Renens, centre mondial du spoken word, Babel de la poésie parlée. Un premier CD célébrait déjà en 2015 cette commune vaudoise où l’on cause dans toutes les langues imaginables. Une formidable brochette d’auteurs et de musiciens rendait alors hommage à ce (pas si) petit melting pot sis à deux gares de Lausanne.
Quelques noms parmi la fine équipe du collectif "Bern ist überall": Antoine Jaccoud, Noëlle Revaz ou encore Laurence Boissier, côté romand; Guy Krneta, Ariane von Graffenried ou Pedro Lenz pour la partie alémanique.
Comme une chanson de Lou Reed
Parmi les textes, on pouvait entendre ou lire ceci: "Driton propose à Berisha une BMW série 3. Elle est sur la place. Elle a 120'000 kilomètres. Driton en veut 3500 balles. "Je trouve ça cher", dit Berisha et il fit la grimace." C’est signé Antoine Jaccoud et les paroles complètes filent comme une chanson de Lou Reed. Ça parle notamment des Kosovars, mais c’est encore un peu court.
"Le collectif a reçu des prix. Plusieurs prix littéraires pour un montant de 100'000 francs. Que faire avec?", s'interroge Antoine Jaccoud. "Partir ensemble sur une île y boire des gin-tonics? Former des jeunes qui vont ensuite nous bouffer? Puisque nous sommes le plus polyglotte et le plus confédéral des collectifs littéraires, nous avons décidé d’aller plus loin et d’explorer une langue suisse non-officielle: l’albanais."
Voyage au Kosovo pour le collectif
L’auteur et scénariste vaudois a mis le cap sur Pristina avec son camarade bernois Adi Blum, l’accordéoniste du collectif, par ailleurs un fondu de musiques des Balkans. Repérages, rencontres, échanges, dégustations, toasts, avec au final une tournée de l'ensemble au Kosovo deux semaines durant en 2017. Le résultat tient sur le très généreux et passionnant CD "Kosovo Is Everywhere". Il vient de paraître en Suisse chez l’éditeur Der Gesunde Mensch.
On y trouve 34 titres, poèmes, lectures, avec sous sans musique. Ça parle et ça scande en français, allemand, dialecte alémanique, albanais, anglais et aussi serbe et rom : "On voulait que toute la diversité et la richesse de ce territoire y soient présentes", note Antoine Jaccoud.
"Canton suisse de l'étranger qui aurait connu la guerre"
Sur les vingt participants, plus de la moitié sont originaires de ce qu’Antoine Jaccoud nomme aujourd’hui un "canton suisse de l’étranger qui aurait connu la guerre": "Des épiceries rebaptisées Migros en passant par les plaques suisses des voitures, les va-et-vient de la diaspora albanaise, sans parler de la composition de la Nati, du suisse-allemand ou du français, tout ou presque là-bas nous ramène quotidiennement à la Suisse", explique Antoine Jaccoud.
Et Guy Krneta de slamer malicieusement en bâlois: "Au pays des cousins, il y a toujours un cousin qui connaît un cousin qui peut donner un coup de main". Ce qui vaut pour la ferblanterie et la mécanique vaut aussi pour la poésie!
Thierry Sartoretti/jd
"Bern ist überall", Festimixx, Renens, sa 16 juin 2018 à 19h.