Les deux journalistes de la RTS étaient sur place depuis le début de la semaine. Ils étaient accrédités. Ils ont pu filmer le Louvre et interviewer notamment l’architecte de l’édifice, le Français Jean Nouvel.
C’est la veille de leur départ, prévu initialement vendredi, qu’ils ont été arrêtés puis interrogés à de multiples reprises dans des lieux différents. D’abord au poste de police puis vraisemblablement au sein des services de renseignements. Certains interrogatoires ont duré dix heures d’affilée. Lors des transferts entre les différents lieux, les journalistes avaient les yeux bandés.
"On a été séparés, privés de nos téléphones, de nos montres et mis en isolement total", a raconté Jon Bjorgvinsson dimanche soir dans l'émission Mise au Point. "Ils n'ont jamais levé la main sur nous, mais leurs interrogatoires étaient durs et ont duré très long", a-t-il ajouté.
Tout le matériel saisi
Au total, leur garde à vue a duré plus de cinquante heures, sans possibilité de communiquer vers l’extérieur. Tout leur matériel, caméra, ordinateur et disques durs, a été saisi. Les autorités policières cherchaient à obtenir les motivations de leur reportage mais aussi à savoir s’ils collaboraient avec des ONG ou des Etats tiers. Il leur a été notamment reproché d’avoir filmé, sur un marché, des travailleurs originaires du Pakistan.
Toutes les données électroniques de mon téléphone ont été violées
"On a manqué de chance", a de son côté expliqué Serge Enderlin. "On s'est fait repérer par la police lors d'un tournage dans un marché en périphérie d'Abu Dhabi, où vivent des dizaines de milliers de travailleurs immigrés qui bâtissent ce pays dans des conditions éprouvantes. On voulait simplement documenter leur vie."
Les journalistes ont finalement été relâchés dans la nuit de samedi à dimanche. Ils ont pu prendre un avion pour Zurich, contraints de laisser sur place l’essentiel de leurs affaires. "Toutes les données électroniques de mon téléphone ont été violées", a encore réagi Serge Enderlin, expliquant avoir cédé ses codes face au "chantage" et une "guerre nerveuse" après 25 heures de détention. Ils ont finalement dû signer des aveux complets pour être enfin libérés.
De fermes condamnations à la RTS
Le directeur de la RTS Pascal Crittin a vivement condamné la détention des deux reporters.
Le rédacteur en chef de l'actualité TV Bernard Rappaz a lui aussi fermement condamné cette atteinte à la liberté de la presse dans le 19h30. Cette affaire montre la difficulté de faire du journalisme d'enquête, a-t-il rappelé, un journalisme qui a un prix. L'affaire Weinstein et les "Paradise Papers" sont là pour le prouver: le travail journalistique est très important et nécessite des rédactions fortes et indépendantes, a encore relevé Bernard Rappaz.
François Roulet/boi