Xstrata, au coeur d'une polémique après décret de l'état d'urgence au Pérou à la suite de la mort de deux manifestants qui protestaient contre le groupe minier, accusé de pollution (lire Des manifestations contre le groupe minier suisse Xstrata font 2 morts au Pérou), n'en est pas à sa première controverse. L'entreprise, qui doit être rachetée au troisième trimestre par Glencore, partage avec l'empire du négoce les critiques. Le point sur les accusations auxquelles sont confrontées les deux entreprises zougoises.
Xstrata, critiquée du Pérou à l'Australie
Pérou: Depuis huit jours, des manifestants font entendre leur voix contre Xstrata, accusant le groupe zougois de polluer deux rivières. Les autorités régionales d'Espinar réclament une étude environnementale. Lundi, l'état d'urgence a été décrété dans le sud-est du pays après des heurts avec la police qui ont fait deux morts et des blessés.
Suisse: Le 1er mai 2012, une trentaine d'activistes manifestent à Zoug en marge de l'assemblée générale du groupe. Les protestations portent sur des atteintes à l'environnement et aux droits humains au Pérou et en Colombie.
En octobre 2011, près d'une centaine de personnes montent au créneau devant les sièges de Xstrata et de Glencore pour les appeler à mieux respecter les droits des populations locales et l'environnement. Le cortège comprend des représentants d'associations locales d'Argentine, du Pérou et de Colombie. Ces derniers accusent Glencore et Xstrata d'être installés à Zoug "pour optimiser leurs impôts. Ils font des profits dans le tiers-monde sur le dos de l'environnement et des populations locales" (pour en savoir plus sur le thème des questions fiscales, voir le reportage ci-contre réalisé par Temps Présent en 2006).
Australie: Fin mars 2012, des organisations de défense de l'environnement, dont Friends ot the Earth, sont déboutées par la justice australienne. Elles réclament l'interdiction d'un projet de mine à ciel ouvert par Xstrata, faisant valoir que le projet va provoquer des dégâts irréversibles sur les lieux les plus célèbres du Queensland, tels que la Grande barrière de corail ou les forêts tropicales, en participant au réchauffement climatique.
Afrique du Sud: En octobre 2011, le groupe minier zougois, qui emploie environ 6400 salariés en Afrique du Sud, voit ses activités charbon et alliage perturbées par une grève contre le plan de participation en actions proposé aux salariés. Les manifestants dénoncent notamment "le maintien de l'apartheid salarial voire son aggravation".
Chili: En mai 2010, quelque 3000 salariés d'entreprises sous-traitantes de la mine de cuivre de Collahuasi, l'une des plus grandes au monde, bloquent l'accès au site, géré par Xstrata et l'anglo-sud-africain Anglo American. Les grévistes exigent de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. La grève dure 33 jours avant d'aboutir à un accord sur les salaires et les conditions de travail.
Glencore, épinglée de la RDC à la Colombie
Suisse: Le 9 mai 2012, des actions de protestation se déroulent en marge de la première assemblée générale de Glencore. Les critiques à l'encontre du géant des matières premières visent le manque de transparence, la fraude fiscale, les atteintes aux droits humains et à l'environnement. Les manifestants réclament que Glencore publie le détail des résultats fiscaux pour chaque pays où elle opère. Selon les activistes, plus de 70% des sites de production de l'entreprise zougoise sont localisés en RDC, en Colombie, au Kazakhstan et en Guinée équatoriale, soit des régions particulièrement touchées par "la corruption et les conflits".
Le 8 décembre 2011, à l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme du 10 décembre, Chantal Peyer, de l'ONG Pain pour le prochain, lance un appel dans Le Temps pour que les entreprises suisses officiant à l'étranger soient responsables des abus commis par leurs filiales. Elle épingle notamment Glencore, dénonçant une pollution de cours d'eau avec de l'acide sulfurique, des licenciements abusifs ou encore des complicités dans des violences policières en République démocratique du Congo. Elle évoque aussi une atteinte à la santé de riverains des mines du groupe zougois en Zambie.
République démocratique du Congo: Le 15 avril 2012, la RTS et la BBC révèlent que la plus grande entreprise de Suisse a acheté du minerai de cuivre extrait par des enfants dans une de ses concessions en République démocratique du Congo (lire Le géant minier suisse Glencore lié au travail des enfants en RDC).
