L’Évangile sur les ondes : 100 ans de cultes radiophoniques (1923-2023)

Grand Format Cultes radio

Archives cantonales vaudoises - Edipresse/Jean-Pierre Grisel

Introduction

Dès les balbutiements de la radio dans les années 1920, des pasteurs se sont intéressés à ce nouveau média, rapidement perçu comme un moyen pour faire rayonner l’Évangile. C’est ainsi qu’il y a 100 ans, le 18 mai 1923, le premier culte est diffusé sur les ondes romandes, une pratique qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. L’histoire des cultes radiodiffusés est particulièrement riche. Elle s’inscrit dans celle de la radio elle-même, des premières expérimentations à la création et à l’évolution de la Société suisse de radiodiffusion (SSR). Elle témoigne des particularités techniques, sociales et culturelles de ce média strictement sonore auquel le culte s’est adapté. Cette histoire révèle aussi les rapports ambigus qu’entretient l’Église avec les nouveaux moyens de communication, outils d’évangélisation ou menaces pour la tradition. Enfin, les cultes radiodiffusés sont une porte d’entrée pour étudier l’œcuménisme, les relations entre les différentes Églises cantonales ainsi que les rapports qu’entretiennent les Églises avec une institution de service public tout au long du 20e siècle.

Chapitre 1
Allo le ciel, ici Cointrin! Le premier culte radiophonique de Suisse

Musée Suisse de la Communication - Walter Studer

L’histoire des cultes radiophoniques en Suisse romande est aussi longue que celle de la radio! Les premiers sont inaugurés le 18 mai 1923 par le pasteur genevois Raoul Dardel. Quant à la seconde, elle commence sept mois plus tôt, avec l’entrée en service du premier émetteur du pays, au lieu-dit du Champ-de-l'Air, dans les hauts de Lausanne.

Prévu pour assurer la communication avec les avions, l’émetteur est tout de suite utilisé à d’autres fins: lors de son inauguration - et sans autorisation - un concert est retransmis sur les ondes helvétiques. Cette surprise est organisée par Roland Pièce. Il fait partie de la poignée de radioamateurs qui se livrent à diverses expériences et forment des clubs dès le début des années 1920.

La Maison de la radio à Genève en 1923, sur la piste de Cointrin. [Archives RTS - Photo Helios]
La Maison de la radio à Genève en 1923, sur la piste de Cointrin. [Archives RTS - Photo Helios]

Or, en 1923, le pasteur Raoul Dardel est le président de la section genevoise du Radio Club Suisse. Quand un émetteur est installé dans son canton, il n’attend pas pour se saisir du micro du studio construit sur la piste de l’aérodrome de Cointrin. Sa profession explique ensuite le choix de transmettre un culte. D’une durée d’une quarantaine de minutes, il comprend la lecture de la Bible, des prières et un sermon. "Tout sauf les chants ", se rappelle en 1956 le pasteur dans l’hebdomadaire La Vie protestante où il témoigne de son émotion :

Les mots semblaient m’échapper par le miracle de cette grosse boîte sensible qu’on appelait déjà un micro, et qui allait porter la bonne nouvelle

Pasteur Raoul Dardel, article de La vie protestante

Au contraire du concert fomenté par Roland Pièce, l’expérience se déroule dans le cadre de la loi: les autorités ont donné leur feu vert aux essais radiophoniques pour de l’information et du divertissement en janvier 1923. Elle fait d’ailleurs partie d’une série d’émissions expérimentales diffusées durant le printemps.

Cette incursion de l’Évangile à la radio se renouvelle début 1924 pour devenir régulière. Le culte donné le 13 janvier par le pasteur Jules Amiguet au Champ-de-l'Air – avec cette fois-ci chants et harmonium – signe la présence dominicale de l’Église au studio vaudois. A Genève, le culte entre définitivement au programme en 1925.

Annonce dans Le Radio du 12 janvier 1924. [RTS]
Annonce dans Le Radio du 12 janvier 1924. [RTS]

Il n’existe pas d’enregistrements sonores de ces premiers cultes radiodiffusés, ni même de réelles traces dans les archives. Ce court entretien de Raoul Dardel dans La vie protestante, publié moins d’une année avant sa mort, ainsi que l’annonce du culte de Jules Amiguet dans le journal Le Radio constituent par conséquent des documents précieux.

