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Les premiers amas d'étoiles ont aidé à façonner les galaxies à l'aube cosmique

Une équipe internationale d'astronomes a utilisé le télescope spatial James Webb pour découvrir des amas d'étoiles liés par la gravitation lorsque l'Univers était âgé de 460 millions d'années. Il s'agit de la première découverte d'amas d'étoiles dans une galaxie naissante, moins de 500 millions d'années après le Big Bang. [ESA/Webb, NASA & CSA, L. Bradley (STScI) - A. Adamo (Stockholm Uni) and the Cosmic Spring collaboration]
Les premiers amas d'étoiles ont aidé à façonner les galaxies à l'aube cosmique / Le Journal horaire / 24 sec. / mardi à 13:06
Des astronomes ont observé dans l'Univers des amas d'étoiles si denses que leur masse et leur lumière ont joué un rôle clé dans l'évolution de leur galaxie à l'époque de l'aube cosmique, selon une étude publiée lundi dans la revue Nature.

L'Arc des Joyaux cosmiques, le Cosmic Gems Arc, représente des amas d'étoiles qui étaient liés par la gravitation lorsque l'Univers était âgé de seulement 460 millions d'années. Il s'agit de la première découverte d'amas d'étoiles dans une galaxie naissante, moins de 500 millions d'années après le Big Bang.

"C'est impressionnant, nous ne voyons rien de tel dans l'Univers local" contemporain, explique à l'AFP Angela Adamo, professeure au département d'astronomie de l'Université de Stockholm.

L'étude qu'elle a signée avec une équipe internationale a identifié cinq proto-amas globulaires ayant des caractéristiques remarquables, dans une galaxie naine des premiers âges de l'Univers, 460 millions d'années, donc, après le Big bang.

>> Cinq proto-amas globulaires identifiés : À gauche, une version négative des amas d'étoiles, où les différents amas d'étoiles sont désignés. À droite, les amas d'étoiles "derrière" la lentille gravitationnelle. Cette image a été calculée à l'aide de simulations informatiques. [ESA/Webb, NASA & CSA, L. Bradley (STScI) - A. Adamo (Stockholm Uni) and the Cosmic Spring collaboration]
À gauche, une version négative des amas d'étoiles, où les différents amas d'étoiles sont identifiés. À droite, les amas d'étoiles "derrière" la lentille gravitationnelle. Cette image a été calculée à l'aide de simulations informatiques. [ESA/Webb, NASA & CSA, L. Bradley (STScI) - A. Adamo (Stockholm Uni) and the Cosmic Spring collaboration]

Découverte en 2018 dans des images du télescope spatial Hubble, l'arc du Cosmic Gems est alors la plus lointaine jamais observée, à plus de 13,2 milliards d'années lumière. Elle se trouve en pleine époque dite de réionisation (lire encadré), quand l'intense activité des premières étoiles et galaxies va illuminer l'Univers.

Cette aube cosmique est un des terrains de jeu du nouveau télescope spatial James Webb, qui a un œil encore plus perçant que celui de Hubble, car il voit plus loin dans l'infrarouge. Là où ce dernier distinguait un faible arc de lumière rouge, le James Webb révèle "une galaxie très jeune, avec des amas d'étoiles très jeunes à l'intérieur", selon Angela Adamo.

"C'est vraiment la première fois qu'on peut observer ce type d'objet à cette distance", et donc à une époque si lointaine, remarque Adélaïde Claeyssens, post-doctorante dans le département d'astronomie à Stockholm et co-signataire de l'étude.

Cette observation doit aider à comprendre la "formation des amas d'étoiles qu'on observe encore dans l'univers proche – qui sont maintenant très vieux –, et leur influence sur la formation des galaxies", ajoute-t-elle.

