Pendant longtemps les riches ont fui la ville, sa pollution, son trafic. Depuis dix ans, ils réinvestissent des quartiers entiers. Du coup, les loyers augmentent et contraignent les habitants historiques issus des classes populaires à l’exil. A Lausanne, à Genève, des quartiers entiers vivent cette métamorphose silencieuse. A quoi ressembleront nos villes dans dix ans? A des zones résidentielles pour riches pendant que les plus pauvres s’exileront à la périphérie?
Le phénomène date du tournant du siècle. Après s’être dépeuplées, les villes de Suisse ont vu arriver de nouveaux habitants par milliers. Parmi eux, ceux qu’on appelle les bobos, pour « bourgeois-bohème ». Ils ont une bonne formation, des moyens, votent à gauche et assurent goûter la mixité sociale.
Mais leur arrivée dans certains quartiers n’est pas sans conséquences. Certes, les immeubles sont réhabilités, mais les loyers augmentent, chassant les habitants traditionnels. Les commerces changent : le café de quartier devient bar branché, l’épicerie, dépôt de produits bio. Ce qui attirait les bobos, la mixité sociale, pourrait donc paradoxalement disparaître faisant des villes des zones résidentielles mortes.
A Lausanne, où les promoteurs ont flairé cette nouvelle tendance, des quartiers entiers ont changé de statut et d’ambiance, comme le démontre une récente étude dont Temps Présent livre pour la première fois les résultats. A Genève, le même phénomène est à l’oeuvre.
A l’exception de Zurich, les villes suisses, désespérément en recherche de bons contribuables, n’ont pas vraiment réagi à ce phénomène. A Berlin, les responsables politiques ne cachent pas qu’ils font la cour à cette nouvelle espèce d’habitants. Non sans rencontrer une certaine résistance : au nom d’un droit à la ville, les habitants traditionnels des quartiers en voie de "boboisation" résistent aux expulsions. Et si cette guerre pour l’espace vital urbain contaminait la Suisse ?
Rediffusion le vendredi 10 mai 2013 à 0h50 et le lundi 13 mai 2013 à 15h55 sur RTS Deux.
Générique
Un reportage de Cédric Louis et Michel Zendali
Image: Jeanne Gerster, Son: Philippe Combes, Montage: Jean-Michel Laubli