Chapitre 2
L'Eglise à la SSR: des causeries radiophoniques au culte télévisé

Archives de la Radio Télévision Suisse, fonds Actualité Suisse Lausanne.

Dès la création de la Société suisse de radiodiffusion (SSR) en 1931, le religieux y a sa place. La diffusion de cultes figure parmi les émissions admises par la concession, ce qui fait des Églises nationales les seules organisations nommées dans le texte qui encadre la jeune SSR. Toutefois, les pasteurs qui se saisissent du micro et qui apparaissent ensuite sur les écrans romands ne sont pas employés par le service public: les institutions religieuses versent les salaires.

En terres romandes, Radio-Genève et Radio-Lausanne cohabitent jusqu’à la réorganisation institutionnelle de la SSR de 1964. Dès lors, le centre romand unique de la nouvelle Radio Suisse Romande (RSR) est attribué à la capitale vaudoise alors que la Télévision Suisse Romande (TSR) reste le pré carré des studios de Genève, qui la produisent dès ses débuts en 1954.

SSR Radio [RTS]
SSR Radio [RTS]

Le plus ancien culte radiophonique dont il reste une archive sonore est célébré le 10 septembre 1939, quelques jours après l'invasion de la Pologne par la Wehrmacht et l'annonce de la mobilisation en Suisse. Le pasteur André Bovon et le capitaine aumônier Gagnebin s’adressent aux soldats suisses: l’heure est au patriotisme.

Soldats suisses mobilisés à Genève, 1939. [Keystone]Keystone
Emission sans nom - Publié le 10 septembre 1939

Le 1er février 1938, le pasteur Lavanchy donne une causerie religieuse durant laquelle il médite sur ses visites dominicales à une vieille dame. Cet extrait est la trace sonore la plus ancienne de la présence de l’Église sur les ondes romandes et signale aussi la diversité des formats consacrés au religieux à la jeune SSR.

La première émission de radio diffusée en direct de Suisse
Emission sans nom - Publié le 1 février 1938

Pasteurs des ondes

Le pasteur Philippe Zeissig. Photo publiée dans le Semeur Vaudois, 6 février 1965
Le pasteur Philippe Zeissig. Photo publiée dans le Semeur Vaudois, 6 février 1965

Le pasteur Philippe Zeissig a passé dix ans à la tête des émissions protestantes à la radio. En 1971, il a ces mots quand un journaliste lui demande quelle est sa conception du ministère radio:

"Aucune! Je n’ai aucune conception théorique de ce ministère qui est un ministère non seulement pour les gens d’Église mais pour l’ensemble de ceux qui font de la radio. J’ai simplement une idée très grande mais très vague de la responsabilité de tous ceux qui sont, à un certain moment, cette voix de la radio, cette compagne de l’homme moderne qui peut être de bonne ou de moins bonne compagnie. La radio est (...) là pour ménager les rencontres les plus inattendues, les plus imprévues, entre un homme et un mot." La Vie protestante, 25 juin 1971.

Ce "ministère radio" inclut la production des cultes et d’émissions. A partir des années 1940, il y a l’Actualité protestante et son pendant catholique qui sont l’occasion de réflexions, d’entretiens ou de reportages. En novembre 1964, le pasteur Robert Stahler prend la parole pour la 228e et dernière édition. Il revient sur son parcours et prend congé de la radio. Désormais responsable des émissions protestantes à la télévision, il se consacre au petit écran.

Le pasteur Robert Stahler en 1964 [RTS]RTS
Emission sans nom - Publié le 22 novembre 1964

Le rôle de la presse

L’Église est présente à la TSR dès 1954 avec des méditations diffusées sous le nom C’est demain dimanche. Suivent les programmes Présence protestante et Présence catholique qui existent, sous d’autres noms, jusqu’aux années 1980. Le 15 mai 1966, l’une d’entre elles est consacrée au rôle de la presse religieuse: un autre média qu’investissent historiquement les Églises.

