Le blues des médecins / Une belle jeunesse!
Le blues des médecins
Médecin, une profession de rêve ? Hier, être docteur en médecine vous assurait considération et haut revenu. Aujourd'hui, la profession est attaquée de toutes parts. Blocage de l'ouverture des cabinets, diminution des rétributions, contrôles par les caisses maladies, les médecins sont sommés de faire baisser le coût de la santé. Et les toubibs ont le blues !
Malaise. Enorme malaise. Inquiétude. Sentiment d'insécurité. Les blouses blanches sont à la fois tristes et désabusées. Qu'ils soient ORL, gynécologue, ou médecin généraliste, les médecins s'érigent tous contre le spectre d'une médecine à deux vitesses.
Désormais, l'Etat et les caisses maladies veulent obliger les médecins à économiser. A cet égard, des décisions importantes ont été prises, par le pouvoir politique, pour limiter leur liberté. Aujourd'hui, la profession est déstabilisée.
Les médecins sont pointés du doigt comme étant les principaux responsables des coûts de la santé. Or, il s'avère que ce sont d'autres facteurs qui font exploser les budgets : les nouveaux moyens de diagnostics, le vieillissement de la population, l'apparition de maladies chroniques et leurs traitements respectifs.
On suspecte les médecins de trop facturer leurs prestations. Résultat : on n'a plus confiance. Et ne plus avoir confiance en son médecin…
L'une des mesures mises en place pour contrer la hausse des coûts de la santé : le Tarmed. Un listing de nouveaux tarifs appliqués à certains actes chirurgicaux ou spécialisés. Les médecins concernés par le Tarmed perdraient-ils réellement jusqu'à la moitié de leur revenu annuel ? Les caisses maladies contrôlent de plus en plus la facturation des prestations médicales et les médecins doivent - souvent - justifier leurs choix aux assureurs.
«Demain, on risque de s'entendre dire par les assureurs : « Non, vous ne pouvez plus aller chez tel ou tel médecin »… Et, par extension, on pourrait ne plus soigner que les gens riches…». Pression des assureurs, compressions de factures… Les médecins se sentent pris à la gorge.
Autre source de malaise chez les toubibs : la disparité entre les régions ; trop de médecins à Genève, pas assez à Neuchâtel, en Valais, dans le Jura… et cette fameuse « clause du besoin » qui gèle l'ouverture de nouveaux cabinets pendant 3 ans, à partir de 2002. « Scandaleux ! » s'écrie une doctoresse qui a ouvert son cabinet juste avant l'entrée en vigueur de cette clause. « C'est comme si on coupait leurs ailes à des personnes sur le point de s'envoler ! »…
Un malaise encore étayé par la brûlante thèse de la doctoresse Thorgler, qui dévoile des chiffres ahurissants : 24 % des médecins d'hôpitaux sont sous tranquillisants, 60 % d'entre eux consomment des antalgiques, 7 %, des antalgiques puissants contenant de la codéïne…
Tout ça pour… tenir le coup ! Assurer d'interminables gardes, répondre présent à tout moment, être performant, être rentable.
Mais la nouvelle génération de médecins ne se laisse pas faire, elle. Les jeunes toubibs mettent en avant la qualité de la vie, de leur vie, revendiquent l'épanouissement de leur sphère privée… De ce fait, un nouveau type de poste a été mis en place ; celui de médecin hospitalier à 50 heures hebdomadaires. Médecin et fonctionnaire. Engagé par l'Etat. 11.000 francs mensuels. Et une vie privée protégée. L'idée séduit beaucoup le jeune corps médical.
L'image du médecin évolue. Son statut social se métamorphose. Le piédestal sur lequel trônaient les grands pontes d'hier s'effondre. « Supertoubib » n'a plus la cote. Aujourd'hui, on regarde le médecin comme une personne qui a des limites et qui les revendique.
Invité sur le plateau :
Dr Peter Suter - Chef des soins intensifs chirurgicaux HUG