Certains casques de moto, présents sur le marché, ne répondent pas aux normes. En cas d'accident, ils n'offriront donc pas une protection suffisante. Test et entretien avec un spécialiste.
Casque indispensable
Franchir la
porte d'un magasin de scooters représente, pour beaucoup de jeunes,
un premier pas vers la liberté. Mais pour en jouir longtemps, il ne
faut pas jouer avec sa sécurité. Olivier Grandjean tient un magasin
de scooters à Genève : « Les jeunes, en général, savent à peu
près ce qu'ils veulent, ils ont parcouru les catalogues. Ils
achètent des casques intégraux, de look assez bariolé et de bonne
qualité. » Et ceux qui n'ont aucune expérience ? « On leur
fait essayer tout un panel de casques et on leur conseille toujours
un casque intégral, milieu de gamme pour une bonne sécurité, et on
leur apprend surtout que la taille est très importante et qu'il
faut fermer la jugulaire. » André Marty est décorateur de
casques. Parmi ses clients, des sportifs anonymes, des pilotes de
Formule un, des champions de moto ou de ski. Il a peint l'extérieur
de plus de 12'000 casques, mais il en connait parfaitement
l'intérieur, notamment la couche protectrice dans le casque idéal :
« La couche de polystyrène fait 4 ou 5 cm. d'épaisseur sur
toute la surface. Que l'on roule à vélomoteur à 50, en scooter à 80
ou en moto à 120, la protection doit être la même. Les tests ne
sont pas faits à haute vitesse, il faut toujours avoir le top sur
la tête. »
83 morts, 1'370 blessés graves
En 2008, sur les routes de Suisse, 83 motards et scootéristes sont
morts, 1'370 ont été grièvement blessés. Plus inquiétant encore,
entre 1997 et 2007, le nombre de blessés a augmenté de 26%. Pour
tenter de stopper cette évolution, les campagnes de prévention
routière se font de plus en plus crues (voir par exemple le site
français www.mortelscooter.fr). Les accidents ne touchent pas que
les jeunes. Au CHUV à Lausanne, Pierre-Yves Zambelli est médecin
orthopédiste et traumatologue. Il a vu des vies d'adultes gâchées
par des accidents graves : « On est alimenté par une machine,
puis par une infirmière parce que l'on ne peut pas utiliser ses
bras, on redevient un petit peu un enfant ; ça laisse des traces,
on n'est pas censé redevenir un enfant à 35 ans. »
Concrètement, quel est l'apport d'un casque lors de chocs sur la
boîte crânienne ? « On diminue de 70% les séquelles après un
impact sur le crâne avec un casque. Un casque est un élément
indispensable, c'est indiscutable. On se pose des questions sur
l'impact sur la colonne cervicale, mais on n'a jamais pu montrer
qu'un casque augmentait les risques de lésions cervicales ; il ne
les diminue pas non plus, mais c'est un élément protecteur, en tout
cas pas un élément aggravant. » Alors le casque, est-ce, comme
on le dit, la seule carrosserie du motard ? « D'accord, mais
une carrosserie qui ne devrait jamais connaître d'impact.
»
Conseils de champion
Jacques Cornu a remporté trois Grands Prix moto. Il est monté à 21
reprises sur le podium. Le pilote neuchâtelois a également été
champion du monde d'endurance en 1982. Des chocs et des impacts sur
son casque, il en a connu, « plus d'une fois, et si je n'avais
pas eu un bon casque sur la tête toute ma vie, je ne serais pas là
pour donner cette interview. » Voici les conseils qu'il
prodigue aux élèves de sa moto-école : « Il faut acheter un
casque qui se voit, qui est lumineux, regarder le poids et surtout
aller l'acheter chez un spécialiste pour trouver un casque adapté à
sa tête. » Et pourquoi un casque voyant ? « On sait que,
dans plus de 50% des accidents impliquant une moto et une voiture,
la faute revient à l'automobiliste qui, bien souvent, n'a pas vu le
motard. C'est vrai que l'on nous voit très mal.»
Modèles de casques et sécurité : entretien avec Christian
Fehlbaum, auteur de l'enquête
(uniquement en vidéo)
Les casques du futur
Rémy
Willinger, professeur à l'Université de Strasbourg, mène des
recherches pour améliorer la protection fournie par les casques. Il
a mis au point un modèle mathématique qui permet de visualiser
l'impact d'un choc subi par le casque et ses effets sur la masse
cérébrale : « Trois phénomènes sont possibles : une déformation
de la boîte crânienne qui, éventuellement, peut aller jusqu'à une
rupture, une fracture du crâne ; un mouvement relatif cerveau-crâne
qui, typiquement, conduit à des lésions entre cerveau et crâne, un
hématome sous-dural ; une déformation de la matière cérébrale,
notamment des cisaillements. Cela a pour effet des contusions, des
comas légers ou profonds, ou la mort, bien entendu. »
Le professeur Willinger ne se contente pas de tester des casques.
Il veut voyager à l'intérieur d'une boîte crânienne, comprendre ce
qui s'y passe, lors d'un choc, pour préparer le casque du futur.
« Il y a deux points essentiels pour l'optimisation des
casques: développer des matériaux ou combinaisons de matériaux
nouveaux pour dissiper l'énergie du choc, tant grâce à la mousse
amortissante à l'intérieur que grâce à la coque externe. Le
deuxième point essentiel, c'est d'améliorer l'étude des chocs, car
la tête n'est pas une simple masse comme on la simule dans les
tests actuels. L'idée dans le futur, c'est de réfléchir, en
situation de choc, non seulement en termes d'accélération, mais en
termes de déformations crâniennes, des cisaillements du cerveau, à
des critères plus proches de la réalité. »
Entretien avec Rémy Willinger de l'Université de
Strasbourg
(Uniquement en vidéo)