Appelée aussi la course des cinq 4000, Sierre-Zinal fête cette année sa 50e édition. Composant un parcours impitoyable dans un décor somptueux, les 31 km qui séparent les deux localités sont le cadre d'une aventure hors normes où coureurs professionnels et populaires s'attaquent à un défi de taille.
Chapitre 1
Une course moderne
Aujourd’hui les courses de montagne se déclinent sous les formes les plus diverses : trail, kilomètre vertical, skyrunning ou encore ultra-trail et les limites physiques ne cessent d'être repoussées. La situation est bien différente au début des années 70. Les courses de montagne, pratiquement inexistantes en Suisse, ne constituent pas une discipline à part entière.
En 1974, le Valaisan Jean-Claude Pont imagine un concept d'épreuve audacieux et novateur: proposer un gros défi physique sur un parcours unique, destiné aussi bien aux élites qu'aux "touristes". Intégrer l'effort de la compétition aux paysages grandioses des Alpes valaisannes. Accueillir, dès la première édition, les femmes, alors qu'elles sont encore majoritairement exclues des courses en extérieur (c'est le cas par exemple de Morat-Fribourg, qui ne les intégrera qu'en 1977).
Dénivelé : 2200 mètres en montée, 1100 mètres en descente
Point culminant : alpage de Nava, à 2425 mètres d’altitude.
Participation : environ 1000 concurrents en 1974. 5200 au départ en 2019.
Chapitre 2
Le parcours
Le parcours de Sierre-Zinal se découpe en différentes étapes. Il y a bien sûr le départ à Sierre, à cinq heures du matin pour les touristes et quelques heures plus tard pour les élites. Et tout de suite la terrible montée jusqu'au pâturage de Ponchette. Le dénivelé est ensuite moins abrupt. Les coureurs atteignent Chandolin, puis passent devant le célèbre hôtel Weisshorn. Le fantastique panorama des cinq 4000, au-dessus du Val d'Anniviers, s'offre alors à eux. Après avoir atteint le point culminant de Nava, c'est la descente, qui se fait de plus en plus féroce à mesure qu'on se rapproche de Zinal, point d'arrivée de la course. C'est la délivrance.
Avant le départ
Sierre-Zinal, c'est un peu le Paris-Roubaix de la course à pied
Les participants arrivent à Sierre la veille de la course. Après avoir reçu son dossard, on prend un repas léger et on file au lit. Le réveil à trois heures du matin est rude. Qu'est-on venu faire dans cette galère?
1300 mètres de dénivelé en huit kilomètres: la première partie de Sierre-Zinal a de quoi couper les jambes et le souffle. Une fois passé l'alpage de Ponchette, le tiers de l'effort est fait mais il reste encore 23 kilomètres à parcourir!
Alpage de Barneusaz, dernier poste de ravitaillement de la course. Les bénévoles sont là, au service des coureurs qui ont soif, faim ou mal. Certains d'entre eux sont là depuis 4 heures du matin pour préparer le thé et le bouillon.
Après Chandolin, il y a encore 10 kilomètres avant d'atteindre l'hôtel Weisshorn, à 2337 mètres d'altitude. Si l'obsession du chrono n'est pas trop forte, on s'arrête pour admirer un panorama grandiose sur les Alpes.
Impitoyable, la descente vers Zinal, alors que les organismes sont déjà bien éprouvés. En 2013, c'est à cet endroit que l'inattendu Neuchâtelois Marc Lauenstein vole la vedette à Juan Carlos Cardona, qui avait fait la course en tête.
Chapitre 3
Dernières éditions
Kilian Jornet est l'homme de tous les superlatifs. Vainqueur de la course en 2009 et 2010, l'Espagnol enchaîne ensuite entre 2014 et 2018 une série de 5 victoires. En 2019, il a réussi également l'exploit de faire reculer de près de 4 minutes le meilleur chrono établi en 2003 par Jonathan Wyatt. Nouveau temps de référence : 2 heures 25 minutes 25 secondes. Il remporte les éditions 2020 et 2021 réaménagées à cause du Covid. Son total actuel de 10 victoires est un record absolu. La série s'achève en 2022, lorsque le champion espagnol est détrôné par le Kenyan Mark Kangogo.
Côté femme, la Vaudoise Maude Mathys atteint elle aussi les sommets. 3e en 2013, l'athlète suisse remporte la course pour la première fois en 2019 et bat le record de 2 heures 54 minutes et 26 secondes qu'avait réalisé la Tchèque Pichrtova en 2008, un temps qu'elle abaisse à 2 heures 49 minutes et 20 secondes. Victorieuse en 2020 et 2021, elle est devancée en 2022 par la coureuse kenyane Esther Chesang... avant de recouvrer son titre, suite à la disqualification de Chesang pour dopage.
