"Ce n'est ni le grand soir ni le grand saut. C'est un changement d'homme, de style, de majorité, qui épouse aussi le rejet qui n'a cessé de coller au nom de Nicolas Sarkozy", estime Le Temps au lendemain de l'élection de François Hollande à la présidence de la République française. François Mitterrand, "son maître", promettait de "changer la vie, François Hollande ne laisse espérer qu'un changement", relève La Liberté.
Lendemains pénibles
"La majorité des électeurs a répondu positivement à l'appel au changement du candidat-président 'normal' François Hollande au terme 'd'une élection sans illusions, d'une élection sans espérance'", pense Le Temps, reprenant les mots d'un "fin observateur politique" de la Ve République.
Le socialiste doit prouver qu'il est plus qu'une solution par défaut, estime la Basler Zeitung, pour qui "l'anti-sarkozysme ne constitue pas un programme". Or la France "fait des manières devant les réformes" nécessaires, comme celle du marché du travail, déjà accomplies par d'autres grands pays de l'UE à l'instar de l'Allemagne sous le social-démocrate Gerhard Schröder.
"Les lendemains s'annoncent pénibles pour François II et la nouvelle majorité de cette France fébrile au sein d'une Europe fragile", souligne Le Quotidien jurassien. "La France de demain sera celle de l'effort collectif, si le pouvoir, fût-il de gauche, veut assainir les déficits, améliorer la croissance, offrir du pouvoir d'achat au peuple". Or "efforts et sacrifices sont restés les mots tabous" de la campagne, note Le Temps.
Louvoyer en gardant le cap
"La situation du nouveau président est d'autant plus inconfortable qu'il doit faire face à deux éléments contradictoires. D'une part ses concitoyens sont de plus en plus impatients devant leur économie qui se dégrade et veulent que le chef de l'Etat leur désigne rapidement des issues de secours. D'autre part, les marges de manoeuvre des Etats sont de plus en plus étroites", constate l'éditorialiste de la Tribune de Genève et de 24 Heures.
"Toutefois, François Hollande a démontré durant cette campagne qu'il savait louvoyer tout en ne perdant jamais son cap. Il se pourrait bien que ce défaut apparent devienne une précieuse qualité face à Angela Merkel" qu'il faudra "convaincre d'ajouter plusieurs louches de croissance dans les austères brouets qu'elle prescrit aux Européens", lit-on encore dans les journaux lémaniques.
"Son programme, marqué du sceau de l'économie sociale de marché, doit plus à la social-démocratie qu'à la prise de la Bastille", souligne La Liberté. Pour le Tages-Anzeiger, contrairement à ce que craint la Neue Zürcher Zeitung, il est faux de penser que le socialiste veut miner les mesures d'économies en Europe.
Sarkozy "grand dans la défaite"
La Berner Zeitung met également en garde. La France vit au-dessus de ses moyens mais n'en parle pas, souligne le journal. "La campagne même de François Hollande portait des marques de déni grotesques de la réalité", dit-il.
Pour L'Agefi, la victoire de François Hollande, comme les blocages politiques prévisibles en Grèce, "risquent d'avoir des effets déstabilisateurs immédiats et important à l'échelle de l'Union européenne". "Avec des conséquences peu rassurantes pour la Suisse, sur le plan monétaire en particulier".
Quant à Nicolas Sarkozy, "il ne laisse pas de traces majeures de son quinquennat: ni réforme fondamentale, ni bâtiment prestigieux, rien", pense Le Quotidien jurassien. Mais il s'est montré "grand dans la défaite", salue La Liberté.
agences/dk
Vers un changement en Europe?
L'élection du socialiste François Hollande à la présidence française devrait marquer un changement pour l'Europe face à la crise, notamment par rapport à la politique du tout-austérité, estimaient dimanche soir et lundi matin les presses européenne et asiatique.
En Allemagne, le Financial Times Deutschland, évoquait ainsi un "tournant, particulièrement pour Angela Merkel", la chancelière allemande, apôtre de la rigueur pour combattre la crise des dettes et qui n'avait pas caché son soutien au sortant Nicolas Sarkozy.
"C'est très déplaisant pour Merkel. Pas tant parce que Hollande menacerait le sauvetage de l'euro. Mais parce que sa demande de compléter le pacte fiscal par des mesures de croissance touche à la suprématie de la chancelière en Europe", poursuit le quotidien économique.
Pour The Independent à Londres, la victoire de Hollande "annonce un changement dans la façon dont l'Europe va s'attaquer à la crise de la dette et la façon dont la France va agir dans le monde".
"Hollande triomphe face à la politique d'austérité de Sarkozy", juge The Times (proche des conservateurs) alors que pour le Financial Times "Hollande prend la présidence française, Sarkozy devient la dernière victime du retour de bâton contre les sortants".
"Hollande est l'homme qui promet de transformer l'héritage d'Angela Merkel et adopter une stratégie différente dans la lutte contre la crise et la stabilisation de l'euro", écrit le quotidien économique portugais Jornal de Negocios qui affirme en outre qu'à Berlin Hollande "n'est pas persona non grata, mais presque".
"Paris change et l'Europe change": pour l'italien La Stampa (centre-droit) "probablement, beaucoup va changer en Europe", tout en avertissant: "on verra comment il tiendra sa promesse" de "rompre le pacte fiscal" européen.
En Espagne, El Pais (centre-gauche), écrit que "la gauche européenne renaît ce 6 mai en France" et que l'élection du candidat socialiste "ouvre une nouvelle étape politique en France comme en Europe", avec notamment la fin du "directoire connu sous le nom de Merkozy" avec "tout l'accent mis sur l'austérité".
Le Soir, journal francophone belge de référence, évoque "Hollande, le président attendu au tournant". Et d'avertir: "Après l'épreuve de la conquête, celle du pouvoir. Le vainqueur ne connaîtra pas d'état de grâce".