- Les maquillages permanents ne sont pas anodins: des actes indélébiles et parfois faits avec des colorants douteux
- Le bronzage artificiel: du coup de soleil au mélanome
Des dégâts indélébiles
Un maquillage permanent raté cause
de terribles dégâts. Cette histoire a été vécue dans leur chair par
de nombreuses femmes. Normalement, cette forme de tatouage ne
devrait pas être pratiquée sur des mineurs et pourtant...
L'exemple de Karine est parlant. Cette jeune femme se voyait avec
une asymétrie au niveau de la lèvre supérieure, trop mince à son
goût. Elle décide de la faire rectifier par un tatouage permanent.
Karine se souvient : « Il (Le tatoueur) m'a tatoué un bon
centimètre au-dessus de la lèvre supérieure avec les coins aussi,
dans un violet très profond qui a viré par la suite au rose violine
brun beige, enfin j'ai eu donc treize couleurs sur la lèvre à vie
des pigments qui se résorbaient pas ».
En plus de la douleur endurée, c'est bien dans sa chair que Karine
est marquée. Elle qualifie le résultat de catastrophe, se
découvrant ainsi défigurée. Elle n'a alors que 15 ans! Son cas est
un exemple extrême de ratage, qui illustre les pires pratiques dans
le domaine du tatouage et du maquillage permanent.
« On touche le visage des gens, ce n'est pas rien, c'est toute
l'identité. Donc, quelqu'un qui est raté est défiguré, confirme
Rosina Fleury, spécialiste en dermopigmentation esthétique et
réparatrice. Il y a une perte d'identité. Psychologiquement cela a
un impact énorme ». Dans son cabinet de Lausanne, cette spécialiste
en pigmentation répare les visages abîmés. Chaque semaine elle en
reçoit une à deux. Souvent, elles ont été envoyées ici par les
hôpitaux ou par des dermatologues pour corriger des bavures. Les
exemples sont nombreux : « Ce sont des sourcils asymétriques, des
coulures au niveau des yeux, des eyeliners beaucoup trop
importants, des bouches en dehors de la muqueuse de la lèvre, trop
agrandie, des couleurs beaucoup trop fortes ».
L'une de ses clientes, Yvonne Magnin, a connu la même
mésaventure il y a une dizaine d'années. Une esthéticienne
itinérante lui avait demandé 600 francs pour un contour des yeux
qui s'est révélé bâclé. « Elle a utilisé des aiguilles un peu
longues, je trouvais. C'était des aiguilles pour le tatouage du
corps je suppose, parce que pendant les séances je pleurais
énormément, mes yeux enflaient. Elle était obligée de tirer les
paupières pour continuer. Je suis rentrée à la maison. J'avais les
yeux presque complètement fermés. J'ai fait des compresses de
glace, j'ai fait des compresses fraîches ». Ce n'est qu'après deux
jours et la résorption de l'œdème qu'Yvonne découvre un dessin
beaucoup plus important que celui désiré.
Même quand il est pratiqué dans les règles de l'art, il faut bien
comprendre que le maquillage permanent est un traitement invasif
qui doit être réalisé par un spécialiste. C'est un vrai tatouage,
puisqu'on pique la peau avec une aiguille pour y injecter des
pigments.
«Sur ce schéma de la peau, on a la
surface de la peau et donc l'épiderme ici et puis en dessous le
derme, sa partie superficielle et sa partie profonde, explique le
Dr. Maurice Adatto, dermatologue, Quand on parle de maquillage
permanent, le pigment est inséré au niveau de l'épiderme et du
derme superficiel. Il faut aller sous l'épiderme, sinon les
pigments ne restent pas. Si on est seulement dans l'épiderme
intraépidermique, le pigment va être éliminé en une semaine. Donc,
il faut être un tout petit peu sous l'épiderme. Effectivement,
c'est un geste invasif, c'est une effraction de la peau ».
Le maquillage permanent est quasiment un geste médical. Pourtant
en Suisse, il n'est pas soumis à un contrôle des autorités. Ce sont
des esthéticiennes qui le pratiquent, offrant souvent leurs
services sur internet. Impossible en un seul click de se faire une
idée de leurs compétences - et il y a risque de tomber entre des
mains peu expertes.
Yvonne a eu cette malchance, en répondant à une annonce publiée
dans un journal. L'esthéticienne l'a accueillie non pas dans un
cabinet mais dans un appartement privé.
