Vous souhaitez obtenir des indemnités d'un employeur qui vous a brutalement licencié? Vous voulez faire valoir vos droits face à un voisin querelleur ou une entreprise qui vous gruge? Pas de problème, votre protection juridique vous conseille et prend en charge les frais de justice… sauf quand elle vous met des bâtons dans les roues. ABE a recueilli les témoignages de plusieurs assurés en colère.
La naissance de la protection juridique
La protection juridique est un marché prometteur. C'est le dernier secteur des assurances qui ne soit pas saturé. 40% des Suisses vivent sans protection juridique. Et tout le monde veut sa part du gâteau. Vingt-deux compagnies sont actives dans ce domaine. Du côté des consommateurs, la demande grandit. Le volume de primes encaissées a augmenté de 84% en 10 ans. Et globalement, les protections juridiques encaissent plus qu'elles ne dépensent.
Des litiges peuvent intervenir autour d'un contrat ou suite à un accident de la vie. Et les conseils d'un avocat ne sont pas accessibles à toutes les bourses. Imaginez dès lors les frais engagés lors d'un procès… La première protection juridique voit le jour à la fin du 19 siècle, alors qu'un médecin est ruiné par une action en justice intentée par un patient. Suite à ce cas, des médecins se sont organisés en mutualité afin de se prémunir contre de tels recours. On commence alors à réfléchir à des modalités de protection juridique. Depuis, les offres de protection juridique se sont élargies. Elles couvrent de nombreux pans de la vie privée et de la vie professionnelle.
Un effet bénéfique de la protection juridique est de garantir un accès à la justice au plus grand nombre. Un effet pervers est celui de risquer de judiciariser les rapports sociaux. Afin de se prémunir contre cet abus de justice, la loi prévoit de donner le droit aux assurances de refuser des litiges jugés comme perdus d'avance. Ce droit de regard de l'assureur doit permettre de mener les actions juridiques de manière raisonnable et de limiter les coûts dans une affaire "perdue d'avance".
Pour Madame Droz, le fait d'avoir une protection juridique lui a permis de faire valoir ses droits. Souffrant d'une maladie congénitale à l'œil droit, elle a été opérée en 1994. Elle doit dès lors porter une prothèse oculaire. A l'époque, l'assurance-invalidité prend en charge l'intégralité de la dépense. En 2006, sa prothèse doit être renouvelée. Elle se rend chez son prothésiste. Elle envoie la facture à l'AI. Et là, une mauvaise surprise l'attend. L'assureur répond par courrier que seuls 2000 CHF seront pris en charge! Madame Droz fait recours par l'intermédiaire de son assurance juridique, la DAS, auprès du tribunal cantonal. Elle est déboutée. L'assurance juridique convainc Madame Droz d'aller jusqu'au Tribunal fédéral des assurances. L'histoire finit bien pour l'assurée. Le TFA lui donne raison. Sans assurance juridique, la patiente avoue qu'elle ne serait pas allée jusqu'au bout.
Madame Droz a eu de la chance. Elle est tombée sur un avocat compétent et son litige entrait dans la liste des cas couverts. Son assureur, comme vous le verrez dans la séquence suivante, termine en dernière place de notre test. Car dans la jungle des protections juridiques et avec le jargon technique utilisé dans les contrats d'assurance, il n'est pas toujours simple de savoir dans quels cas l'on est couvert…
Protections juridiques: le test
Bien choisir sa protection juridique n'est pas simple. Les conditions générales sont généralement rédigées dans un jargon inaccessible aux consommateurs. Dès lors, comment savoir si l'on sera bien assuré? Trois experts ont comparé les onze plus gros assureurs de la protection juridique de Suisse, selon les critères suivants : quels domaines de litiges sont couverts, et lesquels sont exclus ? Les conditions générales sont-elles exposées de manière compréhensible?
Nos trois experts:
Sara Stalder est directrice de la fondation alémanique pour la protection des consommateurs.
Gabriela Baumgartner est l’experte en droit de l’émission alémanique Kassensturz.
Ruedi Ursenbacher est spécialiste en assurances pour le courtier éthique Fairsicherung.
