Entre discours, brunchs et feux d'artifice, les festivités du 1er Août se déploient en Suisse

Guy Parmelin a clôturé jeudi soir à Jussy, commune genevoise qui a gardé un fort caractère agricole et viticole, la série des 18 discours donnés par les conseillers fédéraux pour la Fête nationale. Le chef du Département fédéral de l'économie (DFER) a vanté la stabilité du système politique suisse.

Invité par les autorités jusserandes, Guy Parmelin est arrivé en fin d'après-midi par hélicoptère dans cette commune située sur la rive gauche à l'extrémité est du canton. L'ancien viticulteur-agriculteur était très à l'aise dans ce bout de campagne genevoise qui comptait 1174 habitants fin 2023. Il a profité de ce moment ensoleillé pour échanger longuement avec la population avant son allocution.

Comme dans son discours prononcé la veille à Lucerne, Guy Parmelin a d'abord rappelé qu'en ce jour de Fête nationale la Suisse "n'a pas à rougir d'avoir de la ressource". "Encore faut-il que nous en soyons conscients", a d'emblée souligné le Vaudois. Il a demandé de ne pas verser dans l'autosatisfaction et a appelé à l'introspection.

Le conseiller fédéral a encouragé la population "à ne pas se laisser submerger par les impressions, par les a priori, ou encore par tout ce qui n'aurait pas été préalablement passé au crible de la raison". Cette approche est celle que suit le Conseil fédéral, selon Guy Parmelin.

Assurance de stabilité

"Même si notre système politique peut paraître par trop consensuel, même si le processus décisionnel peut sembler lourd et lent, et donner l'impression d'aseptiser les initiatives fulgurantes au profit de compromis en apparence un peu fades, il n'en offre pas moins une assurance de stabilité dans un monde marqué par le vacillement", a déclaré le Vaudois.

Le conseiller fédéral UDC a été chaleureusement applaudi. La présidente du Conseil d'Etat genevois Nathalie Fontanet s'est aussi exprimée devant la population de Jussy "l'un des si précieux poumon vert de notre canton". La fête animée notamment par des échassiers qui jouaient du cor des alpes ainsi que par la chorale, la fête devait se prolonger avec un grand feu de joie et des feux d'artifice.

Aujourd'hui, presque tout le monde avait congé en Suisse à l'occasion de la fête nationale. On en aurait presqu'oublié que le 1er août n'est devenu un jour férié qu'un siècle après sa création, en 1994.

C’est le peuple suisse qui a décidé de s’offrir ce jour férié à la suite de l'aboutissement d'une initiative populaire, en 1990. Car depuis la création de la fête nationale en 1891, seuls 6 cantons accordaient ce congé, une bizarrerie toute helvétique.

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"Cela a toujours été affirmé par les autorités comme un événement qui devait rester modéré, discret, après une journée de travail", explique l'historien Marc Perrenoud. "C’est pour ça qu’on a commencé petit à petit à introduire les feux du premier août le soir, mais ça été un long processus."

Un long processus couronné de succès en septembre 1993. Le peuple suisse et les 26 cantons disent oui à l’initiative à 83,8 %. Il s’agit à ce jour de l’initiative populaire la plus plébiscitée dans l’histoire de la Confédération.

Dans plusieurs lieux de Suisse romande, la fête a commencé mercredi soir. C'est le cas de La Chaux-de-Fonds, où les festivités étaient particulièrement attendues cette année, car elles n'avaient pas eu lieu depuis quatre ans, à cause du Covid, de la sécheresse, puis de la violente tempête de juillet 2023.

Son ciel s'est donc paré de feux d’artifices pour l'occasion et les cors des Alpes et les cloches étaient de sortie.

A La Chaux-de-Fonds, pas de politiciens en tribune. Le traditionnel discours a été prononcé cette année par un invité, le procureur et romancier Nicolas Feuz.

>> Ecouter aussi le sujet de La Matinale sur la tradition des feux d'artifice :

Keystone

Pour son deuxième 1er Août en tant que conseiller fédéral, Albert Rösti a mené un véritable marathon, enchaînant 7 discours dans 4 cantons différents entre mercredi soir et jeudi.

Le record est toutefois détenu par l'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer, qui avait enchaîné jusqu'à 9 discours pour les festivités de la fête nationale.

>> Les précisions dans le 19h30 :

A Fribourg, la Ville a donné les clés du 1er Août aux jeunes. Ce sont les deux co-présidents du tout nouveau Conseil des jeunes qui ont assuré les discours officiels. L'occasion aussi de s'interroger sur ce que signifie la fête nationale pour les jeunes générations.

