A chaque génération ses défis au travail

Grand Format

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Introduction

Les retraités toujours actifs

AFP/Mint Images - Mint Images

Les retraités qui choisissent de sacrifier en partie leur retraite sont encore peu nombreux en Suisse, mais le phénomène s'accentue légèrement.

Ils étaient plus de 12% au deuxième trimestre 2017, soit un des taux les plus élevés en presque 30 ans. Entre 1990 et 2010, ce nombre oscillait plutôt entre 9 et 10%.

Aujourd'hui, départ à la retraite des baby-boomers oblige, ce maintien en emploi est un enjeu essentiel pour les entreprises. Certaines demandent donc proactivement à leurs futurs retraités de rester.

Plus de retraités que de jeunes en 2019

Il faut savoir que d'ici 2019, en Suisse, le nombre de personnes de plus 65 ans sera supérieur aux moins de 20 ans. Pour les entreprises, le défi c'est donc de réussir à engager suffisamment de main d'oeuvre qualifiée pour maintenir leur activité économique. Et climat politique oblige, elles ne peuvent plus compter uniquement sur l'immigration.

Un vivier de consultants "seniors"

Au 23ème étage de la tour Roche, le géant pharmaceutique bâlois, se trouve le réseau de consulting Adlatus, qui emploie des retraités. Ceux-ci sont disponibles, mobilisables en 48 heures... mais aussi moins chers que le prix du marché.

Adlatus est une association et les membres ne doivent pas dépendre des mandats pour subvenir à leurs besoins. Des mandats qui sont courts: trois mois en moyenne, pour ne pas concurrencer le marché de l'emploi.

Chez Roche, 25% des employés seront à la retraite dans 10 ans, soit 3000 personnes à remplacer. Mais depuis le lancement du programme Adlatus il y a un an, seules 20 personnes ont fait le choix de rester après l'âge légal de la retraite.

>> Le reportage de Cynthia Racine à Bâle :

La Tour Roche (Roche Bau 1), quartier général du groupe depuis 2015 à Bâle.
Ici la Suisse - Publié le 6 novembre 2017

Les baby boomers

AFP/Zero Creatives/Image Source - Zero Creatives

On appelle baby boomers les personnes nées en Occident durant la période d'augmentation du nombre des naissances qui a fait suite à la Seconde Guerre mondiale, soit entre 1946 et 1964.

Selon les sociologues qui regardent à la loupe chaque génération, les natifs de cette période seraient idéalistes et égocentriques.

Ils considéreraient l'argent comme un indicateur de leur réussite et auraient des difficultés à comprendre les capacités de travail en équipe que pratiquent leurs enfants de la génération Y.

Le défi du départ à la retraite

Les baby boomers sont les plus nombreux aujourd'hui dans le monde de l'entreprise en Suisse, soit très exactement 1,72 million.

Les entreprises suisses vont d'ailleurs vivre une situation sans précédent: le départ à la retraite de cette génération, soit 1,3 million d'actifs concernés d'ici 2030.

Une pré-retraite accompagnée

Consenec (Consulting by senior executives) est une entreprise créé conjointement par ABB, Bombardier et Alstom il y a 24 ans. Elle regroupe uniquement des cadres qui doivent, dès 60 ans, se mettre dans un programme de disponibilité. En 2016, le budget de cette société alimentée par ses trois fondateurs était de 5 millions de francs.

Mais Consenec fait figure d'exception: l'entreprise revendique d'ailleurs d'être la seule à avoir un programme obligatoire en Suisse pour les cadres dès 60 ans.

Et si l'accompagnement des employés les plus anciens fonctionne ici, il reste réservé à une élite.