Elle se souvient « avoir été assise sur une chaise de salon » et
que l'esthéticienne ne s'était pas lavé les mains. Les autres
personnes qui passaient avant elle recevant le même traitement,
Yvonne était très confiante. « J'étais terriblement naïve...
»
A Berne, l'Office fédéral de la santé publique est au courant de
ces mauvaises pratiques. Reste que pour l'instant, nos autorités se
contentent de la publication toute récente d'un code de bonne
conduite, destiné aux professionnels mais non contraignant. Pour
protéger le consommateur, il prévoit un questionnaire-santé qui
prévient le client des risques encourus et des contre-indications
éventuelles.
Carole Meylan, collaboratrice scientifique, exprime la position de
l'OFSP : « Chaque personne qui veut se faire tatouer ou avoir un
maquillage permanent devrait au préalable vraiment y réfléchir et
être consciente que ces pratiques présentent un risque pour sa
santé. Il peut y avoir risque d'infection, d'allergie, etc. Donc,
une fois qu'elle a bien réfléchi et qu'elle veut quand même se
faire tatouer, on lui recommande d'aller consulter un médecin pour
vérifier qu'elles n'ont pas de problème d'allergie et également de
choisir un studio de tatoueur qui est propre, où les règles
d'hygiène sont garanties ».
Dans un salon genevois, Sandra Viglino, technicienne et
formatrice en maquillage permanent prend ces recommandations très
au sérieux. En fait, elle n'a pas attendu Berne pour appliquer ses
propres règles. C'est tout d'abord des gestes méticuleux pour
garantir la bonne hygiène de tous les instruments utilisés. Elle
est l'une des rares esthéticiennes en Suisse romande à avoir obtenu
un label de qualité, délivré par un organisme privé.
Avec chaque nouvelle cliente, il y a d'abord une consultation
préalable. Ensuite Sandra fait remplir un questionnaire détaillé
d'une quinzaine de pages. « Cela me permet de connaître son état de
santé, si je peux la traiter ou pas, si elle est apte au
traitement. Et cela lui permet aussi en lisant ces documents, de se
rendre compte de l'importance de ce traitement qui n'est pas
anodin. Il n'y a pas que des bonnes choses, il y a aussi des
possibilités d'allergie et d'infection et ça il faut qu'elle soit
au courant».
Le problème, c'est que très souvent, ce traitement est banalisé,
comme le montre l'enquête de terrain réalisée par l'équipe d'A Bon
Entendeur. Nous avons contacté 23 instituts de beauté dans les
trois cantons où se concentrent une majorité des maquilleuses, soit
Genève, Vaud et Valais.
Comme le ferait n'importe quelle cliente ou client, nous avons
pris des renseignements préalables pour réaliser un contour
permanent sur le dessus de la paupière. Cela nous a permis de
vérifier si ces instituts donnent les informations nécessaires lors
d'un premier contact et mentionnent le questionnaire-santé.
Malheureusement, cela a rarement été le cas.
Entretien avec F. Weilhammer : le manque d'informations
fournies par les instituts
- Seul
un quart des instituts contactés ont donné des informations
complètes, tant sur la nature du traitement et son suivi, le type
de pigments, et sur les risques encourus et sur la nécessité de
remplir un questionnaire médical.
- La moitié des salons visités, n'ont pas expliqué en détail les
procédures à nos enquêtrices. Les maquilleuses n'ont pas averti des
risques et surtout des contre-indications médicales, par exemple en
cas de diabète ou d'hépatite, ou même d'allergie.
- Les prix passent du simple au quadruple : le traitement le moins
cher dans ces 13 instituts visités se paie 180 frs, le plus cher
800frs
- Les instituts meilleurs marchés sont ceux qui banalisent le
traitement et n'informent pas suffisamment les clients.
Mais attention, notre enquête a porté sur les renseignements
donnés aux clientes, pas sur le traitement lui-même, cette
corrélation est faite entre informations et prix, ce qui permet
tout de même de se faire une bonne idée.
Nous n'avons pas pu juger de la pratique même des instituts faute
de volontaires dans l'équipe... Mais la réussite d'un maquillage
permanent dépend du sérieux de la formation, de l'expérience, de la
précision du geste, de l'hygiène et de la qualité des pigments
utilisés.
