« Une mère qui s’occupe de ses enfants, c’est normal, personne ne s’en étonne, un père qui s’occupe de ses enfants c’est admirable, voilà. »
Le père à l'ancienne
Années 60, le modèle familial ? Femme: fée du logis, maîtresse de maison accomplie et mère admirable au foyer. Homme, chef de famille au travail à temps complet, plus utile au bureau ou au chantier qu’à la maison. Dans le meilleur des cas, il est papa le week-end et les soirs.
Aussi en 1965, voilà un sujet bien insolite dans cette édition du Magazine, on interroge un jeune homme sur sa nouvelle condition de papa d'un bébé de 5 mois. L'heureux père de Pascal ne boude pas sa bonheur et sa fierté: son fils est la plus belle chose qui lui soit arrivée.
Il n'a pas vu naître son premier bébé et a confié à son épouse le soin de s'occuper de ses filles. Mais aujourd'hui dans sa famille, ses beaux-fils sont bien présents auprès de leurs enfants. Gaston Brahier, ancien instituteur et personnalité politique dans son canton du Jura et à Berne, témoigne en 2006 dans Scènes de ménage du changement du paradigme familial.
Le tournant des années 70
Le partage des tâches
Années 70, les femmes commencent peu à peu à s’émanciper et à travailler hors du foyer. Il est temps de réfléchir à une nouvelle répartition des rôles au sein de la famille. Mais cela ne va pas sans difficultés: il s'agit aussi de changer le regard porté sur le couple. Sur la femme qui choisit de laisser ses petits pour exercer un métier, sur l'homme qui renonce à travailler à plein temps pour s'occuper de ses enfants et partager les tâches familiales. Ce nouveau schéma demeure réservé à quelques privilégiés. Un couple témoigne de son organisation.
Le divorce
Il arrive de plus en plus fréquemment que les couples se séparent et lors du divorce, ils se déchirent parfois sur la garde de leur progéniture. Les pères commencent à réclamer un rôle auprès de leurs enfants au-delà du droit de visite.
Ainsi, alors que l’émancipation des femmes est loin d’être gagnée, les mâles se mettent à revendiquer eux aussi l'égalité. Les pères divorcés s'insurgent contre l’usage qui confie la garde des têtes blondes à leur mère. Et cela avec une certaine colère:
L'émergence des papas poules
En 1980, Kramer contre Kramer, le film de Robert Benton avec Meryl Streep et Dustin Hoffmann met en scène un couple se disputant leur enfant. Ce drame éclaire la relation de tendresse nouée entre un père et son fils. Ainsi s'impose dans la société une métamorphose de la figure paternelle: le pater familias laisse place à un père prêt à prendre soin du bambin, à l'instar de la maman.
On ne naît pas papa. On le devient.
Années 90, les pères se sont organisés, leurs actions portent leurs fruits : voici venu le temps des papas poules. Même si les hommes qui élèvent seuls leurs enfants restent peu nombreux, ils affirment que s'occuper d'un enfant n'exige pas des aptitudes particulières et qu'on apprend vite à devenir père.
Pourtant, les pères au foyer demeurent dans les années 2000 une petite minorité de seulement 4% en Suisse. Et selon un rapport de l'Office fédéral de la statistique publié en 2017, les soins aux enfants restent toujours l'apanage des femmes alors que les familles monoparentales demeurent très mal partagées avec 84% des femmes élevant seules leurs enfants contre 16% des pères.
Marielle Rezzonico pour les archives de la RTS
Le Mouvement de la Condition Paternelle
Action d'éclat en 1975, un ressortissant étranger occupe une grue au centre ville de Genève: divorcé et désespéré d'être séparé de ses enfants, il menace de se jeter dans le vide. A la suite de ce fait divers naît en 1978 à Genève l'Association des Pères en Suisse romande (ASPER). Cette association se scinde rapidement. L'une de ses branches engendrera le Mouvement de la Condition paternelle de Suisse romande - Genève, essaimant dès les années 80 dans chaque canton romand et soutenant les pères dans leurs revendications.