Une presse religieuse,  pour quoi faire ?
Présence protestante - Publié le 15 mai 1966

Un culte télévisé pour les malentendants

Le culte trouve également sa place à la télévision, ce qui donne lieu à des expériences originales. Le 2 septembre 1979, une cérémonie conçue par et pour des personnes malentendantes met à profit les possibilités qu’offre l’image télévisuelle: le texte de la prédication apparaît à l’écran et une mise en scène colorée et expressive donne la faveur à la vue plus qu’à l’ouïe.

Culte pour sourds et malentendants
Culte - Publié le 2 septembre 1979

Chapitre 3
Rendre le culte radiophonique

Archives cantonales vaudoises

Dans son rapport à l’Église réformée vaudoise de 1954, le pasteur Eugène Ferrari fait part des difficultés propres à la radiodiffusion des cultes. Le responsable des activités protestantes à Radio-Lausanne soulève l’impression de longueur qui se dégage des cérémonies et remarque que "le chant des fidèles fait parfois un piètre effet ". Il importe de trouver une "liturgie plus adéquate aux ondes", résume-t-il. Là est en effet l’enjeu de la diffusion exclusivement sonore d’une pratique qui repose historiquement sur la présence en un lieu d’une communauté incarnée et sur une scénographie spécifique. Si, sur place, chanter ensemble a plus de valeur que chanter bien, la radio préfère quand les notes sonnent juste.

Rapport Presse-Radio au Conseil synodal de l’Église nationale vaudoise, 10 mai 1954
Rapport Presse-Radio au Conseil synodal de l’Église nationale vaudoise, 10 mai 1954

Cet extrait du culte des Unions chrétiennes de jeunes gens et jeunes filles du 2 mai 1940 illustre certains problèmes des radiodiffusions. Les chants sont en décalage avec l’orgue et la voix du prédicateur n’est pas des plus agréables.

Membres des Unions chrétiennes de jeunes gens chantant lors d'un culte à St-Prex en 1958 [RTS]RTS
Emission sans nom - Publié le 2 mai 1940

Les chants éprouvés des Diaconesses de la communauté de Saint-Loup, installée à Pompaples dans le canton de Vaud, conviennent aux ondes, comme l’atteste un culte radiodiffusé qui consacre quatre d’entre elles le 20 juin 1962.

Le chant des diaconesses de Saint-Loup, 1954. [RTS]RTS
Culte - Publié le 20 juin 1962

Le culte radiodiffusé fait dès lors apparaître une tension entre, d’une part, le désir de tirer parti de ce canal qui permet de toucher un nombre inédit de personnes et, d’autre part, le respect de la tradition. En 1952, Jean-Pierre Méroz, directeur de Radio-Lausanne, regrette que les représentants religieux ne prennent pas en compte "son immense auditoire invisible " et ajoute que "prières, chants, prédication, tout devrait être conçu en fonction de cette pensée: saisir et retenir l’attention des auditeurs ". Malgré des réticences dans les rangs de l’Église, où certains jugent inadmissible d’adapter les coutumes aux moyens de communication modernes, les pasteurs passionnés œuvrent dans ce sens.

Culte radiodiffusé transmis du temple du Mont-sur-Lausanne avec le prédicateur Éric Junod. [Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC. - J.-C. Gadmer]
Culte radiodiffusé transmis du temple du Mont-sur-Lausanne avec le prédicateur Éric Junod. [Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC. - J.-C. Gadmer]

Au début de la décennie 1960, des essais sont réalisés à la paroisse d’Orbe. La durée de la cérémonie est réduite à 50 minutes; les paroissiennes et paroissiens préparent minutieusement les cantiques; les organistes et leurs instruments sont de qualité supérieure; le lieu bénéficie d’une bonne acoustique et le pasteur P. A. Jaccard a la prestance vocale désirée. Comme le dit Philippe Zeissig en 1963, "il s’agit d’un véritable ministère collectif " qui offre "la qualité de présence d’une assemblée dominicale ". Ce point est crucial. Dix ans plus tard, il fait l’unanimité lors d’une séance de travail entre représentants protestants, représentants catholiques et ceux de la RSR. Tous sont d’accord pour dire que les cultes en direct valent mieux que ceux enregistrés en studio. Ils notent au passage les défauts du culte télévisé: "Revenant à la transmission des cultes et messes, chacun est d’avis que rien ne remplace le direct. La Radio nous introduit réellement au cœur de l’évènement. La TV paraît beaucoup moins apte à cette retransmission. Il est toujours gênant de voir sur un écran un fidèle recueilli filmé à l’improviste. L'image nous montre qu’on n’y est pas."