Attention : pigments dangereux
L'enquête inédite publiée mi-juillet
par l'Office fédéral de la santé publique a révélé que 80% des
échantillons de couleurs pour maquillage ou tatouage prélevés par
les chimistes cantonaux en Suisse ne sont pas conformes aux normes
légales en vigueur depuis 2008. Certains lots ont même dû être
retirés de la circulation.
Carole Meylan, collaboratrice scientifique, OFSP relève que «
parmi les résultats obtenus, il y a eu 41% d'échantillons de
couleurs contrôlés qui ont dû être interdits d'utilisation parce
qu'ils présentaient un danger pour la santé des consommateurs et
parmi ces échantillons, on a pu détecter des colorants interdits,
des agents conservateurs non admis ou des substances dites
cancérigènes. On est certes très déçus par ces résultats qui sont
insatisfaisant et démontrent clairement que les fabricants ou
utilisateurs de couleurs de tatouage n'ont pas pris au sérieux, et
n'ont pas pris leur responsabilité par rapport à leurs
produits».
Il y a 5 ans déjà, une enquête d'A Bon Entendeur révélait la
présence de substances cancérigènes dans certaines couleurs
utilisées par les tatoueurs. Des couleurs qui appartiennent à la
même famille de colorants utilisés dans les peintures
industrielles, comme certains verts. « Quand on a fait la réunion
avec les toxicologues à Berne » se souvient Maurice Adatto,
dermatologue, « c'est ce qu'on a retrouvé. C'était du vert de
panneau d'autoroute, c'était le même fournisseur que les panneaux
d'autoroute suisse ».
Prudence donc avec les couleurs utilisées. D'autant plus qu'il est
difficile de les effacer, même au laser. Que le tatouage soit sur
le corps ou sur le visage, l'opération est longue et coûteuse. Par
exemple, effacer un sourcil peut demander 9 séances de laser
pendant deux ans, et plusieurs milliers de francs.
Mais attention, toutes les couleurs ne se prêtent pas à la
technique du laser. Maurice Adatto rappelle que « malheureusement,
certains pigments, principalement couleur chair, beige, rose ont
tendance à virer au noir après l'impact laser. Donc il est clair
que si une patiente vient avec un tour de bouche mal fait couleur
chair, je ne vais pas faire une séance d'essai laser sur la lèvre
parce que si ça vire au noir, c'est une catastrophe. A ce moment
là, il ne reste plus que des réparations chirurgicales, mais qui
elles forcément, vont laisser des cicatrices ».
Dans d'autres cas, il est possible de camoufler le ratage avec un
nouveau tatouage. Yvonne a choisi ce traitement : l'eyeliner noir
qui débordait largement a été recoloré avec un pigment clair pour
corriger les bavures aux coins des yeux.
Quant à Karine, il lui a fallu plus d'une année de traitements
douloureux pour effacer le trait foncé qui ourlait sa lèvre. Sandra
a réparé les dégâts en trois étapes : une dépigmentation par
solution saline, suivie d'un camouflage et finalement d'un nouveau
contour des lèvres.
Au total, Karine aura payé 5000 francs pour ces traitements
réparateurs. Son premier tatouage des lèvres raté lui avait, à
l'époque, coûté une centaine de francs.
Consultez le rapport de l'OFSP sur les couleurs de tatouage et
maquillage permanent et liste noire des produits retirés du
marché.
Entretien avec F. Weilhammer : quelques conseils pour choisir
son institut
- Consulter son
médecin ou son dermatologue ;
- Demander à sa maquilleuse de montrer les photos de traitements
réalisés ;
- Poser des questions sur le type de pigments utilisés, sur
l'hygiène ;
- Ne pas se faire maquiller par une autre personne que celle qui a
mené le premier entretien.
Solarium : Ne risquez pas votre peau !!!
Une simple pièce de 5 francs, et
vous voilà prêt à bronzer sous un soleil artificiel. Bronzer, ou
griller, car oui, en Suisse, ces cabines-sandwich sont pour la
plupart accessibles sans contrôle ni avertissements médicaux quant
aux risques encourus.
Contrairement à la Belgique et à l'Allemagne, la Suisse ne dispose
toujours pas de lois pour réglementer l'accès aux solariums. On
sait pourtant depuis des années qu'il est dangereux de s'exposer
trop longtemps et trop fort aux rayonnements ultraviolets.
