Modifié

"C'est scandaleux de venir espionner les gens chez eux"

Berne veut surtout fixer un cadre juridique général à la surveillance des assurés. [Fotolia]
Les assurances devraient pouvoir recourir à des détectives privés / Le Journal du matin / 5 min. / le 8 novembre 2016
Alors que la Confédération planche dans l'urgence sur une base juridique pour l'utilisation de détectives privés par les assureurs, la RTS a recueilli le témoignage d'une Romande qui se dit victime de la traque aux fraudeurs.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné récemment un assureur suisse à verser une réparation de 8000 francs pour tort moral à une femme suivie par un détective, pour tort moral. Cet arrêt a convaincu la Confédération de combler au plus vite le vide juridique et de légiférer pour mieux encadrer la surveillance des assurés.

>> Lire : Les assurances devraient pouvoir recourir à des détectives privés

Détective dépêché à domicile

Aujourd'hui au chômage, une femme témoigne anonymement de sa mésaventure. Elle se plaint d'avoir perdu son travail à cause des méthodes intrusives d'un détective privé. Mandaté par son employeur alors qu'elle était en congé maladie, il est venu vérifier - dans son appartement et en se faisant passer pour un client - si elle ne continuait pas à exercer une petite activité parallèle de voyance tout en touchant l'assurance perte de gain.

Cette Romande a pris un avocat pour se défendre. Elle dénonce - avec son soutien - la méthode utilisée par le détective et estime que son licenciement était en conséquence illégal. "Mon avocat prétend que oui, que ce n'est pas recevable devant un tribunal. Je trouve que c'est quand même scandaleux de venir espionner les gens chez eux", affirme-t-elle.

Une profession sans encadrement

Les enquêteurs sérieux sont les premiers à le dire: leur profession souffre d'un manque d'encadrement légal. "Aujourd'hui, telle que la législation existe, vous pouvez sortir du pénitencier à 10h00 et vous annoncer comme détective privé à 11h00. Personne ne vous l'empêche en Suisse, sauf dans certains cantons", note Léonard Bruchez, patron d'une agence établie à Monthey.

Le détective fait allusion aux cantons de Genève et de Neuchâtel, qui exigent un minimum de preuves d'honorabilité des détectives. Mais cela reste insatisfaisant selon lui, car "cela ne vous donne pas une formation."

Des formations "attrape-gogo"

Léonard Bruchez dit se battre depuis 2005 pour une reconnaissance officielle de sa profession. En vain jusqu'ici: "Actuellement, les formations qui sont dispensées en Suisse, c'est des attrape-gogos en quelque sorte, qui ne forment pas des détectives privés mais qui forment des chômeurs", constate Léonard Bruchez. "Il y a environ 500 détectives privés et si vous regardez un peu plus précisément au niveau fiscal, vous en avez à peu près 200-250 en Suisse qui gagnent leur vie exclusivement dans cette profession."

En l'état, la Confédération veut surtout fixer un cadre juridique général à la surveillance des assurés. Une commission parlementaire va d'ailleurs en discuter mardi. Il s'agit de définir à quelles conditions les assurances peuvent recourir à des enquêteurs privés en cas de soupçon d'abus et non pas, pour l'instant, de faire le ménage au sein de la profession.

Ludovic Rocchi/oang

Publié Modifié