Une étude de chercheurs français relance le débat sur les organismes génétiquement modifiés, au moment où la France se bat contre leur culture en Europe: des tumeurs grosses comme des balles de ping-pong se sont développées sur des rats nourris avec un maïs OGM du géant américain Monsanto.
"Pour la première fois au monde, un OGM et un pesticide ont été évalués pour leur impact sur la santé plus longuement et plus complètement que par les gouvernements et les industriels. Or les résultats sont alarmants", résume Gilles-Eric Séralini, professeur à l'Université de Caen, pilote de l'étude.
Cinq fois plus de morts
Dans le plus grand secret, les universitaires de Caen ont suivi pendant deux ans un groupe de rats témoins ainsi que 200 rats qu'ils ont répartis en trois grands groupes: le premier a été nourri avec un maïs OGM NK603 seul, le second avec ce maïs OGM traité au Roundup, herbicide le plus utilisé au monde, et le troisième avec du maïs non OGM traité avec cet herbicide.
Le maïs était introduit au sein d'un régime équilibré dans des proportions représentatives du régime alimentaire américain.
"Le premier rat mâle nourri aux OGM meurt un an avant le premier témoin. La première femelle huit mois avant. Au 17e mois, on observe cinq fois plus de morts chez les mâles nourris avec 11% de maïs (OGM)", détaille le professeur, qui a déjà signé plusieurs études sur le sujet, mais sur la base de données sur 90 jours fournies par les industriels.
Les réactions
L'étude n'a pas tardé à susciter de nombreuses réactions. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a plaidé pour des procédures d'homologation des OGM au sein de l'UE "beaucoup plus strictes".
Figure emblématique de la lutte contre les OGM en France, l'eurodéputé vert José Bové a demandé à Bruxelles de "suspendre immédiatement les autorisations de mise en culture" accordées à deux OGM en Europe.
La Commission européenne a annoncé avoir demandé à l'agence chargée de la sécurité des aliments en Europe d'examiner les résultats de cette étude et a promis d'en "tirer les conséquences". La première conséquence est le gel de l'examen de la demande de renouvellement de l'autorisation de culture accordée au géant américain Monsanto pour sa semence OGM MON 810, a indiqué Frédéric Vincent, porte-parole du commissaire européen à la Santé.
L'Association française des biotechnologies végétales, a affirmé en revanche que les "nombreuses études qui ont évalué les effets à long terme des OGM (...) n'ont jamais révélé d'effets toxiques".
agences/char
L'étude
Si les chercheurs ont travaillé en même temps sur le maïs OGM NK603 et le Roundup, deux produits commercialisés par Monsanto, c'est que les OGM agricoles sont modifiés pour tolérer ou produire des pesticides: 100% des OGM cultivés à grande échelle en 2011 sont des plantes à pesticides, dit Gilles-Eric Séralini.
"Les résultats révèlent des mortalités bien plus rapides et plus fortes au cours de la consommation de chacun des deux produits" (OGM et Roundup), résume le chercheur, qui fait ou a fait partie de commissions officielles sur les OGM dans 30 pays.
Dans les trois groupes de l'échantillon, les universitaires ont observé par exemple une mortalité deux à trois fois plus élevée chez les femelles et deux à trois fois plus de tumeurs chez les rats des deux sexes. "A la dose la plus faible de Roundup (...) on observe 2,5 fois plus de tumeurs mammaires", souligne le professeur.
"Le crime, c'est que ça n'ait pas été testé avant, que les autorités sanitaires n'aient pas exigé des tests plus longs alors qu'on est à 15 ans de commercialisation des OGM dans le monde", a commenté Gilles-Eric Séralini. Selon lui, le NK603 n'avait jusqu'alors été testé que sur une période de trois mois et c'est la première fois que le Roundup est testé sur le long terme avec ses adjuvants.
La France veut régler le flou juridique
La France réclame des règles claires sur le droit des Etats à produire ou pas des OGM et sur les conditions de leur mise en culture en Europe, après la publication mercredi d'une étude choc montrant une surmortalité rapide de rats nourris avec un maïs génétiquement modifié.
"Il faut revoir les protocoles d'homologation et permettre aux Etats de faire des choix, pour ou contre" les organismes génétiquement modifiés sur leur territoire, a déclaré le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll.
"Il est indispensable de préciser dans le droit européen les conditions dans lesquelles on peut déclencher un moratoire" suspendant ces cultures, a-t-il estimé.
L'étude a été mise en ligne mercredi par la revue "Food and Chemical Toxicology", qui a déjà publié des études de Monsanto affirmant la non toxicité des OGM.