Histoire de la folie
La perception de la folie s’est transformée au fil du temps. Si au Moyen-Age les fous avaient leur place dans la cité, l’âge classique fut marqué par un grand enfermement. Au 19e siècle, la folie se mue en objet scientifique. La découverte de la psychanalyse constituera une nouvelle étape, comme le fut la découverte des premiers médicaments et traitements de choc. En 1971, l’émissions Dimensions revient sur cette histoire.
Le Burghölzli et Carl Gustav Jung
La Suisse a fait figure de pionnière dans le domaine du soin et de la recherche sur la maladie mentale. Dès la fin du 19e siècle, la clinique du Burghölzli, près de Zurich, est mondialement réputée. Elle sera notamment dirigée par les psychiatres Auguste Forel et Eugen Bleuler.
En 1900, la clinique accueille un nouveau médecin, Carl Gustav Jung. Ce dernier considère les désordres mentaux avant tout comme des dysfonctionnements de la personnalité. Il développe une méthode basée sur les associations verbales afin d’établir les profils psychologiques des patients. A la même époque, il découvre l’œuvre du psychanalyste viennois Sigmund Freud. Un échange intellectuel intense a lieu entre les deux hommes. Mais peu à peu, des dissensions viennent fissurer cette relation. En 1913, la rupture est consommée. Jung poursuivra son chemin hors du cadre de l'orthodoxie freudienne.
La psychiatrie d'après-guerre
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la psychiatrie traverse une crise profonde. Durant le conflit, des campagnes d’élimination des malades mentaux ont été orchestrées par le régime nazi en Allemagne. Ailleurs, des milliers de résidents d’établissements psychiatriques sont morts dans des conditions épouvantables, faute de soins. Le système asilaire traditionnel, calqué sur le modèle carcéral, est complètement remis en question. En Suisse romande, le Fribourgeois André Repond se tourne vers une psychiatrie résolument humaniste. Né en 1886, il fut l’élève d’Eugen Bleuler au Burghölzli. Formé à la psychanalyse, il défend la dignité des patients et lutte contre les préjugés entourant la maladie mentale. Directeur de l’hôpital de Malévoz, au-dessus de Monthey, on lui doit également la création en Valais du premier centre psycho-pédagogique de Suisse.
Interrogé en 1959 par le journaliste Alexandre Burger, il évoque l’importance du cadre de vie des patients, ainsi que la bienveillance et l’affection dont doit faire preuve le médecin à leur égard.
Malgré les efforts des médecins et du personnel soignant, les préjugés en matière de maladie mentale perdurent. En 1971, la TSR revient en reportage dans l’établissement de Malévoz et s’entretient avec une jeune femme malade.
Antipsychiatrie et psychiatrie institutionnelle
Poussant à l’extrême la critique de la psychiatrie traditionnelle, les tenants du mouvement antipsychiatrique désignent cette dernière comme un outil de répression sociale. Selon eux, la folie serait avant tout le symptôme d’une société malade. Moins radical, le mouvement de psychiatrie institutionnelle va mettre au centre la liberté de circulation du patient, ainsi qu’une place active dans l’organisation de sa vie en institution. Directeur de l’hôpital de Bel-Air à Genève de 1959 à 1976, le psychiatre Julian de Ajuriaguerra a été très proche de ce mouvement.
Créée en 1953 par le psychiatre Jean Oury, la clinique de la Borde, dans la Loire, est un exemple abouti d'application de la psychiatrie institutionnelle. La liberté de circulation y est totale. Les patients contribuent au fonctionnement de l'institution, mais également aux décisions concernant leur vie quotidienne. En 1971, une équipe de la TSR visitait cet établissement hors norme.
Et aujourd'hui ?
Toujours en activité, la Borde demeure un modèle de structure ouverte et inclusive pour les malades souffrant de troubles psychiques. Pourtant, les préjugés demeurent tenaces. Le jour où la maladie mentale sera devenue aux yeux du grand public une maladie comme les autres n'est encore pas arrivé.
Les malades atteints de troubles psychiques souhaitent néanmoins plus de visibilité pour lutter contre la stigmatisation. Encore récemment dans nos rues, les manifestations de la "Mad pride" exemplifient cette lutte vers l'accès à une citoyenneté à part entière.
Sophie Meyer pour Les Archives de la RTS