L'action concertée du Conseil fédéral, de la Banque nationale
suisse (BNS) et de la Commission fédérale des banques (CFB)
constitue un séisme, tant ces derniers ont répété à l'envi que les
principaux établissements helvétiques étaient suffisamment
capitalisés. La Confédération débourse 6 milliards de francs dans
l'UBS en souscrivant l'intégralité d'une augmentation de capital en
obligations convertibles rémunérées à un taux de 12,5%.
Trop importante pour une faillite
La BNS prévoit de reprendre dans un fonds de défaisance créé à
cet effet, le StabFund, jusqu'à 60 milliards de dollars (68
milliards de francs) d'actifs toxiques. Toutefois, à l'issue du
premier semestre 2009, la banque enferrée dans la crise du crédit
et qui vient de présenter une perte record abyssale de plus de 20
milliards de francs en 2008, annonce finalement avoir transféré
38,7 milliards de dollars d'actifs illiquides à la BNS.
Inédit de par son ampleur, le sauvetage de l'UBS mené par le
Conseil fédéral reflète le poids du géant bancaire sur l'économie
suisse: il est trop grand pour faire faillite, «too big to fail»,
comme disent les Américains. Le groupe bancaire emploie pas moins
de 25'000 personnes en Suisse, finance quelque 70'000 entreprises
et détient 20% de l'épargne du pays!
Quelle contrepartie?
Contrairement à l'UBS, le Credit
Suisse ne veut pas traîner le boulet d'une aide de l'Etat. La
deuxième banque helvétique, nettement moins touchée par la crise du
crédit que sa voisine, va de son côté recourir à des capitaux du
Qatar. Car, avec le plan de sauvetage, les politiciens veulent
imposer des règles strictes en matière de salaires, de bonus, de
fonds propres, voire pour certains, démembrer l'UBS.
Cet élan réglementaire est en phase avec la colère de l'opinion
publique. Pour bon nombre de gens, le sauvetage de l'établissement
représente la parfaite illustration de la socialisation des pertes
et la privatisation des profits. L'Etat doit effacer les errements
de managers à 24 millions de francs de salaire annuel.
Déboires aux USA
Mais l'UBS n'est pas pour autant tirée d'affaire, puisque
l'établissement se voit bientôt rattrapé par les conséquences de sa
chasse effrénée aux clients fortunés aux Etats-Unis. Les autorités
fiscales américaines ont désormais la banque en ligne de mire et ne
vont pas tarder à lancer des procédures pénales et civiles contre
l'établissement qu'elles accusent de complicité et d'encouragement
à la fraude.
Toujours dans le rouge, avec une perte de 1,975 milliard de francs
au premier trimestre 2009, l'UBS se doit aussi de retrouver la
confiance de ses clients, qui continuent inexorablement de lui
retirer leurs fonds. D'autant plus que les autorités américaines
font monter la pression sur l'établissement.
Pressions et remaniements
Les sorties nettes de capitaux, qui ont atteint 14,9 milliards
de francs entre janvier et mars 2009, après avoir culminé à 85,8
milliards pour les trois derniers mois de 2008, vont se hisser à
39,4 milliards au deuxième trimestre. Dans un tel contexte, les
têtes tombent. A commencer par celle du directeur général, Marcel
Rohner, dont le départ est annoncé fin février.
Pour lui succéder, le conseil d'administration appelle le très
expérimenté Oswald Grübel, qui a auparavant redressé le Credit
Suisse. Une semaine plus tard, l'éphémère président du conseil
d'administration, Peter Kurer annonce quitter le navire pour la
mi-avril, à peine un an après avoir pris la présidence de l'organe
de surveillance. L'ex-juriste en chef de l'UBS, dont la crédibilité
se trouve entamée dans l'affaire de fraude fiscale aux Etats-Unis,
cède son fauteuil présidentiel à l'ancien conseiller fédéral Kaspar
Villiger.
ats/os
Gains de 1,2 milliard pour la Confédération
La Confédération a tiré profit du sauvetage de l'UBS, pour le moins de sa participation dans l'établissement. En revendant en août ses actions, l'Etat a réalisé un gain net de 1,2 milliard de francs. Mais les actifs toxiques demeurent dans le fonds que la BNS a créé à cet effet.
Dans les faits, les intérêts versés par l'UBS en échange de l'aide reçue ont compensé la moins-value que l'Etat a subi en vendant les actions du numéro un bancaire helvétique. L'ensemble des montants encaissés s'est chiffré à 7,28 milliards de francs, à comparer avec les 6 milliards initialement engagés.
L'Etat a trouvé des acheteurs pour son paquet de 332,2 millions d'actions (9% du capital de l'UBS), à 16,50 francs l'unité. La vente du paquet d'actions a donc permis d'encaisser 5,48 milliards de francs environ. D'où une moins-value d'environ 500'000 francs par rapport aux 6 milliards investis par l'Etat lors de la concrétisation du plan de sauvetage.
Par contre, la Confédération s'est rattrapée en revendant les coupons de l'emprunt à l'UBS, pour 1,8 milliard de francs. Ce montant constitue une forme d'indemnisation de la part de la banque, sous forme d'intérêts, en l'échange de l'aide apportée par l'Etat central.
Evoquant il y deux semaines ce désengagement, Oswald Grübel, le patron de l'UBS, connu pour son humour souvent grinçant, a déclaré: «La banque est stabilisée et la Suisse a gagné 2% de son budget».
Quant aux titres pourris rassemblés dans le fonds de la Banque nationale suisse, l'UBS souhaiterait désormais en racheter une partie, au moins. Mais l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) s'y oppose, estimant que l'UBS pourrait une nouvelle fois se retrouver en situation délicate.
Les sacrifices des employés de l'UBS
Embourbée dans la crise du crédit, l'UBS a fortement réduit son effectif. Dans le cadre de ces mesures, l'établissement a toutefois mis en oeuvre des modèles
visant à réduire le nombre de licenciements consécutifs au plan de réduction de l'effectif de 2500 postes annoncé en avril.
Pas moins de 1500 collaborateurs ont opté pour ces alternatives. La grande majorité des salariés concernés ont décidé de réduire leur taux d'activité, entre 10 et 20%. Des équipes entières ont aussi diminué leur temps de travail par solidarité.
Ce programme baptisé Timeflex prévoit aussi des vacances non payées, des possibilités de partage de temps de travail ainsi que des formes de retraite partielle.
Jusqu'en septembre, Timeflex a permis de supprimer une centaine d'emplois sans licenciements, selon l'UBS. Reste que cette solution ne trouve pas grâce auprès des syndicats. Ceux-ci jugent trop élevé la suppression de 2500 postes en Suisse, sur un total de 8700 emplois à biffer dans le monde.
A fin juin, l'UBS employait 71'806 collaborateurs, 4400 de moins que trois mois auparavant. Et d'ici l'an prochain, l'effectif total devrait encore se réduire de 10'000 emplois. Un plan social a été prévu.