Le cercueil du prix Nobel de littérature, décédé dimanche
dernier à 89 ans des suites d'une insuffisance cardiaque, a été
porté en terre à la mi-journée près d'une petite chapelle dans le
cimetière du monastère Donskoï. Trois salves de fusil ont
retenti.
Alexandre Soljenitsyne avait personnellement choisi ce monastère
du XVIe siècle comme dernière demeure, où il reposera près de
grandes figures de la Russie antibolchevique, dont le général
tsariste Anton Dénikine et le philosophe Ivan Ilyne.
Dmitri Medvedev présent
Une foule compacte de quelques centaines de personnes, à
laquelle s'était joint le président Dmitri Medvedev, a accompagné
l'écrivain et dissident jusqu'à sa dernière demeure.
Le chef de l'Etat, qui avait interrompu pour la circonstance ses
vacances à bord d'un bateau sur la Volga, est entré dans la
cathédrale pour l'office des morts, s'est incliné devant la
dépouille mortelle, sur laquelle il a déposé un bouquet de rose
rouges, et a adressé ses condoléances à la veuve de l'écrivain,
Natalia Soljenitsyna.
Le Premier ministre, Vladimir Poutine, a largement éclipsé
toutefois Dmitri Medvedev, qui lui a succédé en mai au Kremlin,
dans l'hommage officiel à l'écrivain.
Hommage à un grand Russe
L'office religieux s'est tenu dans la
Grande cathédrale du monastère, où le cercueil, ouvert selon la
tradition orthodoxe, reposait entre deux grandes colonnes, sous un
immense lustre. Sur les marches menant à la cathédrale, des
dizaines de gerbes avaient été déposées par des officiels, des
défenseurs des droits de l'Homme ou des proches, dont l'une sur
laquelle était écrit: "A Alexandre Soljenitsyne, un grand
Russe".
Pourfendeur de l'univers concentrationnaire soviétique, l'auteur
d'"Une journée d'Ivan Denissovitch" et de "L'Archipel du Goulag" a
été salué comme une conscience du XXe siècle, un combattant de la
tyrannie.
En Russie, télévisions et discours officiels ont toutefois
largement omis l'horreur du goulag qu'il avait révélée au monde
dans toute son ampleur, pour se concentrer sur l'hommage au "grand
patriote". Condamné à huit ans de camp en 1945 pour avoir contesté
les talents militaires de Staline dans une lettre à un ami,
Alexandre Soljenitsyne fut marqué à jamais et s'engagea sur un
chemin d'exception.
agences/boi
Auprès de grands hommes
Le monastère Donskoï à Moscou est la dernière demeure de plusieurs figures de la Russie antibolchévique, dont le général tsariste Anton Dénikine et le philosophe russe Ivan Ilyne.
Cet ensemble imposant, aux murailles de briques rouges et aux églises ornées de bulbes noirs et bleus, fut fondé par le tsar Fédor à la fin du XVIe siècle pour célébrer la délivrance de Moscou par les hordes tatares de Crimée.
Nobles et riches marchands de Russie y reposent, le cimetière du monastère Novodevitchi accueillant plus traditionnellement les grandes personnalités russes, tels l'ancien président Boris Eltsine et le violoncelliste Mstislav Rostropovitch.
Alexandre Soljenitsyne a pour sa part choisi Donskoï et le patriarche de toutes les Russies Alexis II avait personnellement accédé à sa requête en 2003.
Décoré en Roumanie
Alexandre Soljenitsyne a été décoré mercredi à titre posthume de l'ordre national de "l'Etoile de la Roumanie" par le président Traian Basescu, a annoncé la présidence.
L'auteur de "L'Archipel du Goulag" a été décoré "pour le courage et la dignité dont il a fait preuve, en tant que l'une des voix les plus marquantes de la Russie du 20ème siècle, et pour sa contribution à l'enrichissement du patrimoine de la littérature universelle", a-t-on souligné de même source.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont par ailleurs appelé les autorités roumaines à donner le nom de Soljenitsyne à une rue du centre de Bucarest.