas encore de même de certaines régions d'Afrique et d'Asie. Au
siège de l'OMS à Genève, une réunion à lieu tous les mercredis
matin à 9 heures 30. Chaque semaine, les experts de l'initiative
mondiale pour l'éradication de la poliomyélite font le point de la
situation sur les derniers fronts de l'épidémie. L'éradication de
la maladie a été lancée en 1988. Au commencement du programme, on
recensait 350'000 nouveaux cas par an dans le monde, principalement
en Afrique et en Asie. En 2005, le bilan était descendu en dessous
de 1000.
Pour parvenir à ce résultat, l'OMS et l'UNICEF on distribué plus
de 10 milliards de doses de vaccins. Mais ce n'est pas encore
suffisant. Aujourd'hui, pour parvenir à l'éradication, l'OMS a mis
en place un réseau de surveillance planétaire. Son rôle est de
repérer chaque nouveau malade et de vacciner son entourage pour
éteindre l'incendie, avant qu'il ne se propage. De plus, le profil
génétique de chaque virus est déterminé, afin de connaître son
origine géographique et de suivre sa propagation. C'est de cette
surveillance dont il est question chaque mercredi matin.
En 2003, les responsables du programme pensaient que le but était
proche. Ceci jusqu'à ce que dans le nord du Nigeria, des chefs
religieux musulmans prennent peur. La rumeur affirmait que ce
vaccin américain rendait stérile les jeunes filles et la
vaccination fut interrompue. Au cours des 12 mois qu'ont duré
l'interruption de la campagne, la souche nigérienne du virus s'est
disséminée le long des routes d'Afrique, a traversé le Golf
Persique avec les pèlerins de la Mecque, infecté des employés de
maison indonésiens et s'est propagée jusqu'en Asie.
Au total, 18 pays dans lesquels la couverture vaccinale était
imparfaite ont connu une flambée épidémique. En revanche, dans les
pays industrialisés comme la Suisse, la couverture vaccinale
dépasse les 90% et la barrière a tenu, comme le résume le docteur
David Heymann, représentant du directeur-général de l'OMS pour
l'éradication de la poliomyélite: "Certainement, il y a des virus
qui arrivent en Europe, de l'Afrique, ou de l'Asie, des virus de
polio. Mais comme les programme de vaccination sont très forts dans
la plupart des pays européens, il y a pas de problèmes. Il y a un
mur de protection qui prévient d'une flambée ou d'une
épidémie."
Après avoir engagé 250 millions de dollars supplémentaires, le
programme a repris le contrôle de la situation. Actuellement, 6
pays vivent encore dans la crainte du virus. Mais sauf nouvel
incident, la fin devrait être proche. L'OMS espère pouvoir annoncer
l'éradication de la polio dans le courant de l'année 2007.
Rougeole: la lanterne rouge helvétique
Après la variole et la poliomyélite, la rougeole est le
troisième fléau que l'OMS a entrepris d'éliminer. Cette maladie
extrêmement contagieuse est souvent perçue comme une maladie
bénigne. Pourtant, dans les pays occidentaux, on estime que 5 à 20%
des malades doivent être hospitalisés en raisons de complications
sévères. Statistiquement, dans 1 cas sur 1000 la maladie est
fatale, mais dans les pays en voie de développement, où les enfants
souffrent souvent de déficits immunitaires, la mortalité peut
atteindre 40%. Ainsi, en 1999, le virus a tué 875 000 personnes
dans le monde. L'offensive mondiale contre la rougeole a débuté il
y a 6 ans. Au cours de cette période, la mortalité a déjà été
réduite de moitié. Sur le continent américain, le virus ne circule
plus. En revanche en Europe, certains pays peinent à atteindre une
couverture vaccinale suffisante, dont la Suisse.
Malgré les recommandations des pédiatres, en Suisse, à l'âge de 2
ans, 1 enfant sur 5 n'est pas vacciné contre la rougeole. Résultat:
tous les 4 à 6 ans, le pays est le théâtre d'une nouvelle flambée
épidémique. La dernière a eu lieu en 2003. Sur mille malades, plus
du tiers vivait en Valais. Georges Dupuis, médecin cantonal
valaisan, revient sur l'épisode: "Alors c'est au début de 2003, au
début du mois de mars, que nous avons été informés par des médecins
hospitaliers de l'hospitalisation de 5 à 6 adolescents dont la
plupart provenaient du collège de la Planta et qui étaient
hospitalisés pour des complications relativement graves suite à une
rougeole, en particulier un cas de méningo encéphalite qui a été
jusqu'à un coma, qui a nécessité une très longue hospitalisation et
puis des adolescents qui avaient des broncho pneumonies sévères,
qui ont nécessité également des hospitalisations, voire même des
intubations avec ventilation artificielle, donc des
hospitalisations longues, des complications assez graves."