Chapitre 4
Les auditeurs et auditrices : cette “paroisse silencieuse”

Musée Suisse de la Communication - Walter Studer

Les auditeurs et auditrices sont au cœur des préoccupations des producteurs des cultes radiophoniques. Cette "paroisse silencieuse" comme l’appelle le pasteur Daniel Grivel, à la tête des émissions radio protestantes à partir de 1972, est immense: diffusé par ondes moyennes, le culte dominical parvient à toute la Suisse romande, à la Suisse alémanique du Sud, ainsi qu’à des régions limitrophes en France et en Autriche. Dès les débuts du média, des ecclésiastiques perçoivent ce potentiel: "L’Église sème par ce moyen moderne " lit-on dans un rapport de l’Église réformée vaudoise de 1932. Mais à qui exactement est destiné ce "travail de conquête évangélique" ?

Culte protestant avec le journaliste Henri Kunzler et l’ingénieur son Jean-Claude Renou, [Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC, © J.-C. Gadmer]
Culte protestant avec le journaliste Henri Kunzler et l’ingénieur son Jean-Claude Renou, [Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC, © J.-C. Gadmer]

Les pasteurs qui officient derrière le micro donnent des identités plurielles à ces "invisibles". Il y a celles et ceux qui ne peuvent pas se rendre à la paroisse: les personnes âgées, isolées, malades ou porteuses d’un handicap. Mais le culte radiophonique est aussi conçu pour toucher au-delà du cercle des fidèles. On espère qu’il capte l’attention d’un indifférent, qu’il intéresse la jeunesse – on passe du jazz –, qu’il suscite une méditation chez un catholique dont le poste est resté allumé après la diffusion de la messe… En 1993, Henri Künzler, alors producteur des cultes radiophoniques, souligne aussi leur capacité à "toucher des oreilles non-initiées" et conclut qu’ils ne doivent pas sembler concerner les pratiquants seulement.

Les cultes: une success story

Les multiples lettres que reçoit le service radio protestant donnent un indice du succès des cultes qui sont longtemps l’une des émissions les plus écoutées en Suisse romande. Au tournant des années 1970, ce sont 25’000 demandes de retranscription des prédications qui lui parviennent par année! Les sermons des "vedettes" de la radio, comme Philippe Zeissig ou Henri Babel, sont particulièrement appréciés et peuvent atteindre plus de 1'000 demandes à elles seules. Le 31 mars 1991, Philippe Zeissig raconte sa vie au micro de la journaliste Marie-Claude Leburgue, une occasion de revenir sur sa longue expérience à la radio.

Courrier reçu par le pasteur Henri Babel suite à une série de cultes donnés à Genève, février 1986. [Archives d'Etat de Genève]Archives d'Etat de Genève
Carnets de vie - Publié le 31 mars 1991

Les dangers des médias

Le succès de ces cérémonies "à distance" est aussi perçu comme un danger: elles risquent de vider les Églises. C’est l’inquiétude des pasteurs hostiles à leur retransmission. Dans la presse religieuse, on accuse les douillets qui favorisent le confort de leur fauteuil aux "bancs durs" des Églises. Même Philippe Zeissig est préoccupé: "Primitivement destiné aux fidèles empêchés de se rendre dans leur paroisse, le culte à la radio semble être devenu pour beaucoup un oreiller de paresse, qui dispense les gens de se déplacer...".

Le danger des médias de masse, caricature La vie protestante du 4 avril 1969 [Revue La vie protestante]
Le danger des médias de masse, caricature La vie protestante du 4 avril 1969 [Revue La vie protestante]

En janvier 1973, le magazine Temps présent consacre un documentaire au Centre social protestant de Genève On découvre que ses bénévoles y ont l’habitude d’écouter le culte ensemble, comme le montre cet extrait. On constate cependant qu’il ne s’agit pas d’une cérémonie radiodiffusée mais bien enregistrée sur un disque: un autre support médiatique du culte, donc !