Un Univers très différent du nôtre

"Dans notre Voie lactée on voit environ 170 amas globulaires, mais il y en avait des milliers", avant qu'ils ne soient dispersés ou disloqués par l'expansion de la galaxie, note Angela Adamo. Surtout, "les survivants à l'intérieur du disque de la Voie lactée n'y pèsent pas grand-chose, avec une masse 'insignifiante' par rapport à toutes les étoiles qui la peuplent".

Alors qu'à l'inverse, les cinq amas d'étoiles observés dans Cosmic Gems Arc sont de véritables poids lourds, représentant ensemble environ 30% de la masse de la galaxie: "Cela nous dit que l'Univers était très différent", à cette époque, selon l'astronome.

Très denses, ces amas d'étoiles sont concentrés chacun dans un diamètre très petit, inférieur aux quelques quatre années-lumière séparant notre Soleil de son étoile la plus proche, Proxima Centauri: "Imaginez qu'il y ait un million d'étoiles" dans cet espace, donne pour exemple Angela Adamo.

Avec en leur sein des étoiles massives, dont la masse serait de 5000 à 10'000 fois celle du Soleil, selon une étude récente de l'Université de Genève menée par la professeure Corinne Charbonnel.

>> Au sujet de ces astres colossaux, lire : De gigantesques soleils ont brillé dans les amas d'étoiles très anciens

Pour cette dernière, "l'intérêt de ce type d'étude, est la lentille gravitationnelle (lire encadré) qui permet d'avoir un grand pouvoir de résolution: grâce à elle, les amas globulaires lointains sont visibles", souligne-t-elle à RTSinfo. Corinne Charbonnel – qui n'a pas participé à cette étude – se trouve en ce moment-même dans une conférence d'astrophysique dans les Dolomites qui traite de ce sujet. GN-z11, la galaxie que l'astrophysicienne a étudiée, ne bénéficie pas d'un phénomène similaire qui aurait permis de déterminer plus de détails dans cet objet dont la lumière est observée telle qu'elle était 400 millions d'années après la naissance de l'Univers.

"La distance à laquelle se trouve ces cinq gros amas-ci suggère que ce sont des proto-amas globulaires: ce sont les progéniteurs des amas globulaires que l'on peut observer dans notre galaxie, aux environs de 10 à 13 milliards d'années", ajoute-t-elle. "Plus on remonte le temps vers les débuts de l'Univers, plus les galaxies sont compactes et les amas très massifs". Et de souligner qu'il sera aussi important de comprendre comment est constituée la lentille gravitationnelle qui fait effet de loupe: un élément qui en dira aussi plus sur les objets grossis grâce à elle.

>> Ce que les astronomes ont identifié dans le Cosmic Gems Arc pourra devenir un objet du type de cet amas globulaire : A 28'000 années-lumière de la Terre, l'amas M80 (NGC 6093) est l'un des plus denses de notre galaxie, la Voie lactée. Il contient des centaines de milliers d'étoiles, toutes maintenues ensemble par leur attraction gravitationnelle mutuelle. [AURA/ STScI/ NASA - The Hubble Heritage Team]
A 28'000 années-lumière de la Terre, l'amas M80 (NGC 6093) est l'un des plus denses de notre galaxie, la Voie lactée. Il contient des centaines de milliers d'étoiles, toutes maintenues ensemble par leur attraction gravitationnelle mutuelle. [AURA/ STScI/ NASA - The Hubble Heritage Team]

L'influence de la radiation des étoiles

Angela Adamo rappelle que "ces étoiles massives produisent beaucoup de radiations", et que de cette façon, "elles influencent la façon dont les galaxies forment des étoiles et comment se répartit le gaz autour des galaxies". De la même façon, ces étoiles très massives, à la fin de leur courte vie, ont créé des trous noirs dont certains pourraient être les objets supermassifs qu'on trouve aujourd'hui au cœur de nombreuses galaxies.

Ces observations ouvrent "une sorte de fenêtre" sur la genèse des galaxies, selon les astronomes de l'étude. Pour en savoir plus il faudra trouver d'autres futurs amas globulaires à l'époque de l'aube cosmique, et pouvoir les étudier plus en détail.

