Les étudiants québécois sont en grève depuis plus de 100 jours. Mais la contestation qui embrase les rues de Montréal et des autres villes de la province canadienne est tout aussi enflammée sur Internet. Le web, en particulièrement les réseaux sociaux, permet aux contestataires de mener leur combat et d'organiser la lutte.
Mobilisation sur Twitter
C'est sur Twitter, bien entendu, que la contestation est la plus active. Les trois grands syndicats étudiants - la CLASSE, la FEUQ et la FECQ - utilisent le site de micro-blogging à tout-va pour diffuser leurs arguments, annoncer les prochaines manifestations ou tout simplement mobiliser leurs troupes.
Cette mobilisation en ligne massive a ainsi permis à ces organisations de récolter en quelques jours pas moins de 170'000 signatures - selon leurs dires - avec leur pétition visant à recourir en nullité contre la loi 78. Cette nouvelle législation, adoptée le 18 mai, vise à briser la contestation en restreignant le droit de manifester.
Voir la vidéo "Contestons la loi 78 devant les tribunaux":
Contestons la loi 78 devant les tribunaux
La police aussi sur Twitter
La police de police de la ville de Montréal (SPVM) utilise, elle aussi, un fil Twitter pour informer en direct toute personne connectée - manifestants y compris - de l'évolution des événements en cours.
Parmi ces tweets, on trouve des indications sur le trajet des manifestations et sur le déploiement des forces de l'ordre, mais également différentes consignes aux protestataires.
La police de Montréal demande aux manifestants de se disperser
L'intervention policière dénoncée sur Facebook
Une vidéothèque a été créée sur Facebook par près de 500 membres pour "dénoncer les dérapages au Québec". Les séquences visent à montrer des actions policières disproportionnées contre les manifestants avec des face-à-face musclés - verbaux et physiques - entre les contestataires et les forces de l'ordre.
Le soutien d'Anonymous
Plus radicale, la CLASSE a de son côté annoncé lundi son refus de se soumettre à la loi 78. Le syndicat appelle ses sympathisants à la désobéissance civile en lançant le site "Arrêtez-moi quelqu'un!". Le principe: poster son nom ainsi que sa photo avec un message d'insubordination. En moins d'un jour, ce trombinoscope virtuel comptait déjà plus de 3000 insoumis.
Les étudiants ont été rejoints dans leur lutte par le collectif Anonymous. Dans un message de soutien au mouvement de contestation intitulé "Opération Québec", les hacktivistes ont revendiqué le blocage de plusieurs sites gouvernementaux québécois, dont ceux de l'Education et de la Sécurité publique.
Le message des Anonymous:
Mais la contestation est aussi une bataille d'images. Sur cette question, c'est la télévision communautaire de l'Université Concordia qui mène le combat. CUTV, qui a pris fait et cause pour les étudiants, filme, caméra à l'épaule, quasi toutes les manifestations et les diffuse en streaming sur le web. Des images qui sont ensuite reprises par les chaînes du monde entier.
Les étudiants bénéficient aussi du soutien de nombreuses personnalités. Le cinéaste canadien Xavier Dolan et son équipe ont ainsi donné vendredi dernier un coup de pouce au mouvement de grève lors de la traditionnelle montée des marches du Festival de Cannes en posant pour les photographes avec un carré rouge, l'emblème de la contestation, épinglé au col.
Idem lors de l'émission "Saturday Night Live" de CBS, l'un des talk-shows les plus regardés outre-Atlantique. Les membres du groupe montréalais Arcade Fire, qui se produisaient avec le leader des Rolling Stones Mick Jagger, arboraient eux aussi le carré rouge. Retentissement mondial garanti!
Mick Jagger et Arcade Fire lors du "Saturday Night Live" de CBS:
Mick Jagger et Arcade Fire sur Saturday Night Live de CBS
Mathieu Henderson / Didier Kottelat
Un mouvement de contestation qui s'envenime
La grogne des étudiants québécois est liée au projet du gouvernement provincial d'augmenter les taxes universitaires de 2168 à 3793 dollars canadiens (de 2000 à 3500 francs suisses environ) par année d'ici 2017, soit une hausse de 75%.
Opposés à cette mesure, les étudiants ont mené plusieurs actions de contestation avant de se mettre officiellement en grève le 13 février 2012. Ce mouvement - surnommé "Printemps érable" en référence au "Printemps arabe" - a notamment conduit à la démission de la ministre de l'Education, mais n'a pas fait reculer le pouvoir.
Après plus de 100 jours de mobilisation, le mouvement ne semble pas s'essouffler. Au contraire, il a même redoublé d'intensité depuis le vote, vendredi dernier, d'une "loi spéciale" très critiquée qui restreint le droit de manifester et prévoit de lourdes amendes pour les contrevenants.
Ce week-end, les manifestations ont pris une tournure violente. Des vitrines ont été brisées et des cocktails Molotov lancés. La police de Montréal a quant à elle été fortement mise en cause après avoir violemment chargé les étudiants contestataires.