Après la sécession de sa province du Biafra, la jeune république du Nigeria issue d'une récente décolonisation lui impose une guerre et un blocus, affamant la population. Le drame humain qui se joue alors, marquera profondément l’opinion.
Cette crise suscite l’émergence d’un nouvel engagement humanitaire caractérisé par une forte médiatisation – avec des images terribles de population mourant de faim - l'interpellation de l'opinion publique et des appels à la générosité, l'intervention d’organisations d'entraide sur le terrain aux côtés du CICR et surtout la résurgence de l’idée d’ingérence humanitaire.
La médiatisation du drame
En 1968, une année après le début du conflit, les opinions publiques sont largement informées de la situation de la guerre. La réalité de la famine montrée par les images de la télévision ou relatée par la radio – ici grâce au travail du journaliste Jean Martel – pèsera lourd dans les consciences.
L'appel à la générosité
Les Suisses romands, frappés par les images du conflit, se mobilisent pour soutenir les victimes de la guerre au Biafra. Des collectes ont lieu partout dans le pays.
Les interventions sur le terrain
Au Biafra, nombre d'organisations non gouvernementales - principalement catholiques - interviennent sur le terrain aux côtés du CICR. En décembre 1968, Auguste Lindt, délégué du CICR pour le Biafra interviewé avant un nouveau départ en mission, se félicite de la collaboration avec les ONG.
La dénonciation politique
Si le CICR, pour préserver sa neutralité et la possibilité d'intervenir sur le terrain partout dans le monde, s'interdit de dénoncer les exactions commises, le fondateur de Terre des Hommes Edmond Kaiser n'hésite pas à parler de «camp d'extermination par la faim» où sont réunis «de semi-cadavres». Une dénonciation brutale de la réalité humanitaire sur le terrain. Les accusations de génocide formulées plus tard contre le Nigeria seront pourtant abandonnées.
Le droit d'ingérence humanitaire
L'aide humanitaire pour chacune des deux parties belligérantes au Biafra est liée à des enjeux militaires et stratégiques, aussi l'action d'urgence menée par le CICR au Biafra finit par se heurter au gouvernement nigérian qui abat un avion du pont aérien instauré par la Croix-Rouge. Le CICR est contraint de diminuer son engagement sur le terrain.
A la suite de la guerre du Biafra, ressurgit la notion d'ingérence humanitaire. Théorisée par le philosophe français Jean-François Revel en 1979, le droit d'ingérence est appliqué au champ de l'humanitaire: certaines urgences peuvent justifier la violation de la souveraineté d'un Etat dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale comme l'ONU.
Si le devoir d'ingérence, à portée morale, n'est guère contesté, la notion - juridique elle - du droit d'ingérence demeure un concept flou: le point de vue de Jean-Christophe Rufin, vice-président de Médecins sans frontières et de Paul Grossrieder, directeur adjoint des opérations au CICR en 1992.
La guerre du Biafra, avec plus d'un million de victimes, a constitué un défi humanitaire d'une ampleur telle qu'elle a conduit à des réformes du CICR et à la création de nouvelles organisations comme Médecins sans frontières ou Médecins du monde. Elle a aussi amené d'autres acteurs comme les Etats et leurs armées sur le champ humanitaire.
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