La page du christianisme comme "boussole des consciences et des sociétés" est-elle en passe de se tourner en Occident? "Il y a belle lurette que les églises n'ont plus une position surplombante sur l'ensemble de la société. La grande césure date du 18ème siècle, avec l'avènement du citoyen comme producteur de loi", a répondu Danièle Hervieu-Léger, professeure à l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris, jeudi dans le Journal du Matin de la RTS.
Le monde religieux est désormais extraordinairement diversifié, avec des concurrences.
"Le monde religieux est désormais extraordinairement diversifié, avec des concurrences. Le fait nouveau, c'est qu'il n'y a plus que des minorités religieuses", ajoute-t-elle. Pour la spécialiste des religions, ce phénomène a débuté avec l'affirmation visible de l'islam, notamment en France, qui a commencé dans les années 70.
"La laïcité à toutes les sauces"
"On a tendance à mettre le terme laïcité à toutes les sauces. On l'utilise, de manière un peu vague, pour désigner la séparation entre le religieux et le politique dans les sociétés occidentales. Or, c'est un concept difficilement transposable au-delà des frontières françaises", déclare encore Danièle Hervieu-Léger.
"C'est dans la fracture entre la France royaliste et catholique avec celle issue de la Révolution que s'est construite cette séparation entre les institutions religieuses et l'Etat, comme une solution de compromis", ajoute-t-elle, précisant qu'il convient plutôt de parler de "laïcisation" des sociétés occidentales.
Auto-régulation
La question de l'islam dans les sociétés occidentales ne sera pas réglée tant que lui-même même ne s'organise pas.
"L'un des pilliers de la laïcité, c'est que l'Etat remet aux autorités religieuses le soin de faire leur police interne, à condition qu'elles aient des institutions d'autorité", souligne Danièle Hervieu-Léger. "C'est exactement le problème de l'islam, d'où l'obsession en France de construire un Conseil du culte musulman afin d'avoir un interlocuteur", précise-t-elle.
Selon la sociologue, "la question de l'islam dans les sociétés occidentales ne sera pas réglée tant que lui-même même ne s'organise pas. Mais il est actuellement dans une situation d'éclatement, qui rend difficile cette organisation".
jvia