Moment de prière collective au Centre social protestant de Genève, 1973. [RTS]
Temps présent - Publié le 11 janvier 1973

Chapitre 5
Oecuménisme et relations religieuses intercantonales

Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC

De la part de fidèles et de pasteurs, le voeu est fréquemment renouvelé d'une décentralisation

Rapport presse et radio d'Eugène Ferrari au Conseil synodal, 10 mai 1954

Les cultes radiodiffusés apportent visibilité et prestige aux pasteurs qui officient. Or, pendant longtemps, ils sont le pré carré d’une poignée de paroisses à Lausanne et Genève, ce qui suscite des protestations des autres villes de Suisse romande. Au début des années 1950, un premier assouplissement est acquis: des services religieux sont retransmis hors des deux villes pendant la période estivale. Une autre solution figure dans ce rapport de 1954: inviter des pasteurs à prêcher à Lausanne.

Eugène Ferrari, Au Conseil synodal, Rapport presse et radio, 10 mai 1954.
Eugène Ferrari, Au Conseil synodal, Rapport presse et radio, 10 mai 1954.

Le développement technique et la nécessité politique d’une plus grande décentralisation permettent par la suite une meilleure équité entre les régions. Les cultes sont progressivement célébrés ailleurs dans le canton de Vaud ainsi que dans le canton du Jura et de Neuchâtel, comme l’atteste cette cérémonie célébrée à Bôle (NE) en mai 1974 et retransmise sur les ondes de la RSR.

Appareil d'enregistrement du son. [Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC]Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC
Emission sans nom - Publié le 10 mars 1974

Dialogue oecuménique

Le devoir de respect de la pluralité religieuse par la SSR soulève également la question de la juste répartition des célébrations entre les deux grandes confessions du pays, catholique et protestante. Historiquement marquées par un antagonisme entre elles, les Églises suisses s'ouvrent progressivement à l’œcuménisme dès le début des années 1950. La radio et la télévision jouent un rôle actif dans le développement de ce dialogue de manière durable.

Au tournant des années 1950, bien que les rencontres se multiplient entre les confessions catholique et protestante, la cohabitation reste encore distante. En 1948, le culte présente l'œcuménisme comme un concept en vogue, une "tentation" à appréhender avec méfiance.

Tourne-disque et appareil à bandes. [Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC.]Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, fonds CIRIC.
Emission sans nom - Publié le 13 février 1948

Le 11 juillet 1965, ce culte inaugure les bâtiments du nouveau Conseil œcuménique des Églises au Grand-Saconnex. Cette dédicace à la chapelle de l'organisation veut symboliser l’engagement des 209 Églises au sein du mouvement œcuménique.

Chapelle du Conseil oecuménique des Eglises à Genève, 1966 [RTS]RTS
Emission sans nom - Publié le 11 juillet 1965

La collaboration entre les équipes des émissions religieuses

La camaraderie qu’entretient l’abbé et responsable des émissions catholiques Jacques Haas avec le personnel de la radio suscite une certaine réserve chez ses homologues protestants, comme en témoigne en 1954 le rapport d’Eugène Ferrari, déjà cité plus haut : "Tutoyant les uns, cordialement protecteur avec les autres, il se fait appeler 'collaborateur de la Radio' et emploie une camaraderie flatteuse ou familière à fortifier sa position". Les collaborations officielles entre les deux Églises se poursuivent néanmoins avec le lancement en 1955 de l’émission de télévision Présence, en alternance catholique et protestante.

Le 2 décembre 1964, le journaliste Jo Excoffier reçoit trois producteurs des émissions religieuses de la TSR, le pasteur Robert Stahler, Monseigneur Jacques Haas et le curé Léon Gauthier. Ensemble, ils évoquent les 10 ans de relations entre l’audiovisuel et les Églises chrétiennes et leur rapport avec les médias de masse.

