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Loi sur l'asile: premier bilan critique

Le droit d'asile jugé incompatible avec celui de Bruxelles
La barre est souvent placée trop haut pour les requérants
L'Office fédéral des migrations refuse trop facilement d'entrer en matière sur une demande d'asile en évoquant l'absence de papier, estime l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) qui a tiré le bilan de la nouvelle loi.

L'OSAR juge que la pratique de l'Office fédéral des migrations
(ODM) pose de nombreux problèmes. Depuis janvier, un requérant doit
présenter dans les 48 heures une carte d'identité ou un passeport,
faute de quoi sa demande fera l'objet d'une procédure accélérée et
d'une décision de non-entrée en matière.



Des exceptions sont prévues en cas de motifs crédibles, pour
éviter que de «vrais réfugiés» soient refusés, avait assuré le
Conseil fédéral.

Exigences trop sévères

«Le gouvernement n'a pas tenu ses promesses», a affirmé jeudi
devant la presse Jürg Schertenleib, chef du service juridique de
l'OSAR. L'enquête menée par l'organisation sur les 993 décisions de
non-entrée en matière rendue entre le 1er janvier et le 31 mai
montre que l'ODM pose des exigences trop sévères.



Des non-entrées en matière sont prononcées même quand l'identité
est établie ou rendue vraisemblable par la remise de documents tels
qu'un permis de conduire, un certificat de naissance ou d'autres
documents.



Dans certains cas, la pratique est plus sévère que ce que
prévoient les accords de réadmission, selon Susanne Bolz, auteure
du rapport.

Refus d'office

La possibilité de prolonger le délai de 48 heures pour la remise
de papiers n'est guère utilisée. L'ODM a en outre souvent recours à
des formulations pré-rédigées pour rejeter des motifs d'excuses
invoqués par beaucoup de requérants, comme la confiscation des
papiers par les passeurs.



L'office argumente en outre souvent que les requérants ont
vraisemblablement quitté leur pays avec des documents d'identité,
raison pour laquelle les persécutions mises en avant seraient
dépourvues de réalité.



Au final, des personnes sont confrontées à une non-entrée en
matière quand bien même elles ont été victimes de viol, de
mutilation génitale ou ont fui la guerre. Or de telles situations
ne sont pourtant pas manifestement infondées, souligne l'OSAR.

Forte hausse

Selon Yann Golay, l'ODM semble avoir suivi la voie de la
facilité. Or se pose la question du nombre de décisions erronées
qui sont prises en recourant à une telle pratique. Ceci d'autant
plus que les non-entrées en matière pour absence de papiers se font
de plus en plus nombreuses.



Leur proportion par rapport au total des décisions a passé de 3,3
% en 2005 à 12,5 % durant les cinq premiers mois de 2007. Plus de
la moitié (55,9 %) des non-entrées en matière sont en outre
motivées par l'absence de papiers alors que la proportion était de
9,9 % en 2005.

Revendications

Pour que les promesses faites par les autorités soient
respectées et que la pratique respecte la constitution et le droit
international, l'OSAR pose une série de revendications.



L'ODM devrait entrer en matière sur une demande et l'examiner dès
qu'elle n'est pas manifestement dépourvue de fondement. Les
requérants devraient avoir un accès garanti à des consultations et
à une représentation juridique.



S'ils peuvent rendre vraisemblable leur identité ou si l'exécution
d'un éventuel renvoi peut intervenir sur la base des documents
déposés, l'entrée en matière devrait avoir lieu. Un examen de la
crédibilité des motifs invoqués pour l'absence de papier devrait
intervenir dans chaque cas particulier.



Enfin, l'OSAR demande d'examiner si l'actuelle procédure de
non-entrée en matière ne devrait pas à l'avenir être remplacée par
une procédure matérielle accélérée pour traiter des demandes
d'asile manifestement infondées.



ats/tac

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L'ODM dit ne pas agir à la légère

L'Office fédéral des migrations affirme ne pas agir à la légère avec les refus d'entrée en matière liés à une absence de papiers. Etonné des fortes critiques de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, il conteste les chiffres avancés par cette dernière.

Depuis janvier, l'ODM a certes refusé d'entrer en matière sur quelque 700 demandes d'asile en invoquant l'absence de papiers, mais dans plus de 1000 cas où ces papiers faisaient également défaut, il est entré en matière, a indiqué son porte-parole Dominique Boillat jeudi.

Un combinaison de critères font qu'un requérant se voit opposer une fin de non-recevoir. Il n'a souvent pas pu rendre crédible son récit. Mais il serait absurde de ne pas entrer en matière sur sa demande simplement parce qu'il n'a pas de papier, selon Dominique Boillat.

A chaque fois, le requérant est auditionné en bonne et due forme en présence d'organisations d'entraide pour voir s'il y a des motifs excusables à l'absence de papiers ou des indices de persécutions. Si tel est le cas, l'ODM entre en matière.

L'office se défend en outre d'avoir outrepassé dans sa pratique la ligne définie par le Parlement. «Nous n'avons pas l'impression d'en faire plus que ce qui a été décidé». Aux yeux de Dominique Boillat, le bilan de la nouvelle loi est plutôt positif.

Elle permet de prendre des décisions claires et d'écarter les personnes ne répondant pas aux critères pour avoir droit à l'asile tout en tenant compte des problèmes particuliers. Très peu de cas de recours ont été acceptés par le Tribunal administratif fédéral et encore aucun jugement faisant jurisprudence n'a été rendu, précise le porte-parole.

Enfin, l'ODM ne juge pas nécessaire de remplacer l'actuelle procédure de non-entrée en matière par une procédure matérielle accélérée. La procédure suisse de non-entrée en matière correspond dans les grandes lignes à la procédure matérielle accélérée pratiquée dans d'autres pays européens.