Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a publié un arrêt dans lequel il donne raison à un client américain du Credit Suisse qui s’opposait à la transmission de ses données bancaires au fisc américain, dans le cadre de l'entraide administrative.
Aucun nom de client ne figurait dans la demande d'entraide américaine concernant Credit Suisse. Pour les juges du TAF, les critères de sélection d’un groupe de clients sont trop vagues.
En outre, le tribunal maintient que le fait de ne pas déclarer un compte ne constitue pas une fraude. Les personnes concernées sont tout au plus coupables de soustractions d'impôts. Et l'assistance administrative n'est pas admissible pour la seule évasion fiscale, selon la convention de double-imposition Suisse-Etats-Unis de 1996 qui cadre l'entraide administrative concernant Credit Suisse, rappelle le TAF dans son arrêt daté du 5 avril.
Les juges estiment que seul le comportement de certains collaborateurs de la banque peut être qualifié de frauduleux.
Impact possible sur d'autres clients
Cette décision pourrait constituer un précédent pour une trentaine de cas similaires ayant fait l'objet d'un recours, a indiqué le président du TAF Markus Metz au journal "Tagesschau" de la TV alémanique.
En revanche, ce jugement arrive trop tard pour les 150 clients détenant des titres américains dont les informations bancaires ont déjà été communiquées aux autorités américaines, a précisé mercredi le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI).
Impact aussi sur les négociations en cours
La Suisse va attirer l'attention des autorités américaines compétentes sur les points soulevés par le TAF, a déclaré par ailleurs le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales. Les Etats-Unis peuvent continuer à déposer des demandes groupées mais doivent préciser davantage leurs critères d'identification, estime le SFI.
A noter qu'avec le nouvel accord de double imposition (qui a reçu le feu vert du Parlement suisse en mars mais doit encore être ratifié côté américain), les demandes groupées concerneront non plus seulement les cas de fraude, mais aussi les cas de soustraction fiscale.
Ni l'Association suisse des banquiers (ASB) ni l'Association des banquiers privés suisses (ABPS), n'ont commenté le jugement. "La justice est indépendante", a rappelé Michel Dérobert, secrétaire général de l'ABPS.
Déjà vu avec UBS
Début 2010, le tribunal administratif avait déjà stoppé la livraison de données bancaires de clients américains d'UBS par manque de bases juridiques. Il l'avait ensuite autorisée après que le parlement a donné son aval en juin 2011 à un accord passé avec les Etats-Unis sur les comptes UBS.
Onze banques suisses sont poursuivies par la justice américaine pour avoir encouragé leurs clients à placer chez elles des fonds non déclarés.
ats/bri
Le milliardaire Olenicoff perd devant UBS
UBS obtient gain de cause contre le milliardaire Igor Olenicoff, agent immobilier américano-russe qui accusait la banque d'avoir mal administré sa fortune et d'avoir utilisé celle-ci pour mener des opérations illégales qui lui ont provoqué des ennuis avec le fisc américain.
Le fait que la banque a avoué avoir aidé des clients dans cette opération "ne donne pas droit à M.Olenicoff de poursuivre UBS pour cause de conseils frauduleux en matière fiscale", écrit le juge Andrew Guilford du tribunal de district californien de Santa Ana dans sa décision de non-entrée en matière rendue mardi. Le milliardaire lui-même avait reconnu avoir sciemment fraudé le fisc. L'affaire devait passer devant le tribunal dans un mois. UBS se déclare satisfaite.
Igor Olenicoff était le premier gros poisson des autorités américaines. Son affaire a mené au différend fiscal entre la Suisse et les Etats-Unis, qui s'est soldé par la livraison de 4450 dossiers de présumés fraudeurs du fisc. Elle a aussi conduit la justice américaine à son témoin phare contre UBS, l'ancien conseiller Bradley Birkenfeld.
"Des pratiques très douteuses"
Le jugement du Tribunal administratif fédéral (TAF) montre que Credit Suisse (CS) avait manifestement "des pratiques très douteuses" pour gagner des clients, estime le professeur de droit st-gallois Rainer J. Schweizer sur les ondes de la radio publique alémanique DRS.
Les autorités américaines ont déposé une demande beaucoup trop générale, ajoute-t-il. Elle concernait non seulement des auteurs de soustraction fiscale, mais aussi, "comme le TAF le reconnaît enfin", des contribuables ayant utilisé certaines lacunes des lois fiscales américaines.