Rendre justice
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10 novembre 1978
En questions
Pour Casamayor, magistrat et écrivain, auteur de nombreux essais sur le système judiciaire, il faut retrouver le sens originel du mot "justice". La justice, c'est le droit à l'éducation, c'est le droit de gagner sa vie convenablement, c'est le droit d'être défendu, c'est le droit d'avoir une retraite suffisante.
Quant aux institutions judiciaires, elles doivent être dépoussiérées, débarrassées de leur archaïsmes, de leurs rigidités, de leur sacralisation, pour être rendue aux citoyens. Des citoyens qui dès lors ne la craindraient plus et pourraient s'adresser à elles non en toute confiance ("on ne peut pas faire confiance à une institution") mais en toute lucidité et en toute connaissance de cause.
C'est le but, en 1978, de ce livre, La Justice, comme des nombreux autres essais publiés depuis 1953.
Raymond Foex, procureur de la République et Canton de Genève, et Bernard Bertossa, juge au tribunal de première instance du même canton, se livrent ensuite au jeu des questions et réponses.
(Source photo: TSR 1982)
Nom de plume de Serge Fuster, magistrat français né à Alger en 1911, Casamayor est l’auteur de 25 livres et de nombreuses chroniques dans Le Monde et dans la revue Esprit, pour la plupart des essais sur la justice mais aussi sur les relations complexes qui s’établissent entre le citoyen et les institutions, qu’elles soient judiciaires, policières, politiques ou sociales.
De Où sont les coupables ? (1953) à L’Avenir commence hier (1986) en passant par L’Art de trahir (1972) ou La Tolérance (1975), les livres de Casamayor ont marqué ses contemporains, parmi lesquels Albert Béguin ou Henri Guillemin, par sa liberté de ton, la finesse de ses analyses et le courage de ses remises en question. Loin de vouloir détruire une institution à laquelle il appartient et qui le passionne, il désigne plutôt qu’il ne dénonce, il redéfinit plutôt qu’il ne démonte, traçant des pistes d’avenir qui ne seront pas toutes suivies, loin s’en faut.
Ses cibles ? Les archaïsmes de la justice française, ses relations troubles avec le pouvoir et les médias, l’idôlatrie mal placée dont elle se pare pour effrayer le citoyen et le soumettre, ses réflexes de justice de classe dont elle ne parvient pas à se défaire.
Ses armes ? Une série d’essais dans un style à la fois limpide et teinté d’humour, une critique sévère, venue de l’intérieur, des déviances institutionnelles, un certain optimisme teinté de fatalisme quant à l’application des solutions et évolutions qu’il propose.
Son but ? Non pas redonner au citoyen non sa confiance en la justice (« On ne peut pas faire confiance à une institution ») mais l’éclairer sur son fonctionnement, ses travers et ses dangers, partant de l’idée qu’un homme (un justiciable) averti en vaut deux.
Partant de son sujet de prédilection mais l’élargissant logiquement vu les connexions intimes et parfois cachées de la justice avec l’ensemble de la société, Casamayor (pseudonyme évoquant la « grande maison », et donc dans une certaine mesure la Cité) se fera au cours de ses écrits sociologue, philosophe, géopoliticien et même historien (Nuremberg, la guerre en procès, 1985) ou romancier (Désobéissance, 1968).
Une illustration de la a pensée multiple de ce « démaquilleur de la justice » – ainsi que le surnomma Le Monde le jour de son décès en 1988 – qui écrivait entre autres : « Il est plus grave de décourager la jeunesse que de forcer le coffre d’une banque. »