En 1983, la Télévision suisse romande revient sur les événements de septembre 1970, en proposant à l'écran Le ciel et le feu. Zarka, un film du réalisateur Roger Burckhardt, coproduit avec Telfrance et réalisé sur un scénario de Denise Gouverneur.
Le plus grand détournement aérien de l'histoire
Cette reconstitution relate le détournement le 6 septembre 1970 du vol Zurich-New York de la compagnie Swissair, perpétré par des militants du Front de libération de la Palestine (FPLP), et suivi par l'atterrissage forcé de deux autres appareils, américain et britannique, dans le désert de Zarka en Jordanie. Les terroristes qui après ces actions retiennent près de 500 otages dans le désert exigent la libération de Palestiniens détenus à Kloten et à Munich. Ils feront exploser les 3 avions vides et relâcheront par vagues les passagers.
Un docu-fiction: le journal d'un otage
Inspiré du livre Haïfa de Walter Jost, un des passagers de l'avion suisse, le film présente la vie des otages, leurs contacts avec les Palestiniens, les négociations avec le gouvernement suisse par l'intermédiaire du CICR avec, en toile de fond, la guerre entre les Palestiniens et l'armée jordanienne. Ce docu-fiction présente l’événement du point du vue de Walter Jost.
Avant même sa sortie, le film suscite des réactions du Département politique de la Confédération qui réclame - en vain - un droit de regard.
Sur le plateau de Temps présent, le débat
Lors de sa présentation à la télévision, un débat mené par Jean-Philippe Rapp fait suite à la diffusion du film afin de rétablir l’équilibre des points de vue et en éclairer le contexte.
Y participent les ex-otages Walter Jost et deux hôtesses de l’air du vol Swissair, l'ancien président de la Confédération Pierre Graber chef du Département politique au moment des faits et des représentants du CICR qui ont oeuvré pour dénouer le drame: le délégué Michel Barde, Jean-Pierre Hocké, directeur des opérations et l’ancien vice-président du CICR Jacques Freymond qui participa aux négociations. La journaliste française du Nouvel Observateur spécialiste du Proche-Orient Josette Alia et Gaston Nicole journaliste à la TSR complètent le plateau.
Un film caricatural
A l’exception des ex-otages qui estiment que la fiction relate fidèlement ce qu’ils ont vécu, les invités s’entendent pour critiquer le parti pris de subjectivité de la reconstitution. Ils estiment que l’absence d’une mise en perspective politique nuit à une véritable compréhension des événements et confine à la propagande.
Ainsi Pierre Graber affirme vivement son déplaisir et dénonce l’aspect anecdotique et caricatural du film. L’ancien président de la Confédération fustige également la manière dont le CICR est présenté dans le film, malmené et impuissant.
Pesant les vies en jeu, le Conseil fédéral a pris très vite la décision d'accéder aux exigences des terroristes palestiniens - à tel point d'ailleurs que certaines voix se sont élevées en Suisse contre "une capitulation" alors que d'autres pays allaient être impliqués. La décision prise, un contact devait être établi avec le FPLP: c'est là que le Comité international de la Croix-Rouge joua un rôle fondamental.
"Le CICR seul pouvait nouer des relations avec terroristes ce que le gouvernement ne pouvait pas faire", selon les mots de Pierre Graber.
Le rôle du CICR dans la négociation
Tout au long de la crise, subissant une énorme pression sur le terrain, le CICR est aux côtés des otages pour fournir ravitaillement, soins et réconfort. A la demande du gouvernement suisse les représentants de l'institution poursuivent à différents niveaux des négociations avec les autorités jordaniennes, le Fatah de Yasser Arafat et Abu Maher représentant du FPLP. Le CICR exige la libération de tous les passagers des avions sans discrimination.
Ce débat (disponible en intégrale dans le lien ci-dessous), permet donc aux acteurs et témoins de l’époque de revenir sur les négociations avec les terroristes du FPLP et sur le climat politique tendu au Proche-Orient où ce coup d'éclat marque le début du "Septembre noir".
André Rochat
Absent dans ce débat, un témoin pourtant essentiel du plus grand détournement aérien du monde André Rochat. Délégué général du CICR pour le Moyen-Orient, Rochat prit une part active aux négociations avec les terroristes palestiniens pour mettre un terme à la crise de Zarka.
Estimant qu'il fallait avant tout négocier la libération des femmes et des enfants en échange de Palestiniens détenus en Israël, André Rochat dût se plier aux instructions du CICR qui cherchait à éviter toute discrimination entre les otages.
André Rochat fut rappelé et en 1971 le CICR se sépara de lui avant de le réhabiliter et de lui remettre une médaille en 2008.
Septembre noir
En 1970 des affrontements interviennent entre l'armée jordanienne et la résistance palestinienne qui avait fait du royaume hachémite sa principale base après la Guerre des Six-Jours contre Israël en 1967. Les fedayin palestiniens qui s'étaient donné pour mission la lutte contre l'Etat hébreu tentent de renverser le roi Hussein de Jordanie considéré comme un traître pour avoir accepté le plan Rogers prônant un cessez-le-feu avec Israël.
Le 17 septembre 1970 c'est le Septembre noir des Palestiniens: une escalade de la violence à l'issue de laquelle les fedayin et l'OLP de Yasser Arafat seront évincés de Jordanie et trouveront refuge au Liban.