>> Le reportage d'Estelle Braconnier à Baden :

Alors que ventes et commandes ont baissé, ABB a vu son bénéfice plonger de 25% en 2015 par rapport à 2014. [Gaetan Bally]Gaetan Bally
Ici la Suisse - Publié le 7 novembre 2017

La génération X

Keystone - Alexandra Wey

La génération X désigne les Occidentaux nés entre 1966 et 1976 ou entre 1961 et 1981, selon les classifications. En Suisse, cela représente environ 1,43 million de personnes.

Selon les sociologues, cette génération confrontée à des conditions économiques moins favorables que les baby boomers a eu plus de peine à entrer dans le monde professionnel, trouvant difficilement des emplois stables et bien rémunérés.

Génération "trait d'union"

Marquée par les innombrables progrès technologiques, la génération X est qualifiée de "nomade" dans la classification des sociologues Strauss et Howe. Elle se caractérise par son goût de l'aventure, un certain cynisme et une contre-culture s'opposant aux "boomers".

Pour les "X", le temps est une valeur fondamentale. L'argent n'est pas un symbole de statut social mais un simple moyen d'atteindre leur but.

On parle souvent d'une génération "trait d'union", qui ferait le lien entre le monde de l'entreprise productiviste et hiérarchique des années 80 et les années 2000 qui ont vu arriver internet.

Des équipes "agiles"

La génération X est la première qui a vraiment dû réfléchir aux nouveaux modes de management, portée par la rapidité de l'innovation technologique. Elle est à l'origine des modèles d'organisation d'équipe dits "agiles", qui intéressent de plus en plus d'entreprises.

Chez Swisscom, par exemple, quelque 1500 employés sur 18'000 évoluent dans des équipes "sans hiérarchie classique", qui arrivent à développer des logiciels en deux semaines au lieu de 18 mois comme par le passé.

Mais pour y parvenir, chaque membre de l'équipe doit partager sa spécialité avec les autres, et les responsables intervenir le moins possible dans le processus.

>> Le reportage d'Esther Coquoz à Berne :

Swisscom. [Keystone - Christian Beutler]Keystone - Christian Beutler
Ici la Suisse - Publié le 8 novembre 2017

La génération Y

AFP/Cultura Creative - Daniel Ingold

Les personnes nées entre 1980 et 1993 environ forment la génération Y: on les appelle aussi les Millenials ou Digital natives.

Un questionnement permanent, mais aussi une accessibilité omniprésente, un fort individualisme et d'innombrables possibilités de choix influencent les représentants de la génération Y ou "why" ("pourquoi" en français).

Les émotions jouent un rôle important dans les décisions des "Y". Ils veulent combiner travail et plaisir, famille et carrière. Au final, avoir l'un comme l'autre compte davantage que d'avoir l'un ou l'autre.

Génération "immédiateté"

Les habitudes de consommation de cette génération sont liées à l'immédiateté, pas forcément à l'épargne. Les Millenials préfèrent vivre en dépensant plutôt que gagner en travaillant...ou alors ils veulent faire les deux.

Un constat qui n'est pas anodin lorsque l'on sait qu'en 2020, la génération Y fournira le tiers de la main-d'oeuvre mondiale.

>> Revoir notre série de portraits : Nous les jeunes! Ceux qu'on appelle "Génération Y"

Le cauchemar des recruteurs?

"N'embauchez pas de génération Y!", lâche Bernard Radon, directeur général de Coaching Systems à Lausanne. Il oppose une génération X "disciplinée" à sa cadette, "plus créative, briseuse de tabous, mais ingérable et mal élevée". Les intégrer dans une entreprise serait "une bataille perdue d'avance".

Julien Soubeyrand, chez Manpower, est plus nuancé: "Le principal, c'est que les personnes restent 2, 3, 4 ans (...) la clef, côté employeur, est de proposer un plan de carrière".

Pour le recruteur, la génération Y a "besoin d'être rassurée, d'avoir une ambiance de travail stimulante". La solution serait donc le "contrat temporaire". "Aujourd'hui, avoir de multiples expériences brèves ne porte plus préjudice"... on ne parle plus de "CV décousu" mais de "faculté d'adaptation".