Retrouvez les résultats de notre test >>> Protections juridiques: le test
Tableau récapitulatif: comparaison des assurances de protection juridique (pdf)
La protection juridique face à un problème familial
L’hiver dernier, Doris Pizzinato a dû faire face au décès soudain du compagnon de sa mère. A la douleur du deuil sont rapidement venus s'ajouter de nombreux problèmes administratifs. Assurée par la protection juridique du Groupe Mutuel, elle les contacte pour obtenir des conseils. Mais voilà, après trois semaines d'attente, Doris Pizzinato n'a reçu aucune nouvelle de son assureur.
A la mort d'un proche, de nombreuses questions administratives se posent: impôts, frais médicaux, droits de succession… Une situation rendue d'autant plus complexe que la mère de Doris Pizzinato et son compagnon n'étaient pas mariés. Ils n'ont donc aucun lien de parenté et donc aucun lien juridique. Comment, dès lors, prendre en charge les questions administratives du défunt? Doris, n'obtenant pas de réponse de son assureur, se tournera vers un notaire et parviendra à régler les problèmes de succession.
Pas satisfaite de sa protection juridique, Doris décide de résilier son contrat. Elle en a le droit en vertu du droit de résiliation sur sinistre. Le Groupe Mutuel refuse pourtant cette résiliation considérant qu'elle est hors délai. Un refus non-fondé selon Me Gilles-Antoine Hofstetter, spécialiste en droit des assurances, qui remarque aussi le manque de sensibilité et d'humanité du courrier du Groupe Mutuel.
Une nouvelle lettre, qui souligne le manque de sensibilité du Groupe Mutuel, est envoyée par Doris à son assureur. Dans sa seconde réponse, l'assureur change de ton, présente ses condoléances à la famille Pizzinato et reconnaît ses manquements dans le traitement de ce dossier. Il accepte également la résiliation du contrat.
La protection juridique face à un litige avec un employeur
Mme B a été licenciée en janvier 2014. Un licenciement qu'elle juge abusif. Elle n'a perçu aucune indemnité et son certificat de travail est jugé très problématique par ses conseillers en placement du chômage. Elle décide de chercher de l'aide auprès de sa protection juridique Assista du TCS. Mais cette dernière ne sera pas d'un grand soutien.
Assista se vante de pouvoir régler les litiges avec les employeurs. Mme B est donc confiante lorsqu'elle prend contact avec sa protection juridique. Mais le temps passe, et rien ne semble bouger. Elle essaye de contacter son assureur par téléphone, mais personne ne répond. Ses mails restent lettre morte… De guerre lasse, Mme B décide de contacter un avocat de la place. Elle est reçue dans les 48 heures. Ce dernier prend connaissance du dossier et écrit un courrier à Assista confirmant les prétentions de Mme B. La réponse d'Assista est cinglante: "S’agissant du licenciement, j’émets toutes réserves quant à son caractère abusif". De plus, alors qu'elle garantit le libre choix de l'avocat, Assista refuse de prendre en charge l'activité de l'avocat de Mme B dans cette affaire et affirme reprendre en main le dossier. Assista reconnaît toutefois son manque de célérité dans cette affaire.
Les choses prennent une autre tournure lorsque A Bon Entendeur contacte Assista pour l'informer que Mme B va témoigner dans notre émission. L'assureur la contacte pour lui proposer de confier son dossier à un avocat externe dont les honoraires seront pris en charge par l'assurance. Un revirement qui n'a rien à voir avec l'intervention de l'émission ABE, selon Assista, qui a dans le même temps refusé de participer à une interview en se justifiant ainsi: " Assista n'entend pas intervenir dans cette émission au sujet d'un dossier en cours. Assista estime qu'une telle intervention risque de porter préjudice à la défense des intérêts de la personne en cause".
Neuf mois après les débuts de son litige, Mme B voit enfin un espoir. Mais elle est écœurée par le temps et l'énergie qui auront dû être dépensés pour que sa protection juridique se soucie finalement d'elle.