En Valais, au cours de l'épidémie de 2003, le médecin cantonal a
fait deux constats. D'une part, 99% des malades n'étaient pas
vaccinés, ou n'avaient pas eu de rappel. D'autre part, le virus n'a
pratiquement pas fait de victimes ailleurs que dans le Valais
central. Ce n'est sans doute pas un hasard, dans le reste du
canton, la couverture vaccinale était nettement plus élevée.
Explications de Georges Dupuis: "C'est une question culturelle et
puis c'est aussi une question de densité ou de présence de médecins
alternatifs, ou de médecins non vacciniers qui arrivent à
convaincre malheureusement un certain nombre de familles de ne pas
vacciner leurs enfants et leurs adolescents, ce que personnellement
je trouve très regrettable. Je trouve également regrettable le
manque de solidarité de ces médecins et de leur famille, vis-à-vis
des groupes à risque de la population, les femmes enceintes, les
nourrissons, les patients immunodéprimés, il y en a de plus en plus
aujourd'hui avec la médecine moderne, qui eux, font des
complications graves lorsqu'ils sont atteints par ce virus, donc là
aussi je regrette ce peu de solidarité de ces personnes."
Les pays de la région européenne de l'OMS se sont donné pour but
d'éliminer la rougeole d'ici à fin 2009. Mais pour cela, la
couverture vaccinale doit atteindre au minimum 95%. En Suisse, ce
chiffre a rapidement grimpé à 80%. Ce résultat nous place dans le
groupe des 7 derniers pays de la région Europe, aux côtés de
l'Autriche et de la Turquie.
Une situation que le chef de la divisions maladies transmissibles
de l'OFSP évoque avec une certaine gêne: "Alors on n'est pas fiers
en Suisse et notamment on porte une responsabilité nationale, parce
que la rougeole s'exporte très bien. Au cours de l'épidémie qui a
eu lieu en 2003, un enfant Suisse a exporté la rougeole en Israël;
ça a suscité une petite épidémie de 100 cas avec un décès. Voilà
notre problème et régulièrement on rapporte aux Etats Unis, en
Amérique du Sud, des cas suisses, des cas européens qui sont
exportés et qui génèrent des épidémies avec les complications que
j'ai dites."
Un faisceau de craintes
En Suisse, malgré les différentes campagnes, le taux de
vaccination contre la rougeole n'a pas évalué depuis 15 ans. Ce
phénomène a été observé un peu partout. Quand une maladie
infectieuse décime une population, le vaccin est accueilli comme un
sauveur et la couverture vaccinale augmente rapidement. Si cette
prévention est efficace, le spectre de la maladie s'éloigne et
c'est alors que le point de vue peut changer. Vacciner devient un
sujet de controverses, les recommandations des autorités sanitaires
ne sont plus suivies par tous et une brèche demeure ouverte dans la
population.
Quelqu'en soient les fondements, les craintes des parents en
matière de vaccination sont bien réelles. Parmi celles-ci, l'une
des plus répandues est le sentiment que la vaccination débute trop
tôt et qu'elle perturbe le développement du système immunitaire de
l'enfant.
Cette crainte, Claire-Anne Siegrist la connaît bien: "Cet espèce
de crainte diffuse que le système immunitaire est quelque chose
d'assez fragile et de très complexe, qu'il faut pas toucher est
très répandue. On peut comprendre que cette crainte soit répandue
parce que, assez classiquement, les parents voient que leurs
enfants vont bien pendant quelques mois, et vers 4-6 mois
commencent à avoir les infections bénignes de l'enfance, les
rhumes, les bronchites, les otites et les diarrhées et ces
infections surviennent souvent à un moment, ou peu après le moment
où les enfants ont été vaccinés. Et donc beaucoup de parents
peuvent être amenés à se poser la question: "Mais mon enfant, il
n'a rien eu pendant ses 3 ou 4 premiers mois et puis maintenant il
commence à faire des infections". Ces infections commencent vers
4-6 mois parce que les anticorps de la mère ont disparu, mais pour
les parents, quand deux choses se suivent c'est difficile de pas
faire un lien. Et donc, ça donne ce sentiment que peut-être c'est
parce que les vaccins ont surchargé le système immunitaire, qu'ils
l'ont affaibli et que le système immunitaire n'arrive plus à faire
face. On n'a pas d'évidences que ce soit le cas, et en fait quand
on mesure l'immunité en réponse aux vaccins, on voit qu'elle est
renforcée."