"Le James Webb va aider à en trouver", selon la Professeure Adamo, mais les astronomes attendent également avec impatience l'arrivée de l'Extremely Large Telescope (ELT) de l'Observatoire européen austral "pour aider à comprendre les processus physiques à l'œuvre dans ces galaxies". "Encore cinq ans d'attente", avant de mieux comprendre ce qui se passait il y a plus de 13,2 milliards d'années. "On verra des galaxies mesurant 300 années-lumière", se réjouit Corinne Charbonnel. Une distance très petite à l'échelle de notre vaste Univers...

Stéphanie Jaquet et l'afp

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La période cruciale de la réionisation

L'époque de la réionisation (EoR) est une période cruciale de l'évolution de l'Univers: elle s'est déroulée au cours du premier milliard d'années après le Big Bang, après les âges sombres.

>> Les premières étoiles et l'époque de la réionisation :
Dans la chronologie de l'Univers, la réionisation se situe de 400 millions à 1 milliard d'années après le Big Bang, juste après les âges sombres, puis la genèse des premières étoiles. Les galaxies et les quasars commencent à se former, ce qui enclenche la réionisation. Notre Système solaire se dessine à partir de 9 milliards d'années. [NASA - Caltech/WMAP Team]
Dans la chronologie de l'Univers, la réionisation se situe de 400 millions à 1 milliard d'années après le Big Bang, juste après les âges sombres, puis la genèse des premières étoiles. Les galaxies et les quasars commencent à se former, ce qui enclenche la réionisation. Notre Système solaire se dessine à partir de 9 milliards d'années. [NASA - Caltech/WMAP Team]

Au cours de cette ère, l'Univers a connu une transition importante: à ses débuts, il était rempli de gaz d'hydrogène neutre – qui formait une sorte de brouillard rendant les observations difficiles –, mais cette situation a changé durant cet intervalle. La matière de l'Univers est passée de sa forme neutre à une forme entièrement ionisée; les atomes ont été dépouillés de leurs électrons, ce qui a en quelque sorte dissipé le brouillard. Les scientifiques pensent que les premières galaxies de l'Univers sont à l'origine de cette transformation.

Qu'est-ce qu'une lentille gravitationnelle?

Une lentille gravitationnelle est utilisée par les astronomes pour étudier des galaxies très éloignées et très peu lumineuses, comme celle se trouvant en haut à gauche.

Une lentille gravitationnelle est utilisé par les astronomes pour étudier des galaxies très éloignées et très peu lumineuses, comme celle se trouvant en haut à gauche. Ici, l'échelle a été fortement exagérée: en réalité, cette galaxie est beaucoup plus éloignée et petite. Entre l'observatoire sur Terre et cette très lointaine galaxie, un amas de galaxies elliptiques – dont la gravité est très forte – courbe l'espace-temps; la lumière (en blanc) va suivre cette courbure et produire des images déformées et souvent multiples de la galaxie d'arrière-plan (en orange). Malgré la distorsion, un effet de loupe est produit: les astronomes peuvent obtenir des informations qui ne seraient pas disponibles sans cet effet de lentille gravitationnelle. [NASA/ESA - L. Calçada]
[NASA/ESA - L. Calçada]

Ici, l'échelle a été fortement exagérée: en réalité, cette galaxie est beaucoup plus éloignée et petite. Entre l'observatoire sur Terre et cette très lointaine galaxie, un amas de galaxies elliptiques – dont la gravité est très forte – courbe l'espace-temps; la lumière (en blanc) va suivre cette courbure et produire des images déformées et souvent multiples de la galaxie d'arrière-plan (en orange).

Malgré la distorsion, un effet de loupe est produit: les astronomes peuvent obtenir des informations qui ne seraient pas disponibles sans cet effet de lentille gravitationnelle.