L'afflux de la main-d'oeuvre étrangère en Suisse
Entamée dans les 50, la croissance économique de la Suisse s'est poursuivie sans fléchir durant les années soixante et au début des années 70. Pour assurer la main-d'œuvre nécessaire à cette économie florissante, le pays a recruté des travailleurs étrangers en Italie d'abord puis en Espagne, les dotant de différents statuts ou permis de séjour sans se préoccuper d'une quelconque politique d'intégration. Peu à peu, le nombre des immigrés a atteint un chiffre record – pratiquement 1 million sur 6 millions d'habitants en 1970 – jusqu'à susciter le terme de «surpopulation étrangère» et provoquer le malaise d'une partie des Suisses qui se sentent menacés dans leur identité nationale. L'étranger, devenu indispensable dans divers secteurs économiques, est ainsi prêt à endosser le rôle de bouc émissaire et à être rendu responsable des problèmes qui accablent ce pays prospère: manque de logements, pollution, puis surchauffe économique.
Dès le début des années 1960, la Confédération, peu armée pour mener une politique économique efficace, tente de réagir au moyen d'arrêtés urgents pour limiter le nombre d'immigrés dans le pays. Sans grand succès.
Les initiatives Schwarzenbach
A la même époque émergent des courants xénophobes en Suisse: en 1961, «l'Action nationale contre l'emprise étrangère du peuple et de la patrie» est fondée à Zurich. Le Parti des Démocrates suisses lance en 1965 une initiative pour limiter la population étrangère à 10%. Le gouvernement prend de nouvelles mesures pour freiner l'immigration: cette initiative est alors retirée en mars 1968. L'Union syndicale suisse demande un plafonnement de l'immigration.
La population étrangère continue cependant d'augmenter et atteint 16%. Une deuxième initiative est déposée. L'initiative « Schwarzenbach » – du nom de son instigateur James Schwarzenbach, président des Démocrates suisses – est soutenue par 70'000 signatures et intitulée «contre l'emprise étrangère». Ce projet de loi est plus restrictif que le précédent et exige une proportion d'étrangers qui ne doit pas dépasser 10% dans tous les cantons (à l'exception de Genève).
Face aux graves conséquences économiques en cas d'approbation de l'initiative soutenue par l'opinion publique, l'Office fédéral des arts et métiers (OFIAMT) propose un compromis, des mesures qui vont dans le sens d'un plafonnement global de l'effectif des étrangers.
Lors de la votation populaire du 7 juin 1970, le taux de participation des citoyens atteint le record de 74% et l'initiative Schwarzenbach est rejetée par 54% des votants. Cette initiative malgré son échec ne reste cependant pas sans incidence sur la politique d'immigration suisse: le principe des quotas d'immigration est mis en œuvre. Cependant du fait du regroupement familial, la population étrangère ne cesse d'augmenter pour atteindre 18% en 1973.
En novembre 1972, une troisième initiative «contre l'emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse» a été déposée par l'Action nationale, elle demande la réduction du nombre d'étrangers à 500'000 avant la fin de 1977. Le Conseil fédéral essaie de convaincre l'opinion publique du danger de l'initiative.
Cependant en 1974 intervient le choc pétrolier, Italiens et Espagnols commencent à regagner leur pays. Le 20 octobre 1974, la troisième initiative est balayée par 65,8% des votants.
Ces initiatives ont cependant marqué durablement la politique d'immigration de la Suisse: la thématique de la surpopulation étrangère est restée ancrée dans la réalité suisse. Trois autres initiatives xénophobes suivront en 1977, 1988 et 2000. Toutes seront refusées mais elles ont fait apparaître la nécessité d'une politique des étrangers et surgir dans les années 80 des initiatives solidaires.