En quête d’une 2e jeunesse, le foot veveysan se dévoile à travers son histoire
Grand Format Football
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RTS - Sébastien Schorderet
Introduction
Vevey sur la carte de l’élite du football suisse, c’est une époque où des jeunes issus en grande partie de la région tiennent tête aux "grands" durant 17 ans de ligue nationale entre 1970 et 1987. La venue de Servette lors des 8es de finale de la Coupe de Suisse permet d’ouvrir le livre des souvenirs et de se questionner sur le rôle du club local qui milite aujourd’hui en 1re ligue (4e division).
Chapitre 1
Du Vevey-Sports au Vevey United et vice versa
RTS - Sébastien Schorderet
Pour les inconditionnels du sport veveysan, il y a le Vevey-Natation avec la piscine de Corseaux Plage, la salle des Galeries du Rivage près de la place du Marché pour le Vevey-Basket et le stade de Copet dédié au football au nord de ville, non loin du quartier des anciens Ateliers de constructions mécaniques. Sur la vénérable tribune de Copet trône encore l’inscription "Le Vevey-Sports vous souhaite la bienvenue", alors que le club se nomme officiellement FC Vevey United depuis la fusion avec Azzurri Riviera en 2018.
"Nous sommes conscients au sein de notre comité que les lettres "VS" du Vevey-Sports sont encore bien présentes dans le cœur des gens. Il est tout à fait possible que le club retrouve son appellation dans les années futures", glisse William von Stockalper. Le Valaisan, ancien junior du FC Sion, a accédé à la présidence en 2014. Il a pu fêter une promotion en 2e ligue inter deux ans plus tard et mettre fin à une décennie de purgatoire entamée en 2005 lorsqu’il a fallu repartir de zéro ou presque après la faillite du club.
Des noms et des dates qui changent
"Il n'y a pas que les noms qui vont et qui viennent, il y a également la date d'origine qui évolue au gré de nouvelles découvertes dans les archives", sourit William von Stockalper qui symbolise à sa manière le renouveau de l’économie veveysanne à travers la gestion d’une entreprise spécialisée dans l’affichage digital. Ces dernières années, la date de fondation est ainsi passée de 1905 à 1899, puis désormais arrêtée à 1898.
Quant au nom de Vevey United, Jean Christinat, ancien membre du comité et fin connaisseur de l’histoire du club, se plaît à rappeler que le club a déjà été appelé de cette manière dans les premières années de son existence à l’issue d’une fusion entre le Lémania FC et le Vevey FC. Dans la même lignée que les clubs créés outre-Sarine à la fin du XIXe siècle, il était fréquent d'avoir des noms anglophones pour les équipes puisqu’elles étaient souvent mises en place par des étudiants britanniques présents en Suisse. L’équipe veveysanne a même porté le nom de Vevey Young Boys FC pendant un certain temps.
Chapitre 2
Premiers flirts avec le niveau supérieur et soudain… l’arrivée de Monsieur Blazevic
Keystone - STR
Dès les années 1930, le "VS" bénéficie d’un terrain dans le quartier de Copet avec une tribune flambant neuve. Au cours de la première moitié du XXe siècle, Vevey connaît son 1er fait d’armes en rejoignant la 1re ligue (3e division à l’époque) en 1936.
En 1948, le club atteint pour la 1re fois de son histoire la 2e division du championnat suisse (LNB). Expérience de courte durée puisque la relégation arrive déjà au bout d'une année. Il faudra ensuite attendre 10 ans pour que la formation de la Riviera obtienne une nouvelle promotion en LNB. Elle réussira à s'y maintenir jusqu'en 1964 avant de rejoindre à nouveau l'échelon inférieur.