>> Le reportage d'Olivier Schorderet à Lausanne :

Une femme passe un entretien d'embauche. [AltoPress/PhotoAlto - Eric Audras]AltoPress/PhotoAlto - Eric Audras
Ici la Suisse - Publié le 9 novembre 2017

Finalement est-ce aux entreprises de s'adapter à cette génération Y ou est-ce aux jeunes de s'aligner sur leurs aînés? Robin Gordon, directeur de la société de placement Interiman, et Bernard Radon, conseiller en management à Lausanne échangent sur cette question.

>> Le débat dans l'émission Forum :

Robin Gordon et Bernard Radon.
Forum - Publié le 10 novembre 2017

#GénérationWhat

La RTS produit une grande enquête en ligne sur la génération Y. Répondez aux questions, explorez les résultats suisses et comparez vos réponses avec celles d'autres jeunes européens en cliquant ici:

Génération What?

questionnaire generation what

La génération Z

Keystone - Gaetan Bally

La génération Z regroupe les personnes nées à partir de 1994. Il s'agit donc des travailleurs de demain, ou de ceux qui entrent à peine sur le marché du travail. Aujourd'hui, 1,38 million de personnes font partie de cette génération en Suisse.

La génération Z est née avec internet, là où les Y l'ont vu arriver. Le rythme du travail, la possibilité de rester connecté avec l'entreprise et les clients tout en étant physiquement ailleurs est d'ailleurs un élément central pour ces personnes.

Les "Z" valorisent aussi l'esprit entrepreneurial à l'intérieur de l'entreprise et la notion d'organisation horizontale.

Génération "insaisissable"

Cette génération semble aussi insaisissable, difficile à cerner. Elle s'est construite autour d'outils nouveaux, avec un impact sur sa façon d'interagir, de s'exprimer. Le défi, c'est l'intégration de personnes que certaines entreprise perçoivent soit comme des fainéants, soit comme des inssaisissables.

La question des valeurs est aussi fondamentale pour cette génération, qui a une grande attente de transparence dans la vie de l'entreprise. Ces jeunes pourraient être en phase par exemple avec l'initiative pour des multinationales responsables discutée actuellement en Suisse.

L'ère du collaboratif

A Lausanne, la D-Academy se donne pour mission d’insuffler l’esprit entrepreneurial chez les jeunes, par le biais d'un programme qui confronte les entreprises à la génération Z.

L'idée est de laisser les enfants des collaborateurs travailler autour d'un projet et de les laisser parler de leur vision. Plusieurs entreprises, comme l'horloger Audemars Piguet ou Qoqa.ch, ont déjà tenté l'expérience. L'année prochaine cela sera au tour de Crédit Suisse, Richemont, Nestlé ou encore Bobst.

"On veut la transversalité, on veut pouvoir communiquer avec le numéro 1 ou 2 de l'entreprise. Le travail collaboratif va sans doute être un point charnière dans le travail", explique Alexandre Demont, directeur de la D-Academy.

"Les jeunes n'ont plus peur de devenir entrepreneurs (...) il vont venir avec des projets d'entrepreneuriat social, où ils vont fédérer beaucoup plus de gens, attirer d'autres jeunes qui vont déserter les entreprises au fonctionnement jugé archaïque", ajoute-t-il.

>> Ecouter le reportage de Romain Bardet à Lausanne :

La D-Academy à Lausanne. [RTS - Romain Bardet]RTS - Romain Bardet
Ici la Suisse - Publié le 10 novembre 2017

Série de reportages réalisés pour "Ici la Suisse" dans La Matinale de La Première

Rubrique économique de l'actualité radio RTS: Esther Coquoz, Estelle Braconnier, Cynthia Racine, Olivier Schorderet et Romain Bardet

Réalisation web: Eric Butticaz et Jessica Vial