De leur côté, Pain pour le prochain et Action de Carême énumèrent leurs accusations: "rachat de minerais extraits par des enfants de moins de 17 ans dans des conditions déplorables, pollution massive des cours d'eau, dialogue lacunaire, voire inexistant, avec les communautés affectées ou encore des stratégies d'optimisation fiscale qui font perdre des millions de dollars au fisc congolais."
Confronté à ces accusations, le PDG de Glencore, Ivan Glasenberg, accorde une interview exclusive à la RTS et à la BBC, contestant en bloc. La société zougoise tient par ailleurs à souligner ses contributions envers le pays, assurant qu'elle y aura investi d'ici fin 2012 3,3 milliards de dollars et créé 10'000 emplois dans le secteur minier.
Le 10 mars 2011, Action de Carême et Pain pour le prochain dénoncent Glencore pour son activité minière dans l'ex-Zaïre. Les deux ONG dénoncent un "pillage des ressources". Glencore conteste ces accusations et parle de "graves inexactitudes".
La réponse de Glencore
En septembre 2011, Glencore a répondu à la plupart de ces critiques en publiant un rapport de plus de 100 pages. La société basée à Baar y détaille ses engagements en matière de durabilité dans ses différentes activités à travers le monde.
Nathalie Hof (avec l'ats)
Xstrata et Glencore, une histoire commune
Glencore et Xstrata, qui doivent fusionner au 3e trimestre, sont souvent accusées de polluer l'environnement, de violer les droits humains, de faire travailler des enfants, de procéder à des expropriations forcées, de frauder le fisc, de manquer de transparence encore de faire appel à des milices armées pour protéger leurs sites.
Xstrata et Glencore sont toutes deux des entreprises issues de l'empire du financier zougois d'origine belge Marc Rich.
Au départ, à sa création en 1974, le géant des matières premières Glencore s'appelait Marc Rich & Co. Il était spécialisé dans le négoce de pétrole brut, de métaux et de minéraux. Il a changé de raison sociale en 1994, quand l'homme d'affaires a cédé la majorité du capital aux cadres du groupe, devenant Glencore.
En 1990, Marc Rich & Co. acquiert une part de 53% dans Südelektra, alors société de participations active dans les infrastructures électriques en Amérique du Sud. Dès 1994, Südelektra met le cap vers les matières premières en prenant des parts dans des sites de production en Afrique du Sud, en Australie et aux Amériques. En 1999, Südelektra prend la raison sociale de Xstrata.
Pour la petite histoire et pour mémoire, Marc Rich, qui est aujourd'hui âgé de 76 ans, avait fui les Etats-Unis en 1983 pour se réfugier en Suisse. Il était poursuivi pour fraude et évasion fiscales d'un montant de 48 milliards de dollars. Il a été grâcié en 2001 par Bill Clinton, ce qui fera grand bruit outre-Atlantique du fait que l'ex-épouse de l'insaisissable milliardaire a donné un million de dollars au Parti démocrate de Bill Clinton peu auparavant.
Marc Rich vit aujourd'hui sur les rives du lac des Quatre Cantons. Avec la fondation qu'il a créée, il soutient de nombreuses institutions locales. Le magazine Forbes estime sa fortune à un milliard de dollars.
Glencore et Xstrata en quelques chiffres
49 milliards de francs: l'évaluation du montant de la reprise de Xstrata par Glencore si elle venait à se concrétiser. Elle est prévue au 3e trimestre 2012.
90 milliards de dollars: le poids de la nouvelle entité en Bourse. Elle sera baptisée Glencore Xstrata.
209 milliards de dollars: le chiffre d'affaires combiné de Glencore et Xstrata.
55'000: le nombre de personnes qu'emploie Glencore dans ses exploitations industrielles dans 13 pays.
2800: le nombre d'employés administratifs de Glencore dans ses 50 filiales dispersées dans plus de 40 pays.
130'000: le nombre d'employés cumulé des deux entités.
Les accusations en bref
Glencore et Xstrata, qui doivent fusionner au 3e trimestre, sont souvent accusées de polluer l'environnement, de violer les droits humains, de faire travailler des enfants, de procéder à des expropriations forcées, de frauder le fisc, de manquer de transparence encore de faire appel à des milices armées pour protéger leurs sites.
Les ONG qui dénoncent Glencore et Xstrata
La Déclaration de Berne
Amnesty International
Pain pour le prochain
Action de Carême
Friends of the Earth
Société pour les peuples menacés
Multiwatch
Groupe de travail Suisse-Colombie
Les Alternatifs/Les Verts
Swissaid
Greenpeace
Ethos
Global Witness