Chapitre 4
La première édition
Sierre-Zinal, c'est lui: Jean-Claude Pont, professeur de maths et de philo et guide de montagne. En 1998, au moment où la course des cinq 4000 fête sa 25e édition, il évoque la naissance de cette compétition, à laquelle bien peu croyaient alors.
Lors de la première édition de 1974, une vedette est sur la ligne de départ : le Belge Gaston Roelants, champion olympique de 3000 mètres steeple. Pour réussir à le faire venir, Jean-Claude Pont a bénéficié de l’aide du journaliste sportif Yves Jeannotat.
Finalement, Roelants terminera 2e de cette course si atypique pour lui, derrière le Suisse Edi Hauser, un athlète spécialiste de ski de fond! Cette apparente contre-performance fera jaser la presse belge.
Chapitre 5
Rois et reines de Sierre-Zinal
Si l'Espagnol Kilian Jornet, avec ses 10 titres, détient un record de victoires, bien d'autres noms ont marqué Sierre-Zinal: Pablo Vigil, Pierre-André Gobet, Ricardo Mejia, Jaïro Correa, Jonathan Wyatt, Marco de Gasperi côté hommes, Véronique Marot, Isabelle Crettenand Moretti, Anna Pichrtova, Angéline Joly, Maude Mathys côté femmes, et d'autres encore. Retour sur quelques-uns de ces parcours.
Pablo Vigil, première star de Sierre-Zinal
Quatre victoires et des liens indéfectibles pour une course et toute une région : l'Américain Pablo Vigil est tombé amoureux de Sierre-Zinal. C’est lors de sa première participation en 1979, sur un parcours qu’il n’avait pas même reconnu, qu’il va établir un record qui restera imbattu durant 10 ans.
Pierre-André Gobet est le seul Suisse à avoir remporté la course à deux reprises, en 1988 et 1989. Cette même année, il établit un nouveau record en 2 heures 32 minutes et 15 secondes. Invité de la TSR en 1998 à l'occasion du 25e anniversaire de la course, il évoque avec joie et émotion ces souvenirs.
Le Mexicain Ricardo Meija gagnera la course en 1998, 1999, 2001, 2004 et 2005. Comme Pablo Vigil en 1979, il remporte son premier Sierre-Zinal sans avoir reconnu le parcours. «C’était de loin la course la plus dure de ma vie » dira-t-il après avoir passé la ligne d’arrivée.
Pratiquant la course d'endurance, le VTT et le ski-alpinisme, Isabella Crettenand-Moretti remporte trois éditions consécutives entre 1995 et 1997. A son palmarès également, deux Morat-Fribourg, un Grand Raid de VTT et une victoire en équipe à la Patrouille des Glaciers.
En gagnant Sierre-Zinal en 2004, la Neuchâteloise Angeline Joly fait également main basse sur le titre de championne du monde de course longue distance. L'année suivante, elle récidive et établit même un nouveau record féminin de l'épreuve, en passant bien au-dessous de la barre des 3 heures, un exploit encore rare chez les femmes.
Avec ses quatre victoires consécutives entre 2006 et 2009, la Tchèque Anna Pichrtova est l’athlète féminine la plus titrée du parcours. En 2008, elle établit un record en 2 heures 54 minutes et 26 secondes, un chrono qui ne sera battu qu'en 2019 par la Vaudoise Maude Mathys.
Depuis 2001, il multipliait les bons résultats. En 2006, le Valaisan Tarcis Ançay réussit enfin son pari, malgré la pluie, la neige et le brouillard. La fin de 14 ans de disette pour les Suisses dans la catégorie masculine, qui n'avaient plus gagné depuis Jean-François Cuennet en 1992.
Chapitre 6
Et de 50!
Keystone - Valentin Flauraud
En l'absence des stars Kilian Jornet et Maude Mathis, tous les deux blessés, la 50e édition de Sierre-Zinal réservera sûrement des surprises. Pourquoi pas un Suisse sur le podium de la course masculine? Le Gruérien Rémi Bonnet, vainqueur en juin du Marathon du Mont-Blanc, affiche de belles ambitions. Mais Sierre-Zinal reste et restera une course populaire, où, selon l'adage de son fondateur Jean-Claude Pont, le coeur passe avant le chrono.