Les conditions de formation
Les apprentis, larbins des patrons? En 1970, une équipe de la TSR rencontre un groupe de jeunes en formation dans les domaines administratifs et industriels. A plusieurs reprises revient dans les propos l'image du "pommeau", terme familier désignant une personne auquel on attribue les basses besognes.
L'apprenti va chercher les dix heures, l'apprenti vide les corbeilles à papier, l'apprenti remplit les réservoirs pendant plusieurs mois avant de démonter un carburateur.
Le statut social de l'apprenti
Est-ce que nos origines sociales déterminent nos choix en matière de formation? En 1974, l'émission Tremplin mène l'enquête. Le portrait croisé de Maria, fille d'immigrés de condition modeste et de Corinne, issue d'une famille genevoise aisée, semble apporter une réponse évidente.
Dans ma classe, on est que des filles de médecin, d'ingénieur. On n'a pas de fille d'ouvrier.
Les classes sociales, comme l'a démontré le sociologue Pierre Bourdieu, sont régies par des règles de reproduction, qui délimitent une ligne de fracture très nette entre les « manuels » et les « intellectuels ».
Le genre des métiers: machos, les apprentis?
Dans les années 60, un avis semble assez unanimement partagé parmi les apprentis: les filles n'y connaissent rien à la technique. On leur concède tout de même certaines qualités: bonnes connaissances du français, application, patience. Nous avons retrouvé deux séquences assez édifiantes: la première est tirée d'une émission de 1961 consacrée au métier de dessinateur technique. L'autre date de 1970, et donne la parole à un apprenti de commerce.
En 1998, l'émission Temps présent réalise un reportage sur le genre des métiers. Elle donne notamment la parole à des jeunes ayant choisi une profession traditionnellement réservé à l'autre sexe. Le témoignage de Magali, apprenti mécanicienne sur auto et de Christian, qui suit une formation de gouvernant est révélateur des difficultés à franchir des frontières encore très bétonnées.
Quand je suis arrivée dans l'atelier, les mécanos m'ont regardée avec des yeux grand ouverts. On aurait dit des poissons dans un aquarium.
Et aujourd'hui?
En mars 2018, le site de Swissinfo.ch a réalisé un bilan sur la féminisation des métiers. On y apprend que si une véritable évolution s'est opérée dans certains secteurs professionnels, la ségrégation de genre demeure bien marquée dans le choix d’un métier.
En ce qui concerne l’origine sociale des jeunes en formation, un article de La Tribune de Genève rapporte une étude datant de 2016 : elle révèle que le système éducatif suisse ne favorise pas l’ascension sociale et que le milieu d’origine pèse toujours dans le choix d’une carrière.
2024, une vaste enquête du syndicat Unia dénonce le stress et l'épuisement des apprentis suisses soumis à de fortes pressions et à des conditions de travail difficiles.
Le système d’apprentissage helvétique, considéré comme un modèle de formation à travers le monde et dans notre pays comme une filière à valoriser, n'est donc pas exempt de défauts et les apprentis méritent davantage d'attention alors qu'ils vivent un période charnière de leur vie.
Sophie Meyer pour Les archives de la RTS