Les risques techniques, commerciaux et surtout financiers du
projet ne sont pas supportables sans «la participation ferme de la
Confédération ni un engagement clair des CFF», selon le
gouvernement des Grisons. La décision d'abandonner le projet a été
prise par l'exécutif cantonal, la région de Surselva et la commune
de Tujetsch.
«Porta Alpina restera une vision», écrit le gouvernement dans un
communiqué publié en allemand et en français. «Peut-être, lorsque
l'exploitation du tunnel de base du Gothard aura permis d'acquérir
suffisamment d'expérience, une des générations suivantes pourra-t
elle réinsuffler vie à cette vision», ajoute-t-il.
Les réticences de Berne
Le Conseil fédéral s'est toujours montré réticent face au projet
visionnaire d'une gare souterraine dans le tunnel de base du
Gothard. Le scepticisme régnait aussi au sein du Parlement et de la
délégation de surveillance des NLFA.
En mai dernier, le Conseil fédéral avait refusé de se prononcer
sur le financement des travaux de Porta Alpina et reporté sa
décision à 2012. Pour lui, trop de questions restent ouvertes
concernant les coûts et l'exploitation. Cela repoussait de trois
ans l'ouverture de la gare souterraine et renchérissait
considérablement le projet.
Rapport critique des CFF
Début septembre, les CFF ont enlevé tout espoir aux autorités
grisonnes en leur démontrant dans un ultime rapport que même un
concept de desserte minimale de Porta Alpina limitait
l'exploitation du tunnel de base et n'était pas rentable. De plus,
la compagnie demandait qu'on l'indemnise pour les coûts des trains
supplémentaires, soit quelque 9 millions de francs par an.
Les CFF, et leur ex-patron Benedikt Weibel en tête, n'ont jamais
caché leur scepticisme face à l'idée de Porta Alpina. Ils avaient
fait opposition au projet, tout comme AlpTransit et sept
organisations écologistes. Dans un communiqué, les CFF saluent la
décision du gouvernement grison. L'abandon du projet «est une
contribution à l'efficacité des infrastructures ferroviaires en
Suisse et du trafic marchandises à travers les Alpes».
ats/jab
Une histoire d'ascenseur
La réalisation du projet était estimée à quelque 50 millions de francs, dont 20 millions auraient été à la charge du canton des Grisons.
Ce projet aurait dû acheminer les passagers de la gare souterraine de Sedrun par un ascenseur de 800 mètres de haut.
Compte tenu du report de la décision du Conseil fédéral à 2012 sur la faisabilité du projet, le canton s'attendait à ce que les coûts prennent aussi l'ascenseur.
Un projet vieux de 60 ans
L'idée de Porta Alpina date de 1947. C'est l'ingénieur et planificateur des transports bâlois Eduard Gruner (1905-1984) qui a lancé l'idée de Porta Alpina. Il a dessiné les plans d'une telle gare souterraine en 1947 déjà.
Sous sa forme actuelle, le projet est en discussion depuis 2000.
Les investissements préliminaires de 15 millions de francs (dont 7,5 à la charge de la Confédération) ne sont pas perdus, a affirmé jeudi le conseiller d'Etat grison Stefan Engler. Il garde l'espoir qu'«une des générations futures pourra réinsuffler vie à cette vision, peut-être même avec un concept plus ambitieux».
«La Suisse n'est apparemment pas prête pour un tel projet phare, innovatif et futuriste», a indiqué l'association de soutien «Visiun Porta Alpina», qui compte quelque 400 membres. «Le contexte politique actuel n'a pas permis qu'il devienne réalité».