Une semaine après la votation historique, l'émission d'actualité Tell Quel propose de revivre les moments forts de la journée du 26 novembre, à travers des reportages réalisés à chaud dans différents coins du pays. Ces documents permettent de prendre la mesure du fossé séparant une élite politique sûre de ses valeurs d'une autre partie de la population, essentiellement jeune, à un moment où l'Europe, après la chute du Mur de Berlin, est traversée par des bouleversements profonds.
Saignelégier, 15h
Au quartier général du Groupement pour une Suisse sans Armée, dans la salle du Café du Soleil, les derniers résultats de la votation sont en train de tomber. Un membre du GSsA prend enfin la parole : le Jura a approuvé l'initiative à plus de 55%. Pour les initiants, le moment est à la joie.
Genève, Chancellerie cantonale, 16h30
A Genève, quelques minutes avant l'annonce des résultats cantonaux, l'ambiance est électrique. Puis, c'est l'explosion dans le camp de Paolo Gilardi et de ses amis, soutiens au GSsA : les Genevois ont accepté l'initiative à une courte majorité de 50,4% des voix.
Berne, 17h55
Kaspar Villiger, chef du département fédéral de la défense, traverse les couloirs de Palais fédéral pour se rendre à la conférence de presse où il va commenter les résultats de la votation. "Le peuple suisse s'est clairement décidé pour une Suisse avec armée" : si le discours se veut ferme, le visage du conseiller fédéral trahit sa surprise et son dépit. Les membres des comités d'opposants expriment des sentiments analogues. La victoire de ce 26 novembre a un goût très amer.
Genève, 22 h
Les partisans de l'initiative "Pour une Suisse sans armée", sont dans la rue. Aux cris de "Libérez les objecteurs", ils se rendent d'abord en cortège à la gare de Cornavin et y bloquent un train transportant des soldats. Plus tard, les manifestants se rendent à la caserne des Vernets. Tandis que certains s'attaquent à un drapeau suisse, d'autres se contentent de former des farandoles.
Et après ?
Y aura-t-il en Suisse un avant et un après le 26 novembre 1989? Outre la surprise créée par le score de l'initiative, le monde politique suisse se trouve confronté à des bouleversements géopolitiques dus à l'effondrement du bloc soviétique. Ces éléments vont l'obliger à entamer une réflexion en profondeur sur la place et le rôle de l'armée qui débouchera notamment sur la réforme "Armée 95". On assistera également à une accélération du dossier de l'objection de conscience. Trois ans à peine après la votation sur la suppression de l'armée, le peuple suisse accepte l'inscription du service civil dans sa constitution.
Le GSsA, quant à lui, continuera à faire entendre sa voix au travers de nouvelles initiatives, concernant notamment l'achat des avions de combat.
Sophie Meyer pour Les archives de la RTS