Né voilà 125 ans, le psychologue neuchâtelois Jean Piaget aura révolutionné le monde de la psychologie de l'enfant et plus largement celui du savoir. Biologiste de formation, c'est depuis Genève qu'il rayonnera au cours d'un itinéraire scientifique exceptionnel et pluridisciplinaire. Au final, un seul objectif guidera sa vie : rendre compte de la construction des connaissances.
Chapitre 1
Parcours de vie
En 1979, l'émission Destins a décidé de consacrer sa soirée à la vie et au parcours scientifique du psychologue Jean Piaget. Pour débuter ce portrait, nous le retrouvons à Neuchâtel, la ville de son enfance et de sa jeunesse.
En 1923, Jean Piaget épouse Valentine Châtenay, assistante de l’Institut Jean-Jacques Rousseau dans lequel il occupe le poste de chef de travaux. Ils auront trois enfants. Ensemble, ils découvrent l'intelligence sensori-motrice.
Le logicien Jean-Blaise Grize et le professeur en psychologie Guy Cellérier évoquent, pour Destins, ce que signifie avoir une notoriété internationale pour Jean Piaget : avant tout, la reconnaissance de ses idées par ses pairs.
Visite de la maison Les Cerisiers, sur le plateau de Pinchat à Genève, dans laquelle Jean Piaget réside et travaille depuis 50 années. C'est dans son bureau, rempli d'un désordre indescriptible, qu'il reçoit la TSR.
Passionné de sciences, Jean Piaget a rencontré très jeune des mentors qui lui ont permis d'entrevoir le chemin à suivre. Docteur en biologie de l'Université de Neuchâtel, il est également très intéressé par l'épistémologie. Pour réunir ces deux domaines, il souhaite poursuivre sa carrière de chercheur en réalisant une théorie biologique du développement de la connaissance.
L'intelligence, c'est un cas particulier de l'adaptation biologique.
Pour mieux saisir les fondements des recherches menées par le biologiste, psychologue et épistémologue neuchâtelois Jean Piaget, l'équipe de l'émission Destins s'entretient avec le philosophe belge Léo Apostel, ancien collaborateur au Centre international d'épistémologie génétique.
Quelques notions
En 1974, le psychologue Jean Piaget évoque son travail dans l'émission Dimensions. Dans cet extrait, il présente la permanence de l'objet, un concept développé lors de l'observation de jeunes enfants de 0 à 12 mois, période où elle s'acquiert peu à peu. C'est le premier des principes de conservation, c'est-à-dire la capacité pour l'enfant d'attribuer une existence stable aux objets, indépendamment des changements de lieux et de temps.
L'adaptation est au coeur de la construction de nouvelles fonctions cognitives. Ce processus dynamique comprend deux pôles : l'assimilation qui permet d’intégrer de nouveaux objets dans le schème, un noyau mental de savoir-faire déjà construit et l’accommodation, le fait qu'une situation nouvelle oblige à quelques modifications du schème.
L'intelligence est une construction caractérisée par une série de paliers d'acquisition décrits comme des stades. Jean Piaget en distingue quatre principaux. Chaque stade se caractérise par des structures cognitives. Celles d'un stade inférieur servent de base, puis s'intégrent au stade suivant. Ils commencent au début de la vie et s'achèvent autour de l'âge de 15 -16 ans.
C'est à Paris, en 1920, que Jean Piaget découvre le cadre scientifique tant attendu. Il reçoit une invitation à travailler avec les successeurs du grand psychologue et pédagogue français Alfred Binet. Pendant une année, il étudie les problèmes du développement de l'intelligence. En 1979, il évoque cette période très féconde dans l'émission Destins.
Piaget va ainsi élaborer une méthode clinique, de conversation libre avec l'enfant sur un thème donné. Avec son équipe, il va également mettre au point un matériel simple et ludique, visible dans la valise "piagétienne" ci-dessus, qui permet à l'enfant de faire des expériences concrètes.
Ce qu’il y avait d’intéressant dans les conversations avec l’enfant, c’était beaucoup plus ses erreurs... que l’âge de l’arrivée à la réponse juste.