La protection juridique lors d'un litige professionnel
Tiziana et Patrick Walker sont installateurs de piscines depuis 20 ans. En 2010, ils installent une piscine en inox dans la villa d'un riche client. Coût du chantier, plusieurs centaines de milliers de CHF. Mais après quelques semaines, l'installation se met à rouiller. Le fabricant, une firme autrichienne, refuse de reconnaître un quelconque défaut à son produit. M. Walker doit changer une partie de l'installation à ses frais. Il alerte sa protection juridique.
Commence alors un véritable parcours du combattant pour le couple. Le for juridique du fabricant est en Autriche. Protekta, la protection juridique du couple, nomme un avocat germanophone sur ce dossier. Mais ce dernier peine à communiquer avec le couple, qui ne parle pas allemand. Les documents techniques envoyés par les Walker ne semblent pas compris de l'avocat qui ne s'en sert pas pour faire valoir les droits de ses clients. Une situation anormale selon Zeynep Ersan Berdoz, rédactrice en chef du magazine Bon à Savoir.
Les Walker perdent finalement leur procès en Autriche. Protekta refuse alors de faire recours et demande, en plus, 15'000 CHF au couple. Les frais de justice ont en effet dépassé la somme maximum prévue par les conditions générales. Les Walker refusent de payer. Ils n'ont pas été avertis de ce dépassement lors de la procédure et n'ont donc pas eu le choix. Protekta propose alors de renoncer aux 15'000 CHF en échange d'une résiliation du contrat. Mais une telle résiliation ne se fait généralement pas. Elle libère en effet l'assureur de tout devoir lié à l'affaire. Une affaire dont les suites sont toujours en cours. Les Walker ont toutefois décidé de cédé face à ce qu'ils considèrent pourtant comme du chantage. Mais ils sont désormais seuls et auront sans doute bien du mal à trouver une nouvelle protection juridique…
Le litige entre la famille Walker et Protekta: la réaction de Philippe Genoud, directeur Protekta
Qu'est-on en droit d'attendre d'une protection juridique et comment l'obtenir? Le point avec Alain Orange, journaliste à ABE
Notre rubrique: quand les décibels s'envolent au cinéma
Passionné du 7 art, Bernard Attinger voit entre 80 et 100 films par année au cinéma. Mais voilà, ce cinéphile est en colère. Très souvent, il juge que le volume dans les salles obscures est trop fort, au point d'en devenir désagréable. Il faut dire que l'industrie du cinéma met le paquet pour plonger les spectateurs dans leurs films. Les haut-parleurs se sont ainsi démultipliés dans les salles. Les amoureux du cinéma doivent-ils avoir peur pour leurs tympans?
Chez Pathé Suisse, le plus grand exploitant de Suisse romande, le message est rassurant. Les films sont diffusés avec une bande sonore dont le volume est compris entre 4 et 5.5 d'une échelle allant jusqu'à 7, comme le rappelle Teodor Teodorescu, directeur des opérations du groupe. A 4.3, cette échelle Pathé correspond à un son de 75 décibels mesuré par exemple pendant une scène d’action du film Geronimo, actuellement projeté à Lausanne. Un volume bien loin des 93 décibels par heure fixés par la loi. Il y a deux ans, une enquête réalisée par Bon à savoir et On en parle confirmait que le volume sonore dans 16 cinémas de Suisse restait bien en-deçà de la limite légale. Le son le plus bruyant avait été mesuré à peine à 75 décibels en moyenne pendant une heure.
Alors comment expliquer que de nombreux cinéphiles, à l'instar de Bernard Attinger, se plaignent du volume dans les salles obscures? Il s'agit de la compression de la dynamique des sons, selon Nicolas Gouneaud du Service de l'air et du bruit à l'Etat de Genève. Afin d'augmenter la puissance sonore, les producteurs de films augmentent, pendant le mixage, les sons faibles et réduisent les sons forts, avant d'amplifier le tout. Mais cela ne représente pas un danger pour les consommateurs, selon M. Gouneaud. Maintenant, libre à chacun d'aller ou non au cinéma. Et le consommateur peut toujours essayer de demander aux employés de baisser le volume… Peut-être certains seront-ils entendus.