En Occident, il y a une sorte de fascination pour ou contre le président russe Vladimir Poutine, avec sa façon d'incarner l'ordre, la nation, l'autorité. Face à la "crise de la démocratie" que traverse l'Occident, "l'opinion se dit qu'un ordre plus autoritaire, plus musclé, pourrait peut-être rétablir certaines des fonctions que l'on attend du système politique", affirme Bertrand Badie, jeudi, au 19h30.
Ce spécialiste des relations internationales fait le constat d'une fascination croissante pour un néonationalisme, en Europe comme partout dans le monde, mais distingue toutefois le cas de la Russie, qu'il voit comme un "nationalisme de revanche". Marginalisée sous Boris Eltsine, la Russie veut revenir dans le jeu international. "C'est en quelques sorte Boris Eltsine qui a enfanté Vladimir Poutine", analyse-t-il.
Poutine ne s'intéresse pas à contester la mondialisation.
En Europe centrale et orientale, ainsi qu'aux Etats-Unis, se développerait plutôt un nationalisme de repli et d'enfermement. Soit un nationalisme de contestation de la mondialisation. "Poutine, lui, ne s'intéresse pas à contester la mondialisation", souligne Bertrand Badie.
La démocratie libérale aurait-elle donc atteint sa limite? "La démocratie est au bord du gouffre. Elle a besoin de se ressaisir et de s'adapter au nouveau monde, qui s'appelle la mondialisation", répond Bertrand Badie. Autrement dit, pour survivre, la démocratie devrait s'ouvrir, notamment à l'accueil des migrants, qui fait partie du nouveau jeu démocratique, estime le professeur.
Dissociation du marché et de la démocratie
Un autre danger majeur, selon Bertrand Badie, est la dissociation du marché et de la démocratie. Depuis le XIXe siècle, on estimait que les deux allaient de pair.
En Russie, le marché est très oligarchique et lié à l'appareil d'Etat, tandis qu'en Chine, ou dans d'autres pays autoritaires, c'est encore différent. L'économie obéirait ainsi à ses propres lois et peut être dissociée de la démocratie.
L'économie est en train aujourd'hui de nous faire sortir de la démocratie.
"On se demande maintenant si on ne va pas dans un monde où l'économie, étant une science, viendrait dicter les meilleures décisions, et où la délibération démocratique n'a plus grand sens", redoute Bertrand Badie.
Propos recueillis par Darius Rochebin
Adaptation web: Feriel Mestiri