Le doyen de la Faculté de psychologie de Genève Alberto Munari est filmé, dans l'émission Destins, lors d'une conversation libre avec un enfant. Il utilise la méthode d'investigation élaborée par Jean Piaget. Elle lui permet, tout en disposant d’un fil conducteur, de s’adapter aux réponses de l’enfant afin de mieux cerner la façon dont il se représente le monde qui l’entoure.
En 1974, l'émission de la TSR Dimensions nous fait découvrir plusieurs dispositifs imaginés par Jean Piaget autour de la réversibilité. Dans ces expériences filmées, une assistante joue avec des objets concrets et discute librement avec un enfant.
Epreuves piagétiennes
Un enfant utilise de la pâte à modeler lors d'une épreuve sur la conservation de la substance. Cette notion s’acquiert durant la période des opérations concrètes, entre 6 et 12 ans. Avant ce stade, l'enfant n'est pas capable de réversibilité, et ne peut comprendre que deux quantités égales demeurent égales malgré une transformation d'apparence.
Dans cet extrait, une fillette place un nombre égal de puces rouges en dessous de puces bleues déjà disposées sur la table. Après déplacement des puces rouges, on observe que la fillette n'a pas acquis la réversibilité, car elle n'a pas la capacité de faire mentalement une opération en sens inverse et comprendre que le nombre de puces reste le même.
Chapitre 4
Le Centre international d'épistémologie génétique
Archives Jean Piaget
C'est en 1955 que Jean Piaget crée le Centre international d'épistémologie génétique (CIEG) à la Faculté de psychologie à Uni Dufour à Genève. Il désire y étudier l'accroissement des connaissances dans l'histoire de la pensée scientifique et la construction de l'intelligence chez l'enfant. Il va ainsi réunir des spécialistes de différentes disciplines et des expérimentateurs psychologues dans une approche pluridisciplinaire et novatrice.
En 1966, un journaliste de Soir-Information s'entretient avec le logicien et épistémologue neuchâtelois Jean-Blaise Grize qui a fait partie de l'équipe de Jean Piaget au Centre international d'épistémologie génétique (CIEG). Il décrit les objectifs de cet espace de recherches ouvert aux scientifiques du monde entier.
Le logicien belge Léo Apostel évoque, avec admiration, dans l'émission Destins, la création du CIEG par le psychologue Jean Piaget. Il dira : "C'était l'idée de sa vie de faire de la philosophie une science et de la science une philosophie. Il fallait que ce soit fait par un groupe de savants et un groupe de philosophes".
Dans la seconde partie de Destins, on accompagne le psychologue Jean Piaget de sa maison de Pinchat au CIEG, à l'Université Dufour de Genève. Depuis 25 ans, il s'y rend, chaque lundi pour y rencontrer ses collaborateurs et poursuivre ses recherches sur la construction de la connaissance.
Chapitre 5
Pédagogie et cybernétique
RTS
Profondément influencées par le pédagogue genevois Edouard Claparède, les recherches menées par Jean Piaget dans le domaine de la construction de l'intelligence ont également fait progresser les méthodes en pédagogie et ouvert de nouvelles perspectives dans d'autres disciplines, comme la cybernétique.
En 1966, Continents sans visa réalise un reportage sur l'école primaire de la Gradelle qui applique les méthodes d'enseignement du pédagogue Célestin Freinet. Le psychologue de l'enfant Jean Piaget donne son avis sur cette méthode pédagogique et apporte des éléments de ses recherches.
En novembre 1973, l'émission Un jour une heure reçoit le psychologue Jean Piaget à l'occasion du centenaire de la naissance du pédagogue genevois Edouard Claparède. En 1921, c'est sur son invitation que Piaget avait intégré l'Institut Jean-Jacques Rousseau.
Rencontre avec le chercheur Gilbert Voyat. Il a travaillé avec Guy Cellérier, collaborateur de Jean Piaget, à l'élaboration d'une théorie cybernétique de l'intelligence. Ils ont associé des notions comme la régulation ou l'organisation présentes dans les thèses piagétiennes et dans les modèles en cybernétique.
En 1994, Téléscope consacre son émission à la robotique. A l'Institut d'informatique de l'Université de Neuchâtel, des chercheurs s'inspirent de la notion des schèmes, ou boucles sensori-motrices, formalisée par le psychologue Jean Piaget comme base des interactions du robot avec son environnement.