C'est pourquoi certains dermatologues militent activement pour
une réglementation plus sévère. Au CHUV, le professeur Panizzon
vise en particulier les solariums self service, qui font selon lui
courir des risques aux consommateurs. « Cela me choque surtout pour
les mineurs, pour les enfants. (...) Cela serait une mesure
immédiate que d'arrêter les automates pour les mineurs ».
Petit rappel : qu'ils soient d'origine naturelle ou artificielle,
les rayonnements ultraviolets de type A pénètrent profondément dans
la peau, la brunissent immédiatement et en accélèrent le
vieillissement.
Les UVB brûlent les cellules en surface et bronzent la peau de
façon plus persistante. Ils attaquent notre ADN, et combinés à
l'effet des UVA, ils peuvent à terme déclencher l'apparition d'un
mélanome malin, le cancer cutané le plus mortel.
Ce qu'il faut savoir, c'est que dans les cabines de bronzage, les
rayons UVB sont aussi forts que ceux émis par le soleil à son
zénith, et les UVA 6 à 10 fois plus puissants. Ces lampes
artificielles font courir deux types de risques au public décrit
par le professeur Panizzon. « A court terme, c'est simplement un
coup de soleil. Cela arrive chaque année ici chez nous. On voit un
à deux cas de brûlures profondes. Il faut aussi rappeler que ce que
l'on fait subir à notre peau dans ces solariums, nos yeux le
subissent également. A cela s'ajoutent les effets à long terme.
Pour les femmes c'est toujours intéressant de mentionner le
vieillissement de la peau qui est accéléré . Et puis bien sûr, il y
a les cancers de la peau.
La cause est entendue : cet été,
les scientifiques de l'OMS basés à Lyon ont classé les solariums
dans le groupe des cancérigènes avérés, aux côtés de l'amiante et
de la cigarette par exemple. Ils affirment que « le risque de
mélanome cutané augmente de 75% » quand on utilise des cabines de
bronzage avant l'âge de 30 ans ».
A l'Office fédéral de la santé publique, cela donne des arguments
supplémentaires aux scientifiques qui travaillent sur un projet de
loi dont certains articles pourraient restreindre l'accès aux
solariums.
« L'annonce de l'OMS confirme que nous sommes sur le bon chemin et
cela depuis plusieurs années déjà. Nous déconseillons très
clairement le solarium, car ils sont néfastes pour la santé et ils
peuvent déclencher le cancer de la peau », explique Beat Gerber,
spécialiste rayonnement UV, Division Radioprotection , OFSP.
Sans aller jusqu'à l'interdiction des solariums, Beat Gerber dit
que « cela pourrait être une conséquence du projet de loi. Il n'y
aura pas d'interdiction générale des solariums. Nous allons plutôt
poser des conditions cadre, de sorte à veiller à la sécurité et à
la santé des consommateurs. A voir si dans ces conditions, il sera
encore possible d'exploiter des solariums selfs service, mais à mon
sens, cela ne sera plus le cas »
Concrètement, au vu du processus législatif nécessaire à toute
nouvelle loi fédérale, il faudra attendre au moins 5 ans encore
pour que de nouvelles règles entrent en vigueur. C'est très long,
sachant que la Suisse est le deuxième pays européen le plus touché
par le cancer de la peau, juste après la Norvège.
D'autres pays n'ont pas attendu pour interdire les cabines de
bronzage automatiques : c'est le cas en Belgique. Aux USA, une
vingtaine d'Etats ont au moins interdit l'accès aux mineurs.
Certains propriétaires de solarium ont répondu à notre
interpellation, comme Metrosun et Easy Sun ; le premier a beau jeu
de nous dire qu'il attend des directives officielles et que c'est
difficile de prendre des mesures avant, le deuxième nous assure que
les rayons de ses cabines ne sont pas plus nocifs que ceux du
soleil. Nous A Bon Entendeur, nous disons que vu la lenteur au
niveau fédéral, on pourrait agir au niveau cantonal et interdire
purement et simplement ces solarium self-service.
C'est une erreur de penser qu'il est bon de préparer votre peau
avant l'été, au contraire, vous entamez son capital soleil. En
revanche, le solarium peut être recommandé en cas de maladie de la
peau comme le psoriasis, mais sous contrôle médical.
Consultez la page de l'Office fédéral de la santé publique OFSP sur les solariums .