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Le juteux marché du renseignement économique et de la solvabilité

Les chiffres des quatre plus grandes sociétés du renseignement économique actives en Suisse.
Des entreprises se sont spécialisées dans la traque aux mauvais payeurs d'achats en ligne / 19h30 / 3 min. / le 7 décembre 2014
Quatre multinationales se disputent le marché des données des consommateurs en Suisse, dopé par la crainte des impayés. Un secteur qui interroge sur la circulation et le contrôle des données. Enquête.

L’opération est quasi instantanée: lorsque vous vous identifiez à la caisse d’une boutique en ligne, celle-ci vérifie sur le pouce votre solvabilité auprès d’une société de renseignement économique (SRE). Sur la base des informations reçues, la boutique décide si elle vous offre ou non la possibilité de paiement par facture à 30 jours. Que cette option de paiement apparaisse ou non sur votre écran dépend du montant de votre commande, mais aussi de ce test de solvabilité effectué en ligne sur votre compte. La boutique adapte ainsi son offre au niveau de risque que vous représentez selon elle en termes d’impayés. Selon Intrum Justitia, le montant total des impayés en Suisse a dépassé les 8 milliards de francs l’an dernier.

(Lire: Plus de 8 milliards de francs de factures impayées en Suisse en 2013)

La plupart des grands du e-commerce recourent à ces tests de solvabilité en ligne. N°1 des ventes en Suisse selon le classement EHI retail institute, Digitec.ch (société Galaxus détenue à 30% par Migros) se fournit chez Intrum Justitia, alors que Zalando (N°4 derrière Amazon.de et Nespresso.com/ch) recourt aux services de la société CRIF. Deux autres SRE sont présentes en Suisse: Creditreform et Bisnode. Elles offrent elles aussi ce produit phare qu’est actuellement le test de solvabilité en ligne.

Près de 6 millions de particuliers scrutés

Ces tests sont disponibles autant sur les entreprises que sur les particuliers. Dans la base de données de Creditreform, 800'000 entreprises sont répertoriées, soit 70% des sociétés actives en Suisse, explique le président de Creditreform Raoul Egeli. Et combien de particuliers? 5,9 millions. Trois quarts de la population résidente suisse.

La quantité d’informations figurant sur leurs "fiches" est très variable. La source première est le registre du commerce (ZEFIX) et les feuilles d’avis dans les cantons. Certaines SRE épluchent également les rapports annuels d’entreprises et la presse. Des informations de recouvrement sont également utilisées, de première main chez Intrum Justitia et Creditreform qui pratiquent elles-mêmes cette activité. Mais la source d’informations qui se développe en ce moment, c’est l’échange d’expériences de paiement.

Monitoring en temps réel

Ces informations proviennent d’entreprises membres ou clientes de SRE qui leurs transmettent les délais de paiement de leurs propres clients. Un monitoring en temps réel du paiement des factures est ainsi opéré, autant pour les entreprises que pour les particuliers. Si vous payez tardivement votre loyer ou vas factures d’assurance, il est ainsi bien possible que votre indice de solvabilité en prenne un coup. Et que peut-être si d’autres impayés vous poursuivent, votre boutique en ligne favorite vous refuse un jour le paiement par facture.

Avec 20'000 entreprises affiliées en Suisse, la société CRIF y fait figure de leader. Elle a racheté en 2012 Orell&Füssli Wirtschaftsinformation et toutes ses bases de données. C’est CRIF également qui fournit au site Moneyhouse.ch (propriété de la société Itonex, détenue depuis cette année par le groupe de presse NZZ) les informations qu’elle propose à ses clients. Fondée à Bologne dans les années 1980 et toujours en main de son fondateur Carlo Gherardi, CRIF est aujourd’hui implantée sur les cinq continents, emploie près de 1700 personnes et dégage un chiffre d’affaires de près de 305 millions d’euros.

Exclusivités

Numéro 2 en Suisse avec 11'000 entreprises membres, Creditreform fournit recouvrement et renseignement économique. Elle conserve sa structure de coopérative, mais dispose de filiales dans 23 pays européens et des partenaires de 50 autres Etats. La faîtière, basée en Allemagne, est présidée par Raoul Egeli. Celui-ci précise que le chiffre d’affaires du groupe se monte à 490 millions d’euros. Creditreform réserve ses informations exclusivement à ses membres. Pas d’accès public à ses bases de données.

Avec 6000 entreprises clientes en Suisse, la suédoise Intrum Justitia allie également recouvrement et renseignement économique. C’est la seule à être cotée en bourse. Sa capitalisation se monte à 1,8 milliard d’euros. Elle emploie 3600 personnes dans le monde pour un chiffre d’affaires de 528 millions d’euros.

Pas de remise en cause

La quatrième SRE importante en Suisse (3000 entreprises clientes) est elle aussi suédoise. Bisnode a rassemblé sous cette marque depuis 2012 toutes ses activités dans le monde. Elle collabore avec l’américain Dun&Bradstreet et affirme pouvoir fournir des informations sur 225 millions d’entreprises. Bisnode emploie 3000 personnes avec un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros. En Suisse, elle valorise également ses informations sur les entreprises via le site Monetas.ch.

La collecte de ces masses d’informations n’est pas remise en cause. Mais leur exploitation suscite des doutes. Selon la loi, chacun doit pouvoir accéder à ses propres données et demander une rectification en cas d’erreur. Pouvoir également demander à ne plus figurer dans une base de données. Le Préposé suisse à la protection des données a agi ces dernières années face à Moneyhouse.ch pour que ces droits soient garantis.

Doutes

Mais aujourd’hui c’est une autre obligation légale dont Hanspeter Thür veut s’assurer du respect. La remise de données de solvabilité ne doit intervenir qu’en vue de conclure un contrat, c’est pourquoi des contrôles aléatoires sont exigés pour vérifier que la demande de renseignement est justifiée, explique Hanspeter Thür. Or, le préposé doute que cela suffise. Il examine actuellement une plate-forme de renseignements économiques et publiera les résultats début 2015.

Pascal Jeannerat

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