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Il y a 40 ans... Lôzane bougeait

Lôzane bouge. [RTS]
Lôzane bouge. - [RTS]
Amorcé le 28 juin 1980, le mouvement Lôzane Bouge embrasera tout un automne la capitale vaudoise. Une jeunesse revendicatrice envahit les rues et défie les autorités en place. Avant tout soucieuses de maintenir l'ordre public, ces dernières réprimeront durement les manifestations, avant de lâcher du lest. Retour en archives sur des événements qui ont marqué les mémoires.

L'esprit de mai

Dès la fin des années soixante, galvanisée par les grands courants de protestation estudiantine d’Europe et d’Amérique du Nord, la jeunesse suisse exprime elle aussi sa révolte et ses aspirations. Les premiers affrontements entre jeunes et policiers ont lieu à Zurich en 1968. En 1971 à Genève, des étudiants se rassemblent devant le Grand Théâtre, symbole d'une culture bourgeoise qu'ils voudraient abolir.

En 1971, à Genève, des jeunes manifestent devant le Grand Théâtre, symbole de la culture bourgeoise.
Avant Lôzane bouge / Zone bleue / 2 min. / le 15 décembre 1980

De Züri brännt à Lôzane bouge

Le 28 juin 1980, deux cents jeunes manifestent à Lausanne pour marquer leur solidarité avec la jeunesse zurichoise en ébullition. Le projet de création d’un centre autonome sur le site de la Rote Fabrik s’enlise alors que les citoyens de Zurich s’apprêtent à octroyer un confortable crédit de rénovation à leur opéra. Des émeutes mettent la ville en émoi et inaugurent le mouvement Züri brännt (Zurich brûle) qui se déchaînera durant tout l’été 1980. Dès la fin septembre, ce sera au tour de Lausanne de s'enflammer.

Manifestation Lôzane bouge du 27.09.1980
Manifestation Lôzane bouge du 27.09.1980

Un automne de feu

Rasez les Alpes qu'on voie la mer!

Slogan du mouvement Lôzane bouge

Le 27 septembre 1980, une nouvelle manifestation rassemble environ 300 jeunes, avec des revendications diverses : la création d’un centre autonome, mais aussi l’affichage libre, le droit de manifester librement et la suppression d’un fichier que tient la police sur les homosexuels. Le défilé conduit les manifestants jusqu’au Comptoir suisse, où des affrontements avec la police ont lieu. Durant quatre week-ends, manifestations et rassemblements se succèdent.

Lôzane bouge
Lôzane bouge / Images SSR / 2 min. / le 1 janvier 1994

Les affrontements culminent le 18 octobre, lors d'une tentative d'occupation de locaux de l'EPFL. Anne-Catherine Menétrey, députée du POP et soutien du mouvement, dénonce les mauvais traitements infligés aux manifestants dans les locaux mêmes de police.

Anne-Catherine Menétrey, soutien de Lôzane bouge [RTS]
Anne-Catherine Menétrey et Lôzane bouge / Un jour une heure / 1 min. / le 23 octobre 1980

Des mineurs auraient également fait l'objet d'intimidation au moment de la prise de leurs dépositions. Imperturbable, Jean-Pascal Delamuraz, syndic de Lausanne, soutient sa police, tout en se disant prêt à enquêter sur d'éventuels dérapages.

Les forces de l’ordre ont résisté à des gens dont la décision n’était pas du tout de dialoguer, mais bel et bien de casser la baraque et de manger du flic.

Jean-Pascal Delamuraz, syndic de Lausanne
Jean-Pascal Delamuraz, syndic de Lausanne, 1980.
Delamuraz face à Lôzane bouge / Un jour une heure / 1 min. / le 23 octobre 1980

C'est dans ce contexte électrique que le Centre social protestant publie une enquête sur les jeunes de la région lausannoise. Frustration, désoeuvrement, remise en question des valeurs dominantes: un mur sépare bel et bien les générations.

Etre jeune en Suisse en 1980
Une jeunesse désabusée / Un jour une heure / 5 min. / le 20 octobre 1980

Le 8 novembre, une manifestation autorisée réunit des représentants de partis de gauche, de syndicats et d'associations soutenant Lôzane bouge. Le rassemblement dégénère, et les dérives violentes de certains manifestants provoqueront des dissensions au sein du mouvement. Moins virulentes, les actions se poursuivent au début de l'année 81. Le 29 avril enfin, la Municipalité lausannoise met à la disposition des jeunes des locaux à la rue Saint-Martin.

Graffiti du mouvement Lôzane Bouge, 1980. [RTS]
Graffiti du mouvement Lôzane Bouge, 1980. [RTS]

Vie et mort du centre autonome

Mais l'autogestion n'est pas un exercice facile. Aux conflits internes s'ajoutent les difficultés liées au caractère hétéroclite de la population qui fréquente les lieux. La drogue est un des principaux problèmes auxquels les animateurs du centre se trouvent confrontés. De plus, les bâtiments alloués sont des plus vétustes.

En janvier 1982, le centre est fermé pour des travaux de rénovation. Du côté de la Municipalité, on hésite à permettre sa réouverture. Jean-Marc Richard, qui deviendra quelques années plus tard l'homme de radio et de télévision que l'on connaît, s'exprime en tant que porte-parole des jeunes lausannois.

Jean Marc Richard, voix du centre autonome de Lausanne en 1982.
Centre autonome / Journal Romand / 1 min. / le 16 mars 1983

Le 13 juillet 1982, la Municipalité ferme définitivement le centre. Une décision qui ne suscitera pas de résistance de la part des jeunes.

Le procès de Lôzane bouge

Le syndic Jean-Pascal Delamuraz avait averti: les fauteurs de trouble ne bénéficieraient d'aucune impunité. Le 21 octobre 1982 se clôt le procès de 11 protagonistes de Lôzane bouge au Tribunal correctionnel de Lausanne. Même si elles sont assorties de sursis, les peines prononcées sont lourdes. Insultes, bagarres et gaz lacrymogènes: la situation, une fois de plus, dégénère. Présente sur place, la Radio romande rend compte de ce chaos.

Lôzane bouge devant la justice
Verdict / Le Journal du matin / 5 min. / le 21 octobre 1982

En 1987, alors que les événements de 1980 ne sont plus pour beaucoup qu'un lointain souvenir, une des figures du mouvement, Marlène Belilos, résiste. Condamnée à cinq mois de prison avec sursis, elle conteste la légitimité de la commission de police qui lui a infligé plusieurs amendes. Son action la conduira jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme, qui finira par lui donner raison.

Marlène Belilos
Marlène Belilos / Tell Quel / 3 min. / le 23 octobre 1987

Héritage

Qu'est-il resté, sur le long terme, de ces folles semaines de revendications? Après la fermeture du centre autonome, certains de ses animateurs, dont Jean-Marc Richard, fondent en 1985 la Dolce Vita, une salle de concert qui connaîtra ses heures de gloire. Au fil du temps, les autorités lausannoises, comme celles des autres centres urbains de Suisse, prendront davantage aux sérieux les besoins culturels et festifs spécifiques des jeunes et mettront sur pied des politiques plus crédibles en leur faveur. Dans cette évolution, Lôzane bouge a sans nul doute joué un rôle important.

Sophie Meyer pour Les archives de la RTS

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