Jean-Pierre Bemba, 52 ans, est accusé d'avoir pensé et coordonné un plan, depuis sa cellule à La Haye, pour "corrompre" quatorze témoins. Un plan mis en place avec l'aide des 4 co-accusés. Le but de cette manoeuvre était "d'obtenir l'acquittement" de Jean-Pierre Bemba dans son procès pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis en Centrafrique, qui s'est ouvert devant la CPI en 2010.
"Les accusés ont participé à un plan afin d'influencer des témoins par corruption, de les soudoyer, des les encourager ou induire à déposer de faux témoignages", a déclaré la procureure Fatou Bensouda lors d'une audience publique à La Haye, où siège la CPI.
Les cinq hommes ont plaidé non coupable
Selon l'accusation, ils auraient contribué à des degrés divers au plan en recrutant les témoins, leur versant de l'argent, leur donnant des téléphones portables et leur donnant des instructions quant à leurs témoignages, le tout entre la fin 2011 et novembre 2013. Il s'agit du premier procès pour subornation de témoins devant la CPI, entrée en fonction en 2003 à La Haye.
Les faux témoignages avaient pour but, entre autres, de contester "le rôle de Jean-Pierre Bemba comme chef militaire jouissant d'une autorité militaire effective" ainsi que "la date d'entrée des troupes du Mouvement de libération du Congo (MLC) et de Jean-Pierre Bemba lui-même" en Centrafrique.
A cet effet, les suspects ont notamment recruté des faux témoins qui se sont fait passer pour des anciens membres du MLC. Jean-Pierre Bemba est détenu à La Haye depuis 2008. Ses co-accusés dans l'affaire de subornation de témoins comparaissent libres.
L'avocat et spécialiste du droit international Philippe Currat était l'invité du Journal du Matin, il décrypte les processus mis en place par la Cour Pénale Internationale dans un tel procès.
afp/ceg
Jean-Pierre Bemba, "Coordinateur des infractions"
Outre Jean-Pierre Bemba, sont poursuivis Aimé Kilolo, son avocat principal, Jean-Jacques Mangenda, un membre de son équipe de défense, Fidèle Babala, un député de son parti, le Mouvement de libération du Congo, et Narcisse Arido, un des témoins de la défense.
Jean-Pierre Bemba était "le coordinateur des infractions", selon le document de la Cour listant les charges. Aimé Kilolo "veillait surtout à la mise en oeuvre de la stratégie globale" alors que Jean-Jacques Mangenda "assurait la liaison entre Aimé Kilolo et Jean-Pierre Bemba". Fidèle Babala et Narcisse Arido ont, eux, joué des rôles "plus limités" dans cette affaire.
Les instructions, interceptées par l'accusation, étaient données par téléphone à l'aide de codes, a de son côté souligné le représentant du procureur Kweku Vanderpuye : "-Faire un whisky-, par exemple, signifiait effectuer un transfert d'argent via Western Union". L'accusation a ainsi diffusé mardi une conversation téléphonique dans laquelle Jean-Pierre Bemba donne ses instructions quant à un témoignage : "il ne faut pas donner trop d'éléments, pas trop vite (...) et seulement après hésitation".
Un procès en 2010 pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre
Le procès pour crimes contre l'humanité (viol et meurtre) et crimes de guerre (viol, meurtre et pillage) de Jean-Pierre Bemba s'est ouvert en 2010. Un jugement est attendu.
Il est poursuivi pour les atrocités commises par ses troupes du MLC en République Centrafricaine entre octobre 2002 et mars 2003, venues soutenir le président Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé.
Jean-Pierre Bemba est poursuivi en tant que "chef militaire" du MLC, en vertu du principe de la "responsabilité du commandant", ce que conteste catégoriquement la défense, affirmant que ses hommes étaient à l'époque sous le contrôle des autorités centrafricaines.