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Le blues des salles de concert et de leur personnel

Derrière l’ambiance des concerts, des conditions de travail souvent difficiles (vidéo)
Derrière l’ambiance des concerts, des conditions de travail souvent difficiles (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 18 juin 2024
Derrière les coulisses des salles de spectacle, les conditions de travail sont souvent difficiles et le burn-out guette leurs employées et employés. Précaires financièrement, ces structures peinent à joindre les deux bouts, ce qui a un impact sur leur personnel.

En arrêt de travail, le programmateur de la Case à Chocs, à Neuchâtel, a récemment dénoncé sur les réseaux sociaux les conditions de travail dans le milieu.

Dans son message, il témoigne à la fois d’un trop-plein quotidien, mais aussi des difficultés rencontrées par les salles elles-mêmes.

"Métier passion"

Cette pression est ressentie dans d'autres institutions romandes. "On parle souvent de métier passion, ce qui est une belle chose. On fait ce métier parce qu'on est vraiment convaincu par ce qu'on propose. Mais avec ça, on est obligé de donner beaucoup plus, ce qui est difficile", explique dans La Matinale Pauline Pannatier, la responsable de la communication du Rocking Chair, à Vevey.

Elle fait état de plusieurs contraintes spécifiques au travail dans les salles de concert: "La plupart de mes collègues sont obligés de combiner plusieurs jobs. Ce sont aussi des rythmes qui sont très différents. Ces conditions nous demandent d'être prises en soirée et les week-ends. Il y a aussi une bonne part de bénévolat, soit des heures qui ne sont pas forcément comptées, mais qui sont quand même demandées dans le cadre de ce qu'on fait", détaille-t-elle.

Des difficultés financières

A la précarité financière des employés, contraints de jongler entre plusieurs contrats, s'ajoutent les difficultés financières des salles elles-mêmes.

La secrétaire générale du club fribourgeois Fri-Son Léa Romanens est, elle aussi, à l’arrêt, en raison d'un burn-out. "Cela fait des années que nous répétons que nous n'avons n'a pas suffisamment de moyens financiers, que tous les coûts augmentent constamment", explique-t-elle.

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Elle décrit la fin de mois comme "un enfer" pour les salles. "Nous ne sommes jamais sûrs de pouvoir payer toutes nos charges, notamment les salaires. (...) C'est triste de voir que nous sommes plusieurs à arriver à ce stade d'épuisement, au point de devoir s'arrêter et même, pour certains, de démissionner et sortir de ce milieu. Je trouve cela très fâcheux, sachant que nous aimons quand même beaucoup notre travail", déplore-t-elle.

Un modèle d'affaires qui a changé

Petzi, la Fédération suisse des clubs et des festivals de musiques actuelles, n'ignore pas le sujet et propose des outils pour prendre soin de sa santé mentale. Reste que l'argent manque depuis longtemps.

La filière des musiques actuelles s’est transformée depuis l’avènement du streaming. Privés de disques, les artistes se financent avec leurs concerts. Résultat: les cachets ainsi que les coûts de production et de programmation explosent, le secteur se professionnalise et, par ricochet, le personnel des salles aussi.

Notre travail, c'est de gérer des budgets et de trouver des solutions financières

Laura Gavillet, présidente de Fri-Son

Mais ce ne sont pas les seules difficultés. Certains artistes boudent les scènes trop éloignées des grandes villes et le public ne se rue pas sur les prélocations. Dans ces conditions, penser programmation et non argent est un défi.

"Notre travail, c'est d'organiser des événements, des concerts, de produire du contenu culturel. Cela devrait donc être normal que notre but premier soit la qualité et de faire découvrir aux gens du contenu artistique", soutient Laura Gavillet, la présidente de Fri-Son. "Mais malheureusement, nous sommes dans un système dans lequel notre travail, c'est de gérer des budgets et de trouver des solutions financières, comme dans une petite entreprise. C'est devenu du business", lance-t-elle.

La question des subventions

Et ce business dépend des recettes du bar, de la billetterie et bien entendu des subventions. Selon les chiffres compilés, les aides publiques représentent généralement entre 25 et 30% du budget total des salles de concert.

Les cantons se disent conscients des difficultés économiques du secteur et des réflexions sont en cours pour renforcer les soutiens.

Les salles de concert, comme ici la Case à Chocs à Neuchâtel, sont confrontées à une nouvelle réalité économique. [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]
Les salles de concert, comme ici la Case à Chocs à Neuchâtel, sont confrontées à une nouvelle réalité économique. [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]

Mais, selon les personnes contactées, obtenir des augmentations n'est pas facile. "On ne peut pas augmenter toutes les rémunérations de tous les acteurs culturels, y compris des gens qui travaillent dans les salles, sans avoir une augmentation des soutiens publics", assure Anya Della Croce, coordinatrice romande de Petzi.

Elle met en avant que les autorités politiques ont été sensibilisées lors de la pandémie, avec "une prise de conscience" de leur part à la clé. "Mais c'est aussi difficile pour les politiques d'augmenter les budgets, alors même qu'ils coupent dans les budgets de la culture", nuance-t-elle.

Le public appelé à se mobiliser

La responsable romande de la fédération des salles de concert lance en conclusion un appel aux différents publics: "Il faut qu'ils continuent à soutenir les salles de concert, à se rendre dans celles qui sont proches de chez eux et à découvrir des artistes émergents, des artistes suisses, une programmation un peu plus pointue que ce qui est offert dans les gros festivals ou les stades", plaide-t-elle.

Les salles ont donc besoin de leur public. Pour plusieurs d'entre elles, il n'est d'ailleurs pas question d'augmenter le prix des billets.

Camille Besse/ami

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