Le 16 avril 1942, Arthur Bloch, un Juif bernois exerçant la profession de marchand de bétail, se rend à la foire de Payerne. A midi, les bêtes qu'il a acquises durant la matinée attendent toujours d'être réclamées. Le soir venu, la famille du marchand commence sérieusement à s'inquiéter. Arthur Bloch a disparu.
Les soupçons de la police de Payerne se tournent rapidement vers un groupe de jeunes gens qui professent ouvertement leurs sympathies nazies. On connaît leur chef, Fernand Ischi, qui travaille dans le garage familial. Jusqu'ici, on n'avait pas véritablement pris au sérieux ce groupe d'agités qui se réunit dans les arrière-salles des cafés, s'entraîne au tir dans la forêt et se fait prendre en photo avec les insignes nazis.
L'enquête va confirmer cette piste. Fernand Ischi et sa bande passent aux aveux. Le jour de la foire, ils ont entraîné Arthur Bloch dans un guet-apens. Le malheureux a été tué par balles avant d'être dépecé. Dispersé dans des "boilles" à lait, son corps a été ensuite jeté dans le lac de Neuchâtel.
Au terme de leur procès, qui se tient un an plus tard, Ischi et ses hommes sont condamnés à de lourdes peines de prison. Perpétuité pour lui et deux de ses comparses, vingt et quinze ans pour les deux autres. Un deuxième procès s'ouvrira en 1947: celui de Philippe Lugrin, considéré comme le commanditaire du crime. Cet ancien pasteur converti au national-socialisme était un des animateurs principaux de la section vaudoise du Mouvement national. Professant une haine virulente contre les Juifs, il organisait des conférences auxquelles Ischi et sa bande ont assisté. L'homme, qui avait fui en Allemagne après le crime, sera condamné à vingt ans de réclusion.
A la télévision
En 1973, la SSR propose pour la première fois une série d'émissions historiques consacrées à la Suisse durant la période 1933-1945. Sous le titre La Suisse et la guerre, ces documentaires réalisés par l'historien Werner Rings seront diffusés dans les trois régions linguististiques. L'un d'entre eux revient sur le crime de Payerne.
Un fait d'histoire
Le crime de Payerne n'est pas un simple fait divers. Pour en comprendre la dimension politique, il faut revenir sur la période historique précédant la deuxième guerre mondiale. Dans les années trente en Suisse, on assiste en effet à l'émergence de courants idéologiques d'extrême-droite, influencés par le fascisme et le national-socialisme qui se développent en Europe. Parmi leurs ennemis, ces groupes désignent entre autres les communistes, les francs-maçons et bien sûr les Juifs.