10 ans d'émissions religieuses
Actualités - Publié le 2 décembre 1964

Pour André Kolly, directeur du Centre Catholique de Radio et de Télévision de 1988 à 2009, l’œcuménisme radiophonique devient progressivement une seconde nature. Outre les célébrations œcuméniques retransmises sur les ondes et les écrans romands, plusieurs émissions sont produites en étroite collaboration entre catholiques et protestants. La Minute œcuménique, chronique radiophonique quotidienne née de l’Exposition Nationale de 1964, connaît un grand succès. Encore aujourd’hui, la Chronique de RTS religion offre chaque matin une contribution religieuse quotidienne dans la matinale de La Première.

Equipe oecuménique de la RTS, novembre 2004.
Equipe oecuménique de la RTS, novembre 2004.

En 1976, le directeur de la RSR Bernard Nicod marque une nouvelle étape en fusionnant les quarts d’heure protestants et catholiques dans un magazine œcuménique unique, Sur la Terre comme au ciel. Cette collaboration se poursuit toujours aujourd’hui sur les ondes avec Babel  et Hautes Fréquences, des émissions de décryptage spirituel et religieux de la société. Plus récemment, la transition numérique de RTS religion renforce ces choix éditoriaux communs autour de la nomination d’un producteur unique pour les émissions catholiques et protestantes.

RTSReligion [RTS]RTS
La Matinale - Publié le 9 septembre 2020

Chapitre 6
Mutation de la place du religieux et virage numérique

RTS

Il n’est pas étonnant que le culte radiodiffusé ait une histoire qui commence avec celle de la radio: dans les années 1920, la société helvétique est profondément christianisée. En 1933, la musique domine les ondes, occupant près de deux tiers du temps de diffusion de l’émetteur de Sottens. La musique dite "sérieuse" bénéficie de 23 heures par mois en moyenne, soit environ deux heures de moins que la musique "légère". Les radio-orchestres occupent aussi une place de choix avec une moyenne de 18 heures. Les services religieux ne sont toutefois pas à plaindre: avec 8 heures mensuelles, ils arrivent derrière les actualités mais avant les pièces radiophoniques ou les reportages. Par ailleurs, dans les années 1950, bien que l’espace occupé par les émissions religieuses sur les ondes diminue, leur temps d’antenne ne fait qu'augmenter.

Pourtant, au fur et à mesure que la Suisse se sécularise, la place du religieux sur les ondes du service public est remise en question. A la fin des années 1980, des discussions à l’interne de la RSR témoignent de crispations. Les producteurs des émissions religieuses se font interpeller: "Etes-vous des professionnels de la SSR ou des gens d'Église qui font passer leur marché par le média ?". Ces derniers se défendent: ils respectent le mandat qui leur est confié, font preuve d’esprit d’ouverture et collaborent avec les autres producteurs. Quant aux cultes, ils demeurent extrêmement populaires. Mais leur statut prend néanmoins un coup quand ils sont déplacés sur la 2e chaîne. Ils restent néanmoins l’une des émissions les plus écoutées sur Espace 2 à ce jour.

Culte radio à Saint-Légier-la Chiesaz, 2018. [RTS]
Culte radio à Saint-Légier-la Chiesaz, 2018. [RTS]

A l'heure où les fanatismes sèment la peur, la violence et la haine, la mise à disposition d'une information nuancée et crédible sur le religieux doit être une priorité absolue.

Pétition contre la suppression de magazines produits par RTSreligion

En 2015, affaiblie par la menace de la votation sur la suppression de la redevance, No Billag, la SSR prévoit l’arrêt de trois magazines produits par RTS religion. L’annonce suscite l’indignation: une pétition est signée par 25’000 personnes. Celle-ci a légitimé le partenariat éditorial autour des émissions religieuses et a été d’un grand soutien pour les équipes mais n’a pas fait reculer la RTS dans ses décisions d’économie. Elle a toutefois contribué à les réorienter. L’année suivante, une réduction drastique des messes et des cultes télévisés est proposée afin de maintenir la production des magazines.

En 2020, les structures Cath-Info et Médias-Pro présentent leur projet de transition numérique. Cette stratégie consiste à dynamiser l’offre digitale de RTS religion par la création d’un département spécifique et la mise en place de plusieurs actions : renforcer la présence de la structure sur les réseaux sociaux et diffuser du contenu radio-TV ainsi que des créations originales sur le web.

Site Réformés.ch
Forum - Publié le 4 septembre 2017