C'est l'équipe d'Edouard Gentaz, professeur ordinaire à la Faculté de psychologie et sciences de l’éducation de l'UNIGE et au Centre suisse des sciences affectives, qui a eu l'idée de tester l’oculométrie, une technique déjà utilisée avec les bébés pour observer leurs compétences émotionnelles et comportementales.
Une situation de grande dépendance
L'oculométrie permet d’évaluer les compétences perceptives de personnes en situation de polyhandicap et incapables de s'exprimer verbalement ou physiquement. Les résultats de l'étude genevoise, publiée dans la revue PLOS One, ouvrent la voie à une prise en charge personnalisée.
On parle d’enfants et d’adolescents qui n’ont presque aucune possibilité de communiquer, qui sont en chaise roulante et qui ne s’expriment peut-être que par une mimique ou un son. Il est très difficile d’évaluer leurs compétences et encore plus de capter leurs besoins, alors qu’ils sont dans une situation de dépendance énorme.
Des questionnaires d'observation biaisés
"L'enjeu de cette recherche était de trouver un moyen d'évaluer directement ces personnes", a expliqué Thalia Cavadini, première auteure et doctorante, mercredi dans La Matinale de la RTS.
L'objectif était de contourner les questionnaires d'observation utilisés actuellement, "sachant que c'est justement biaisé par l'observateur qui a son propre avis sur la personne", comme l'a souligné la doctorante à la Faculté de psychologie et sciences de l’éducation de l'Université de Genève.
La première étape de la recherche était d'évaluer le potentiel de chacune et chacun grâce à l’oculométrie, en suivant le regard qu’ils posaient sur des images. Celui-ci est en effet souvent le seul indice comportemental préservé chez les personnes avec polyhandicap.
Et la méthode a révélé des compétences individuelles insoupçonnées chez certains enfants et adolescents suivis dans cette étude.
Montrer que l'enfant est tout à fait capable
L'idée est maintenant de les entraîner pour augmenter leurs capacités. "On a pu mettre en place des entraînements individualisés en fonction de leur profil", a expliqué Thalia Cavadini.
"Les parents ont l'impression que leur enfant a très peu de compétences, comme on leur a toujours dit. Et là, ils étaient très étonnés qu'on puisse leur montrer qu'il a des compétences, qu'il est tout à fait capable. Cela permet de proposer de nouvelles méthodes d'évaluation".
Cela ouvre aussi la perspective d'avoir un jour, peut-être, une communication plus fluide avec les personnes en situation de polyhandicap. Cela permettrait de mieux entendre leurs besoins et leurs préférences dans des situations du quotidien.
Alexandra Richard/oang