"La Fête nationale, c'est quelque chose de grand" qui nous permet à "nous comme jeunes, de représenter la jeunesse de Fribourg et de parler devant tous (...) C'est un grand honneur", a déclaré Eric Meier, coprésident du Conseil des jeunes de Fribourg, dans le 19h30 de la RTS jeudi soir.

>> Les précisions dans le 19h30 :

Pour cet exercice, la Ville leur a laissé carte blanche, indique le conseiller communal Pierre-Olivier Nobs. "Ils ont une liberté totale et ce discours sera juste exceptionnel à faire."

Engagé et bilingue, le discours des jeunes citoyens porte sur deux thématiques phares qui se sont imposées: la santé mentale et les discriminations.

Les discours de politiciens, les tweets et les messages vidéo se succèdent à l'occasion du 1er Août. Petite sélection.

- "Même si nous n’avons pas tous la même culture, nous nous respectons mutuellement. Même si nous ne parlons pas tous la même langue, nous savons trouver un langage commun": la présidente de la Confédération Viola Amherd.

- "La raclette est un plat très démocratique quand elle est servie correctement: une personne, une portion!": la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter depuis New York

- "C'est notre diversité qui fait de nous un pays unique, fort et innovant.": le Parti Vert'libéral sur X.

- "Continuons à cultiver cette 'suissitude' de manière systématique et disciplinée et n'écoutons pas les envieux et les grincheux, en Suisse comme à l'étranger.": Stephan Rietiker, président de Pro Suisse

- "Il n'y a rien à fêter pour la population lors de la fête nationale et du jour du dépassement. A partir d'aujourd'hui, toutes les ressources naturelles sont épuisées, mais la Terre continue d'être exploitée sans ménagement. Alors que les plus riches deviennent toujours plus riches, la population doit payer les conséquences de la crise climatique.": la Jeunesse socialiste suisse dans un communiqué

- "Les Etats-Unis et la Suisse partagent un profond engagement en faveur des droits de l'homme, de la promotion de la démocratie, de la réalisation des objectifs mondiaux en matière de santé et de la garantie de la paix et de la sécurité dans le monde": le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken dans un message publié sur le site internet de son ministère

>> Ecouter l'interview de Thierry Hermann sur l'évolution des discours du 1er Août par le Conseil fédéral :

Keystone - Valentin Flauraud

La guerre à Gaza s'est invitée à la cérémonie du 1er Août à Lausanne. L'invité d'honneur Philippe Lazzarini, commissaire général de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a été chahuté par des manifestants pro-israéliens lors de son allocution.

L'annonce de la venue du Neuchâtelois avait déjà suscité des critiques fin juin, essentiellement des milieux pro-israéliens, l'UNRWA étant fustigée de longue date par Israël qui l'accuse d'avoir des liens avec le Hamas.

Ces voix critiques se sont à nouveau fait entendre jeudi soir sur la place de la Navigation à Ouchy. Lors de la première partie de la cérémonie officielle, à chaque évocation du nom de Philippe Lazzarini, les huées ont retenti dans la foule, prenant le dessus sur les applaudissements. Les drapeaux palestiniens côtoyaient les photos d'otages israéliens dans une ambiance électrique mais sans heurt.

>> Les précisions dans La Matinale :

RTS - Céline Tzaud

Puis, lorsqu'il est monté sur scène pour entamer son discours, une cinquantaine de pancartes ont été brandies. Certaines représentaient des photos d'otages israéliens, d'autres dénonçaient l'action de l'UNRWA, l'accusant par exemple "d'entraver le processus de paix" ou de "financer des terroristes du Hamas."

Philippe Lazzarini ne s'est toutefois pas démonté, menant à bien son allocution. Un discours dans lequel il a notamment déploré "le bafouement" du droit humanitaire dans les nombreux conflits actuels, de Gaza à l'Ukraine en passant par le Soudan.

>> Les réactions du public dans La Matinale :

RTS - Céline Tzaud

"Déshumanisation"

Le diplomate a décrit "un monde fractionné et rendu aveugle par l'intolérance". Selon lui, "la déshumanisation nous guette".

Au sujet de la guerre israélo-palestinienne, il a dénoncé "les horribles attaques" du 7 octobre du Hamas, tout comme "la guerre de tous les superlatifs" que mène actuellement le gouvernement israélien.

Il a appelé les deux camps à imiter les trois cantons fondateurs de la Suisse et à "trouver un chemin durable vers la paix."

