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Nuria Gorrite: "J'essaie de faire en sorte que l'exercice du pouvoir ne me transforme pas"

Nuria Goritte, conseillère d'Etat vaudoise, sur le plateau de l'émission #Helvetica [RTS]
#Helvetica : Nuria Gorrite, Conseillère d'Etat VD / #Helvetica / 21 min. / samedi à 13:15
De retour aux affaires après une pause pour traiter son cancer de sein, la conseillère d'Etat vaudoise Nuria Gorrite était l'invitée samedi d'Helvetica. L'occasion pour l'élue socialiste de revenir sur cette période qui a transformé son rapport à elle-même, mais aussi sur les étapes marquantes de sa vie qui ont forgé sa personnalité.

Pour Nuria Gorrite, l'annonce publique de son cancer du sein était une évidence. "Quand on est élu, on demande aux gens de nous faire confiance. En notant notre nom, les électeurs nous donnent leur voix au sens propre. Donc, quand on est contraint de s'absenter pendant trois mois, on a le devoir d'être transparent", a-t-elle confié samedi au micro de la RTS.

Une expérience éprouvante qui l'a changée, dans son rapport au monde, mais aussi à elle-même. "Quand cela nous arrive, on est confrontée à sa propre finitude, donc forcément, on est dans un rapport à soi qui change (...) La politique est un domaine très exigeant, nécessitant de nombreuses heures de travail. On se lève tôt, on rentre tard, on dort peu et, parfois, on se sent invincible. Mais quand la maladie ou la perspective de la mort nous frappe, nous sommes brutalement ramenés à notre condition d'humain. Et ça permet de prendre du recul."

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Un sujet encore tabou

Parler publiquement de son cancer était aussi un moyen pour Nuria Gorrite d'envoyer un message de solidarité aux femmes qui traversent la même épreuve et de lever le tabou autour de cette maladie. "Le cancer du sein est très dur à vivre pour une femme. Car le sein représente le réceptacle de deux assignations faites aux femmes: d'une part la maternité et d'autre part la sexualité. On perd aussi ses cheveux, qui sont un symbole de séduction souvent associé à la féminité."

La danse m'a permis de m'approprier l'espace et mon corps, tout en étant une véritable école de discipline personnelle

Nuria Gorrite, conseillère d'Etat vaudoise

On imagine aussi souvent qu'une fois les traitements curatifs achevés, tout reviendra à la normale, mais ce n'est pas le cas, poursuit Nuria Gorrite. "Les questions auxquelles on est confrontée sont éprouvantes. Il y a des femmes qui vivent des difficultés postopératoires. Et puis, il y a certains traitements de prévention comme l'hormonothérapie dont on parle relativement peu. Ce sont des traitements qui, pour beaucoup, sont difficiles à vivre avec des effets secondaires qui peuvent être handicapants."

"Déterminisme social"

Fille de parents immigrés et issue d'un milieu très modeste, la socialiste doit en grande partie son ascension sociale à ses parents qui l'ont soutenue tout au long de ses études. "Mon histoire, comme beaucoup de gens, c'est celle de la migration. Il y a encore aujourd'hui une forme de déterminisme social, l'école ne joue pas toujours le rôle d'ascenseur social. C'est donc important de bénéficier, à côté des mesures d'accompagnement, d'un foyer parental qui vous pousse et qui vous encourage."

J'aime rigoler, j'aime être en lien et ça fait partie de cette convivialité qu'on doit chérir. Je crois que l'authenticité est importante 

Nuria Gorrite, conseillère d'Etat vaudoise

Nuria Gorrite se rappelle d'ailleurs bien des mercredis après-midi passés avec sa maman à la bibliothèque municipale. "On passait des heures à choisir des livres et à les lire. C'était quelque chose d'important en famille. Petite, mes parents m'emmenaient voir beaucoup de concerts, de spectacles, de pièces de théâtre. C'était un environnement très stimulant."

La danse pour surmonter sa timidité

La danse lui a également permis de surmonter sa timidité, "même si c'est difficile à croire", admet la conseillère d'Etat, connue pour sa personnalité solaire et expansive. "Elle m'a permis de m'approprier l'espace et mon corps, tout en étant une véritable école de discipline personnelle. Je crois que ce parcours, d'abord en danse classique puis un peu en danse contemporaine, m'a énormément aidée dans ma vie d'adulte."

Une personnalité chaleureuse et spontanée qui peut être un véritable atout en politique où le contact humain est essentiel. "Je viens avec qui je suis et j'essaie de faire en sorte que l'exercice du pouvoir ne me transforme pas, même si, bien sûr, on est toujours un peu transformée par la vie."

Un canton qui lui ressemble

Mais ce tempérament haut en couleurs peut également jouer des tours à l'ancienne présidente du Conseil d’Etat vaudois, épinglée en janvier 2022 pour avoir importuné plusieurs clients dans un restaurant valaisan. Jugée trop bruyante avec son groupe d'amis, elle avait été rappelée à l’ordre par le personnel de l'établissement.

"Quand on vit ce genre d'événements, on n'est pas un roc. Donc forcément, ça perturbe. Maintenant, comme je l'ai dit, je viens avec qui je suis", se défend la Vaudoise. "J'aime rigoler, j'aime être en lien et ça fait partie de cette convivialité qu'on doit chérir. Je crois que l'authenticité est importante."

Pour Nuria Gorrite, le canton qu'elle dirige reflète aussi sa personnalité. "C'est un peuple europhile, d'ouverture et de convivialité qui vit de ses contacts avec les autres et c'est finalement une terre dans laquelle je me sens bien."

Propos recueillis par Philippe Revaz

Article web: Hélène Krähenbühl

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