On vaccine rarement un enfant un jour où il est malade, mais à cet
âge on est souvent malade. De ce fait, il y a de fortes chance
qu'après un vaccin, tôt ou tard une maladie survienne, même s'il
n'y a aucun lien entre les deux.
Et de fait, l'ensemble des vaccins ne représente peut être pas
pour le système immunitaire une charge si grande qu'il n'y paraît.
Un enfant Suisse reçoit en principe durant les 2 premières années
de sa vie 6 doses de vaccins combinés pour garantir une protection
contre 8 maladies infectieuses. A priori, cela peut paraître
beaucoup, mais notre système immunitaire est justement là pour
affronter les agressions du monde extérieur.
En effet, pour être efficace, le système immunitaire doit pouvoir
distinguer entre les cellules du corps et les éléments qui lui sont
étrangers. Cette défense du corps dépend notamment de sa capacité à
mémoriser le signalement moléculaire des microbes susceptibles de
l'envahir. Ces éléments caractéristiques qui indiquent qu'il s'agit
d'un intrus s'appellent des antigènes. On les trouve en particulier
à la surface des virus ou des bactéries. Vacciner consiste à
inoculer les antigènes d'un agent infectieux, par exemple le virus
de la polio, pour stimuler la formation d'anticorps et la mémoire
du système immunitaires. Ainsi en cas d'infection, le corps pourra
reconnaître immédiatement l'intrus et les anticorps l'empêcheront
de proliférer. Pour protéger les enfants, on inocule au total 50
antigènes. Un nombre finalement modeste, quand on sait que le corps
apprend tout seul à en reconnaître plusieurs millions. Chaque jour,
nous sommes littéralement bombardés de nouveaux antigènes.
Malheureusement, les explications des médecins ne suffisent pas
toujours à rassurer les parents, surtout quand leur enfant souffre.
En quête d'explications, de nombreux parents se tournent alors vers
d'autres sources d'information et se perdent parfois dans la
nébuleuse des courants opposés à la vaccination. Sous la bannière
du mouvement anti vaccination est en effet rassemblée une liste
hétéroclite de naturopathes, d' associations de parents, de
personnes critiques à l'égard de l'industrie pharmaceutiques et de
courants religieux extrémistes.
Difficile pour le profane de s'y retrouver, comme l'explique
Philippe Duclos: "Il faut bien avouer aussi qu'on fait face des
fois à des personnes ou des groupes qui sont particulièrement zélés
en terme de continuer à faire courir une rumeur et qui ne
changeront jamais d'avis, même si en fait les hypothèses qu'ils
avaient soulevées ont été réfutées par des arguments scientifiques.
Et là c'est très difficile pour les parents, parce que quelle que
soit finalement la décision qu'ils vont prendre, ils ne vont pas
être à l'aise avec."
Curieusement, les peurs varient d'un pays à l'autre. Les Anglais
accusent le ROR de provoquer l'autisme. Les Français, quant à eux,
focalisent le débat sur la sclérose en plaque et le vaccin contre
l'hépatite B. Dans les deux cas, de nombreuses études sont venues
contredire ces accusations. Des accusations qui sont
systématiquement prises au sérieux par les autorités sanitaires,
notamment le projet pour la sécurité des vaccinations de l'OMS. En
effet, si l'une d'entre elles s'avérait être fondée, le produit
devrait être retiré immédiatement du marché. Et dans le cas
contraire, l'expérience a montré à quel point une rumeur pouvait
avoir des effets dévastateurs sur le taux de vaccination. Le
problème est qu'en général, les maladies dont on accuse les vaccins
d'être responsables, sont encore mal connues de la médecine. Et
faute d'explications, le vaccin est un coupable idéal. Dans ce
domaine, il est plus facile de désigner un coupable que de prouver
son innocence.