>> Les précisions dans l'émission Forum :

Keystone - Salvatore Di Nolfi

Le Palais fédéral a ouvert ses portes jeudi à Berne à près de 2500 visiteurs. La population était invitée à venir visiter le Parlement et découvrir son fonctionnement en ce jour de fête nationale.

Certains visiteurs ont dû patienter pendant deux heures avant de pouvoir explorer le siège du pouvoir législatif, ont indiqué les services du Parlement. En tout, ce sont précisément 2459 personnes qui ont fait le déplacement.

La présidente du Conseil des Etats Eva Herzog (PS/BS) et son collègue du Conseil national Eric Nussbaumer (PS/BL) ont répondu aux questions du public, notamment sur des thèmes liés à la politique suisse. Et des guides ont expliqué le fonctionnement du Parlement et de ses deux chambres.

La salle de séance du Conseil fédéral était elle aussi ouverte au public, tout comme la salle des pas perdus et le hall de la coupole. Un orchestre et les chanteuses de musique folklorique suisse, les sœurs Evelyn et Kristina Brunner, sont venus ajouter une touche musicale à l'événement. Un programme pour enfants, avec concours et atelier de tatouages notamment, était aussi proposé.

Cette année encore, quelque 280 familles paysannes ont organisé un peu partout en Suisse le traditionnel brunch à la ferme du 1er Août. Environ 100'000 personnes y ont participé.

Chaque famille d'accueil a reçu les visiteurs à sa manière, indique l'Union suisse des paysans (USP), organisatrice de l'événement, jeudi dans un communiqué. Le nombre de convives a donc fortement varié selon les sites. Les brunchs à la ferme du 1er Août ont lieu depuis plus de 30 ans.

Le brunch du 1er Août est traditionnellement un moment de partage autour des savoir-faire et des produits régionaux, ainsi qu’une opportunité de rencontrer les politiques.

La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a choisi de se rendre dans le canton du Valais à Saint-Pierre-de-Clages, près de Chamoson. Jeudi dans le 12h45 de la RTS, elle explique que son choix n’est pas fortuit, car cette commune viticole cherche à lutter contre le mildiou, une maladie qui affecte les vignes: "Je suis curieuse de découvrir un nouveau lieu en Valais et aussi des cépages résistants dits robustes".

Ce projet vise à développer des variétés de raisins qui sont naturellement résistantes à certaines maladies. Cela pourrait aider à améliorer la durabilité de la viticulture dans cette région.

>> Voir l'intégralité du sujet du 12h45 :

A Guarda (GR), le conseiller fédéral Ignazio Cassis a salué la pluralité de la Suisse et des Grisons, alors qu'accepter les modes de pensée divergents est un défi permanent. D'autant plus aujourd'hui dans un "monde moins harmonieux qu'il y a 40 ans".

"La fête nationale nous invite à renforcer nos liens, à faire preuve de solidarité, à penser à l'autre. Où que nous soyons en Suisse", a déclaré Ignazio Cassis selon la version écrite de son discours.

Il s'est souvenu des victimes des intempéries dans les Grisons, en Valais et au Tessin. "La sécurité et la paix sont des valeurs inestimables, que nous ne pouvons pas prendre pour acquises", a-t-il dit. "La nature reste plus forte que l'Homme."

A 06h00, dans le cadre du Festival des Aubes aux bains des Pâquis à Genève, des notes de cor des Alpes, jouées par Pascal Schaer, ont résonné et marqué le début des festivités du 1er Août.

>> Ecouter l'intégralité du reportage du 12h30 de la RTS :

Keystone - Salvatore Di Nolfi

"Un Etat de droit démocratique qui fonctionne est un grand acquis que nous devons défendre", a déclaré le conseiller fédéral Beat Jans jeudi matin lors d'un brunch à la ferme dans le Seeland bernois. Il s'adressait aux Suisses et Suissesses mais aussi aux immigrés et aux personnes qui se sont installées dans ce pays.

Quand il était jeune, Beat Jans considérait plutôt l'Etat de droit comme un problème. Mais tout a brusquement changé lorsque son colocataire a été arrêté et torturé en Haïti en raison de son engagement politique. Face à cette "injustice flagrante", il a réalisé que l'Etat de droit contribuait largement à notre liberté.

Pour le Bâlois, la liberté, les possibilités et les chances ne valent rien si l'on ne s'en sert pas. Il a appelé les quelque 500 personnes présentes à s'engager et à saisir et créer des chances. "Comme les anciens enfants placés. Ou comme les femmes, qui ont dû lutter trop longtemps pour leurs droits démocratiques".

