Parfums d'intérieur : un air...irrespirable !
Parfums de fleurs et consommateurs
On nous mène par le bout du nez !
Une pollution qui sent si bon : le test
Les bonnes odeurs, nous avons l'embarras du choix pour en créer, entre les encens, les bougies parfumées, les sprays qui nous promettent un air pur. Vraiment pur ? ABE a fait tester un échantillon de sept sprays désodorisants, sept bougies parfumées et six encens, en les comparant à l'air pur des cimes.
Cet air pur des montagnes, nous sommes allés le chercher au sommet de l'Aiguille du Midi, à 3842 mètres d'altitude ; nous avons pu tester sa qualité grâce à des tubes de mesures prêtés par le service genevois de toxicologie industrielle.
ABE a ensuite confié au laboratoire de toxicologie industrielle de Genève les vingt échantillons sélectionnés pour le test.
Les experts du laboratoire ont effectué des tests d'usage, menés en parallèle dans trois pièces de même taille pendant une heure, avec mobilier. Ils ont d'abord mesuré l'air ambiant, puis l'air après utilisation de chaque produit.
Ils ont ensuite recherché la présence de composés organiques volatils (COV) et de particules ultrafines. Il s'agit de substances qui peuvent être allergènes et pour certaines même cancérigènes.
Premier groupe de produits analysés : les sprays.
Après test, le laboratoire a retrouvé dans l'air des COV en quantité faible à moyenne, avec une exception.
Avec moins de 20 microgrammes de COV par m3, le spray Brise-Provence crée le moins de pollution.
Avec 1655 micro grammes par m3, les mesures après vaporisation du N1 Floral distribué par Carrefour dépassent très largement le maximum de 1000 microgrammes, recommandé par l'OMS et la Suisse.
« Nous avons retrouvé de fortes concentrations qui dépassent les recommandations admises pour ce type de produits. A l'analyse, nous avons trouvé un solvant industriel, une forme de white spirit utilisé dans certains sprays pour faciliter la nébulisation », explique Vincent Perret, expert au Service genevois de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures.
Des sprays à éviter donc, car on rajoute de la pollution dans nos intérieurs. Une règle qui vaut en général pour tous ces produits : « Dès qu'on utilise ce type de produits, on rajoute dans la pièce des produits qu'il n'y avait pas avant. On va trouver un air agréable, car il y aura une odeur agréable. Par contre, du point de vue de la toxicité et de la pollution, c'est un non sens d'ajouter ce type de produits pour améliorer la qualité de l'air », précise Vincent Perret.
Deuxième groupe de produits analysés : les bougies.
Premier constat : on y trouve moins de COV, car la charge de parfum y est moindre.
Le gros problème ici est la combustion. Elle permet l'émission de particules ultra fines qui peuvent aller se loger dans les poumons.
L'air testé après combustion des trois bougies suivantes dépasse la norme indicative de 50'000 particules par cm3.
Scented Candle, distribuée par Manor
Coop vanille et Candela de Migros, cette dernière présentant le pire résultat.
« Ici, il y a émission de résidus de combustion. Il s'agit en fait de particules ultrafines. Sont associés à ces particules les HAP- ces produits aromatiques policycliques - qui sont cancérigènes, et que l'on trouve aussi dans les cigarettes, dans les viandes, en fait chaque fois qu'on brûle de la matière organique. Si on laisse des bougies longtemps allumées, on accumule de fortes concentrations de particules ultra fines et ces concentrations là sont comparables à ce qu'on pourrait mesurer à un carrefour en ville », explique Vincent Perret.
Les experts ont aussi recherché la présence d'aldéhydes, en se basant sur une liste de 14 de ces polluants. Quatre bougies se distinguent.
Scented Candle
Bougie Ambiance by Balthasar
Bougie Brise Vanille
Bougie Air Wick
« Les aldéhydes sont une famille de produits chimiques tous irritants. On en connaît certains assez bien, comme le Formaldéhyde qui est irritant et cancérigène, qu'on a trouvé, mais en faibles concentration ».
Dernier groupe de produits testés : les encens.
Pour tous les encens testés, la concentration de particules ulttrafines dans l'air testé après combustion dépasse la norme indicative de 50'000 particules par cm3.
« Nous ressentons tout d'abord une impression de suffocation, corroborée par les analyses de la qualité de l'air. Avec les encens, on émet énormément de particules ultrafines car c'est un processus de combustion », explique Vincent Perret.
L'encens qui cause le moins de pollution est le Candela, de Migros
L'encens tibétain TRHSS et le cône Sandesh sont ceux qui dégagent le plus de microparticules
« Par ailleurs, nous avons trouvé du benzène, un composé cancérigène qui provoque des leucémies. On en trouve dans l'essence, ce qui fait qu'on en trouve partout dans l'air dans les villes, mais après avoir brûlé un bâton d'encens on peut en trouver de grosses concentrations. A titre de comparaison, on a terminé une étude qualité de l'air dans les parkings souterrains et on a trouvé des concentrations de benzène tout à fait comparable à celles qu'on a trouvées en brûlant des bâtons d'encens dans les pièces pendant le test ».
Lors de la combustion, tous nos encens ont dégagé du benzène, et en quantité largement au dessus de la norme recommandée par l'OMS, qui est de 5 micro grammes par m3 en moyenne sur une année.
Le cône (19) Sandesh dépasse même soixante fois cette norme !
Et comme si cela ne suffisait pas, les tests ont aussi révélé la présence d'aldhéhydes. Le laboratoire a également identifié des phtalates dans l'air, une autre famille de substances chimiques soupçonnées d'être des perturbateurs endocriniens.
Tous ces produits sont donc jugés malsains, très irritants pour des personnes sensibles. Si on en fait un usage fréquent et intense, ils peuvent même nuire à des personnes en bonne santé.
C'est le processus de combustion qui explique pour beaucoup ce tableau très noir.
« L'encens est une résine d'arbre, faite donc de composés organiques. Dès qu'on brûle des composés organiques, il y a réorganisation des atomes dans la flamme et l'on crée plein de molécules différentes, des substances qui n'étaient pas à l'origine dans le produit que l'on brûle », explique encore l'expert.
Sans surprise, notre échantillon d'air des Alpes est très pur. Il ne contient aucune substance allergisante et très peu de COV, bien moins en tout cas que le spray à l'air des montagnes...