Lectures érotiques

Pauvert à la TSR 1981 [TSR 1981]
  • Littérature étrangère
  • Audio 56 min.

21 septembre 1983

Profil

Jean-Jacques Pauvert, au micro de Madeleine Caboche, parle de son Anthologie historique des lectures érotiques. Avant tout éditeur, Pauvert s'est ensuite affirmé comme écrivain, publiant plusieurs livres sur le sujet des littératures licencieuses, dont une magistrale biographie du Marquis de Sade. Son anthologie en 5 volumes retrace toute l'histoire des textes qui ont été perçus à l'époque de leur écriture comme érotiques ou amoraux.

(Source photo: TSR)

Le tumultueux éditeur Jean-Jacques Pauvert a tiré sa révérence le 27 septembre 2014. Né en 1926, éditeur atypique, à la fois révolutionnaire et précoce, il restera dans les mémoires comme le premier vrai éditeur des œuvres du Marquis de Sade, ce qui lui vaudra un interminable procès.

Monté à Paris en 1942 à l’âge de 16 ans, poussé par son écrivain et journaliste de père lassé de ses frasques scolaires, le cancre se retrouve vendeur à la librairie Gallimard du boulevard Raspail. Il y croise Camus, Sartre, Genet, Montherlant…

En 1945, il fonde le Palimugre (mot obscur sorti de son imagination abreuvée de surréalisme), à la fois librairie et maison d’édition, qui deviendra par la suite les éditions Jean-Jacques Pauvert, puis les éditions Pauvert tout court. Son premier texte publié est l’étude de Sartre sur Camus, qui n’avait été publié qu’en revue. D’autres découvertes ou redécouvertes suivront: Jean Genet, Montherlant, Georges Bataille, et surtout André Breton, qui le l’orientera vers les délices de la littérature dite érotique. Pauvert a du goût (et du flair) pour la nouvelle littérature qui se fait jour après-guerre, mais aussi pour les auteurs injustement oubliés ou honnis. C’est ainsi qu’à 21 ans, en 1947, il se lance dans l’éditions des œuvres complètes du Marquis de Sade, jusque là interdites et échangées sous le manteau dans des éditions luxueuses ou illustrées. Il réédite aussi Boris Vian, qui n’avait connu que peu de succès dans ses premières éditions.

Découvreur de talents, il révélera des auteurs qui connaîtront – ou non – le succès, tels qu’Albertine Sarrazin, Françoise Lefèvre, Brigitte Lozerec’h ou Jean Carrière, qui lui apportera en 1972 un Goncourt salvateur avec L’Epervier de Maheux (1972). Car marchant sur la corde raide, Jean-Jacques Pauvert a sans cesse alterné les succès et les échecs: les critiques et les librairies boudent son édition de Sade, et le roman de Pauline Réage Histoire d’O, qui lui avait été transmis par Jean Paulhan en 1953, est éreinté par la critique et sera un retentissant échec commercial. Mais apprécié et reconnu par le monde de l’édition pour ses talents de découvreur, il multipliera les coéditions, et œuvrera en  tant que directeur de collection chez d’autres éditeurs. On lui doit aussi la quasi invention du livre de poche avec sa collection « Libertés », en format 9/18, au graphisme signé Jacques Darche ou Pierre Faucheux.

Au long de sa carrière, Pauvert aura réussi l’exploit de repenser les modes d’édition, de révéler de nouvelles plumes, de faire reculer la censure et de faire redécouvrir nombre d’auteurs qui sans lui dormiraient encore dans les rayonnages des bibliothèques. Un éditeur engagé ? De son point de vue, non : « Nous n’avons pas envie de nous engager, nous n’avons pas l’esprit de sacrifice, Nous n’avons pas le respect des cadavres. Nous voulons vivre. Est-ce si difficile ? » écrit-il dans une manifeste alors qu’il a 19 ans. Reste que son combat contre la censure et pour la liberté d’expression restera un exemple pour les générations futures d’éditeurs.

Editeur, Pauvert sait aussi se faire aussi auteur en signant entre autres une monumentale biographie du Marquis de Sade, Sade vivant (Laffont), une Anthologie historique des lectures érotiques (Stock) ou encore La Traversée du livre, son autobiographie (Viviane Hamy).

L’Horloge de sable évoque cette figure atypique du monde de l’édition à travers des documents où l’on retrouve sa verve, sa vision originale – et autodidacte – de l’édition, et où l’on découvre que sa réputation sulfureuse n’est en fait que le reflet de son combat pour la liberté éditoriale. Mais une liberté qui ne saurait se passer d’une haute qualité littéraire, habillée à chaque fois d’une présentation recherchée et riche en couleurs.