La présidente de la Confédération a appelé jeudi les Suisses et les Suissesses à s'unir pour défendre la démocratie directe et les valeurs sur lesquelles repose le pays. "La polarisation n'est pas la solution aux problèmes d'aujourd'hui", a-t-elle déclaré dans son allocution télévisée du 1er Août.

Viola Amherd s'exprimait depuis le château de Stockalper, à Brigue (VS), un bâtiment qui a "traversé les siècles" grâce à des "fondations solides (...), mais aussi grâce à la population, qui s'est engagée sans relâche pour sa conservation et son entretien". Selon elle, "le parallèle avec notre pays va de soi".

"Sur un pied d'égalité"

La démocratie directe, instaurée il y a 150 ans avec la Constitution fédérale de 1874, "a elle aussi besoin de notre attention constante. Elle n'est pas seulement le fondement de notre pays, mais elle représente aussi une prouesse incroyable. Elle incarne les valeurs qui nous animent et qui modèlent notre pays", a-t-elle dit.

"Elle montre aussi notre volonté d'évoluer sur un pied d'égalité", a-t-elle ajouté. Selon elle, les Suisses se respectent mutuellement et savent trouver un "langage commun", même s'ils n'ont pas tous la même culture, ni la même langue.

"Et même lorsque les débats sont intenses et parfois houleux, personne n'est laissé de côté, car nous savons que nous poursuivons des objectifs communs", a ajouté la ministre de la Défense.

Altdorf a choisi ce 1er Août pour inaugurer son Chemin de Tell, une voie didactique de 1,5 kilomètre qui mène de la gare au centre du village et raconte comment Guillaume Tell a tué le bailli Gessler. Mais pas seulement. La région y est présentée et des jeux proposés. La commune d'Altdorf a réalisé le chemin à l'occasion du 125e anniversaire de la société de théâtre Tellspiel d'Altdorf. Le projet a été soutenu par des commerces d'Altdorf, par Uri Tourismus AG et par une contribution de la nouvelle politique régionale (NPR).

Albert Rösti n'a pas hésité à déclarer dans son allocution à Kesswil (TG): "Nous avons un excellent régime politique, je pense que c'est le meilleur du monde".

Le système suisse "nous donne autant de liberté et de participation que nulle part ailleurs dans le monde". Il est "à la base de notre grand succès et de notre grande prospérité". Il faut donc le traiter "avec précaution", d'après le ministre UDC bernois. Il devait aussi s'exprimer mercredi soir à Wilderswil (BE).

>> Ecouter aussi le reportage du 12h30 sur le véritable marathon d'Albert Roesti :

Keystone - Christian Merz

Elisabeth Baume-Schneider devait s'exprimer à Rorschach (SG). Toutefois, la fête y a été annulée à la dernière minute en raison de l'arrivée d'un orage. La ministre de l'Intérieur avait auparavant rencontré des représentants de plusieurs communes lors d'une réunion informelle. La socialiste jurassienne fera un discours jeudi à Saint-Pierre-de-Clages (VS).

A Lucerne, l'UDC Guy Parmelin n'a pas non plus mâché ses mots, en estimant que la Suisse n'a pas à se faire plus petite qu'elle ne l'est. "Notre pays ne doit pas avoir honte", a-t-il lancé à la foule qui a bravé le mauvais temps pour venir l'écouter.

Le Vaudois a articulé son discours autour de la fierté nationale et de la manière de l'afficher. "Est-il indécent de faire preuve de fierté nationale, la Suisse est-elle condamnée à la modestie en raison de sa taille modeste?", a-t-il demandé. Pour lui, la réponse est claire: la Suisse sait comment s'en sortir et "nous pouvons l'assumer avec confiance".

Les défis actuels ne peuvent être relevés qu'ensemble, a déclaré la présidente de la Confédération mercredi soir à l'occasion de la fête nationale à Möriken-Wildegg (AG). Pour Viola Amherd, la solution ne peut se trouver dans la polarisation.

"Nous parlons peut-être des langues différentes, mais nous ne nous ignorons pas", a déclaré la présidente de la Confédération, selon le texte de son discours. "Nous pouvons avoir des débats intenses et difficiles, mais tout le monde est impliqué", a-t-elle ajouté.

La démocratie a besoin de citoyennes et de citoyens qui la cultivent et qui y participent, a déclaré la Valaisanne. La démocratie confère à chacune et à chacun la responsabilité d'utiliser sa voix.

>> Voir aussi l'interview de la présidente de la Confédération dans le 19h30 :

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