La vie est belle : Cinquante titres vendus sur la playlist
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28 avril 2010
Vie est belle
Intéressons-nous aux radios qui passent à longueur de journée les mêmes chansons navrantes, un modèle évidemment américain, un modèle évidemment ultralibéral. Jusqu'à la fin des années 80, aux USA, une seule personne ne pouvait pas posséder plus de 7 radios. En 1996, après une libéralisation totale qui a donc pris quelques années, un groupe basé au Texas, du nom de Clear Channel, s'est imposé comme le leader de la radio au States avec 1200 stations.1200 stations qui appartiennent aux mêmes affairistes, bonjour le symbole en matière d'homogénéisation des programmes radiophoniques. Certains vont même jusqu'à parler de « macdonaldisation » et certains vont même jusqu'à penser que c'est encore vachement trop faible.Concrètement, la méthode Clear Channel consiste à optimiser les concepts de « playlist » et de « syndication ». La « syndication », c'est le fait de fourguer le même programme via satellite sur des dizaines de stations à travers tout le pays. La « playlist », c'est cette liste de quelques dizaines de morceaux que les radios jouent en boucle 24 heures sur 24.Qu'il soit à Las Vegas ou à Miami, l'auditeur se tape les mêmes morceaux dans le même ordre avec quelques décrochages locaux et le tour est joué. Le tour est aussi joué et bien joué en matière de marketing politique puisque les talk-shows de commentateurs ultra-républicains, diffusés sur plusieurs centaines de radios possédées par Clear Channel, auraient largement favorisé la double élection de George W. Bush en 2000 et en 2004.Pour en revenir aux playlists, depuis des décennies mais surtout depuis le début des années 90, les labels musicaux basés aux Etats-Unis financent en douce des intermédiaires pour qu'ils paient le passage de leurs artistes dans les programmes des radios en syndication. C'était l'époque où seul un passage en radio, ou sur MTV pouvait faire vendre un disque, ce qui peut faire sourire aujourd'hui'Reste que pendant toutes ces années, les quatre principales majors truquaient les hit-parades pendant que Clear Channel remplissait ses caisses. Un système de pots-de-vin généralisé qui a valu des amendes de millions de dollars aux majors et qui a sans doute précipité quelques restructurations.Clear Channel, menacé de poursuites anticoncurrencielles, a dû vendre quelques centaines de radios et se scinder en trois groupes : Clear Channel Outdoor qui possède près d'un million de panneaux publicitaires dans 66 pays, Clear Channel Communications qui fait encore la pluie et le beau temps sur 900 radios aux Etats-Unis et Live Nation. Live Nation, le fameux promoteur de spectacles qui s'occupe désormais de la carrière de Jay-Z et de U2. Pour ce qui est de la diversité artistique et de la promotion d'artistes anticonformistes voire contestataires, on vous laisse imaginer ce qu'en pense la famille texane qui surveille les évolutions boursières des entités « Clear Channel » cotées à Wall Street.