Modifié

"La Tunisie est le premier pays exportateur de djihadistes"

Hasni Abidi, Chargé de cours à l'Institut européen de l'Université de Genève, directeur du centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM).
Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen / L'invité de la rédaction / 23 min. / le 19 mars 2015
Au lendemain des attaques qui ont fait 19 morts, dont 17 touristes, à Tunis, le politologue et spécialiste du monde arabe Hasni Abidi analyse la situation géostratégique du pays.

"La police tunisienne n'était pas préparée à faire face à ce genre d'actions commando. Cette attaque a été une surprise pour tout le monde, mais le problème provient de l'héritage du régime autoritaire de Ben Ali qui a fait le lit du djihadisme et a conduit à la radicalisation de la société", expliquait jeudi sur les ondes de la RTS le politologue et spécialiste du monde arabe Hasni Abidi.

Selon les chiffres du gouvernement, entre 3000 et 5000 djihadistes tunisiens se seraient exportés vers la Syrie, l'Irak ou la Libye, a ajouté le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

La Tunisie, vulnérable de par son contexte socio-économique fragile et par les failles de sécurité du précédent gouvernement d'Ennahdha, craint désormais le retour de ces djihadistes dans le pays, qui pourrait conduire à d'autres attaques.

L'attentat du Musée du Bardo à Tunis est le premier à viser des étrangers depuis la révolution tunisienne. Au moins 19 personnes dont 17 touristes étrangers ont perdu la vie, et 52 autres ont été blessées.

Dans une brève déclaration télévisée mercredi soir, le président Béji Caïd Essebsi s'est engagé à "combattre le terrorisme sans pitié", tout en imputant la responsabilité de l'attaque à des islamistes armés.

Libérés des prisons de Ben Ali

"La révolution a libéré les djihadistes des prisons de Ben Ali. Nombreux sont ceux qui ont suivi une reconversion, mais d'autres sont partis en Syrie et en Irak, a expliqué Hasni Abidi, relevant que la menace terroriste fait partie du quotidien des Tunisiens.

Mais cette attaque illustre, selon lui, la vulnérabilité importante du régime et les limites du pays, qui cherche encore à atteindre une maturité politique et à construire ses institutions.

Le chercheur craint que ce genre d'attaque ne redirige la politique du gouvernement sur la sécurité, la militarisation et le djihadisme alors que des investissements doivent être réalisés dans la culture et le social pour cimenter la société et lui assurer un avenir solide.

Hasni Abidi a enfin appelé à ne pas boycotter son pays pour lequel le tourisme est un secteur stratégique.

Ecoutez à ce propos la chronique Sonar, relatant la colère des internautes tunisiens:

"Non la Tunisie n'est pas finie ": la colère des twittos tunisiens. [Twitter]Twitter
"Non la Tunisie n'est pas finie ": la colère des twittos tunisiens / Sonar / 3 min. / le 19 mars 2015

sbad

Publié Modifié

Sur la crise syrienne

Hasni Abidi a estimé par ailleurs que le conflit syrien était la situation la plus délicate depuis la deuxième guerre mondiale.

"Je plaide depuis le début pour la négociation avec Bachar al Assad. On peut très bien négocier avec son ennemi. Mais c'est quelqu'un qui a commis des crimes, on ne peut pas demander à la population de composer avec ce régime. Il s'agit clairement de négocier les conditions du départ de Bachar al Assad".

Sur le conflit israélo-palestinien

Le politologue a réagi aux résultats des élections en Israël et à une citation de Benjamin Netanyahu qui disait qu'il militerait toute sa vie contre l'Etat palestinien.

"Mahmoud Abbas devra trouver une solution plus brutale dans ce cas-là. L'autorité palestinienne est là pour négocier un Etat palestinien, mais si Netanyahu n'est pas sincère sur la principe de base, cela ne sert à rien de continuer un processus de paix ad aeternam. Il faudra mettre la communauté internationale devant ses responsabilités".