A la tête de la commission fédérale pour les vaccinations,
Claire-Anne Siegrist en appelle à la confiance à l'égard des
autorités sanitaires: "Je crois que logiquement, rien n'a aucun
effet secondaire. Pour une raison assez simple: le vaccin c'est
quelque chose de biologique. Ce n'est pas le vaccin qui agit, c'est
la personne qui réagit au vaccin, avec sa génétique, avec les
facteurs de son environnement, avec son alimentation, avec son
stress, avec tout ce qui fait la particularité de chacun, on ne
peut pas contrôler absolument et assurer absolument que 100% des
personnes vont répondre de façon à n'avoir aucun effet indésirable
après un vaccin. Donc je crois qu'on peut jamais dire que le risque
est zéro. Cela veut dire que si je recommande un vaccin, je dois
être absolument certaine que le risque de la maladie contre lequel
ce vaccin protège est largement supérieur à un risque de 1 sur
10'000, 1 sur 100'000 ou 1 sur 1 million".
En résumé, l'idéal serait que tous les enfants soient vaccinés,
sauf les siens. Mais si d'autres tiennent le même raisonnement, le
risque d'infection ressurgit aussitôt. C'est à ce paradoxe que nous
sommes tous confrontés. Un paradoxe d'autant plus difficile à vivre
qu'en matière de prévention, la tendance serait plutôt à
l'individualisation de la prise en charge, comme l'explique
Claudine Burton-Jeangros, auteur d'une étude sur le sujet: "Les
vaccinations en appellent à une sorte de responsabilité collective,
on doit vacciner aussi, non seulement pour son enfant, mais pour
protéger l'ensemble de la population, alors que dans tous les
autres messages de prévention, que ce soit par rapport au cancer,
aux maladies cardio vasculaires, on va insister sur la
responsabilité des individus. La maladie est une question
individuelle, on doit prendre des mesures, mais simplement au
niveau de sa promotion personnelle de la santé. Et l'argument
collectif n'entre pas du tout en matière."
Ainsi, les parents qui refusent certains vaccins font souvent
partie de ceux qui par ailleurs sont attentifs à l'hygiène de vie
de leur famille, surveillent leur alimentation, bref prennent en
charge leur santé. Un constat s'impose, quelle que soit la
pertinence de leurs choix, de nombreux parents ne s'accommodent
plus d'une obéissance aveugle face à la science médicale. Le
rapport médecin/patient évolue. Derrière le refus d'un vaccin, il y
a peut être aussi l'exigence d'un dialogue plus ouvert avec celui
ou celle qui porte la blouse blanche.
Par manque de temps, par manque de formation, par lassitude aussi
de toujours répéter les mêmes choses, il arrive souvent que le
médecin néglige ce dialogue. Il est pourtant indispensable,
notamment aussi pour améliorer la sécurité des vaccins. Quelles que
soient les précautions, quand un nouveau produit est mis sur le
marché, c'est forcément une expérimentation à grande échelle. Si le
virus H5N1 mute et déclenche une pandémie, un vaccin sera développé
dans l'urgence. Ce jour-là, les effets secondaires ne pourront être
corrigés que si médecins et patients parviennent à se parler
vraiment.
En plus...
Stretching: la fin d'un mythe
Le stretching ne prévient pas les blessures, ne facilite pas la récupération et n'améliore pas les performances. Il n'a de ce fait pas les vertus qu'on lui a longtemps attribuées. De récentes études médicales viennent de battre en brèche une pratique sportive qui faisait l'unanimité aussi bien chez les sportifs amateurs que chez les professionnels. Pourtant sur le terrain, ces nouvelles connaissances peinent à être acceptées.
Dans les années 80, alors que le disco enfiévrait nos samedis
soir, l'américain Bob Anderson lançait la mode du stretching. Au
fil des ans, cette mode est devenue un véritable dogme. Sportifs de
pointes ou amateurs, impossible d'échapper au stretching ! Pendant
20 ans, on a ainsi prêté aux exercices d'étirement des muscles et
des tendons moult bienfaits dont ceux de prévenir les blessures et
d'améliorer les performances. De récentes études médicales
remettent toutefois en cause ces vertus.
Constat: aux mieux, le stretching ne sert à rien, au pire, il
cause des blessures. Entrave à la vascularisation des muscles,
création de micro traumatismes musculaires...tels peuvent être
notamment les méfaits du stretching. Sur les terrains de sport, les
conclusions de ces études scientifiques ne convainquent pas...
Alors, "to stretch or not to stretch" ?! Françoise Ducret et Romain
Guélat ont interrogé des médecins, des entraîneurs et des sportifs,
dont Stéphane Lambiel.