L’entrée dans les "Sixties" est caractérisée par la création de l’Ecole de football du Vevey-Sports en 1961. "A une époque où chacun est de plus en plus solidaire d’autrui, il est indispensable de développer l’aptitude, le goût et l’envie pour des activités en commun", explique alors Paul Rinsoz, mécène et directeur de la manufacture de tabac Rinsoz-Ormond. Il prendra plus tard les rênes du club et emmènera le Vevey-Sports au sommet avec un autre Paul dont nous reparlerons un peu plus loin...
Un entraîneur qui donne un nouveau visage au club
En juin 1970, Vevey s’apprête à revenir aux affaires en participant aux finales de promotion pour la 2e division en disputant d'abord une confrontation aller-retour contre Moutier. Sur leur pelouse, les joueurs du "VS" font le travail en s'imposant 3-1. Ils confirmeront leur domination en gagnant à l’extérieur sur le score de 3-2. Les voilà qualifiés pour l'ultime round face aux Nidwaldiens de Buochs.
Le renouveau du Vevey-Sports porte la marque d'un certain Miroslav Blazevic. Déjà bien connu en Suisse en tant que joueur, il se voit offrir une première expérience d'entraîneur par les dirigeants de Vevey en 1968. Avec lui, les joueurs du stade de Copet franchissent un pas sur le plan technique, physique et mental. Il s'occupe à la fois d'entraîner la 1re équipe mais aussi les juniors.
"C’était comme si nous étions déjà en train de jouer avec la une"
"J’avais onze ans quand j’ai rencontré Monsieur Blazevic", se souvient Yves Débonnaire. "Avec mon compère Patrick Gavillet, nous étions en juniors C et nous l’avons vu un jour débarquer à l’entraînement. Il nous a entraînés de manière incroyable pendant une année. C’était comme si nous étions déjà en train de jouer avec la une (sourire). Le football yougoslave était vraiment en avance à ce moment-là. Cela reste un souvenir fabuleux, aussi parce que Miroslav Blazevic est devenu par la suite une personne très cotée dans le monde du football".
Forts de leurs deux succès obtenus contre Moutier, les Veveysans se présentent avec confiance à Buochs. Cependant, ils finiront quand même par s’incliner 1-0 au match aller. Mais pas de quoi faire trembler leur entraîneur qui sent son équipe capable de passer l’épaule au match retour comme il le dit aux caméras de la TSR.
Sous une pluie battante, Vevey-Sports faire parler sa puissance pour gagner 2-0 lors de cet ultime match de la saison. Une victoire synonyme de promotion en LNB. Miroslav Blazevic quittera Vevey pour Sion en 1971 où il remportera la Coupe de Suisse trois ans plus tard. Il sera aussi champion de Suisse avec GC en 1984 et signera une sublime performance lors de la Coupe du monde 1998 où la Croatie terminera à la 3e place sous ses ordres. Vevey permettra aussi à d'autres joueurs de lancer leur carrière d'entraîneur, à l'instar par exemple d'Adrian Ursea et Didier Tholot aux débuts des années 2000.
Chapitre 3
La LNA ouvre ses portes au Vevey-Sports
Schweizer Illustrierte
Après être passé près de la montée en Ligue nationale A en 1972, Vevey-Sports finit par accéder à la 1re division lors de l'exercice 1973-1974 au terme d'un suspense de folie lors du dernier match de la saison contre Lucerne. Le 1er juin, Vevey reçoit l'équipe de Suisse centrale dans un stade surchauffé avec près de 7000 spectateurs. L’équipe emmenée par l'expérimenté Ernst Tippelt et dirigée par le coach Antoine Cuissard s'incline 1-0 contre les Lucernois. Pour valider son ticket sans passer par un match d’appui, Vevey doit alors attendre 10 minutes devant le totomat pour connaître le résultat du match Granges-Bienne. Finalement, les deux formations partagent l’enjeu (2-2) et la fête peut commencer dans les rues veveysannes.
Yves Débonnaire était déjà aligné quelques fois dans la 1re équipe du Vevey-Sports lorsqu'il avait 17 ans. Joueur emblématique du club, il a ensuite fait ses débuts en LNA dans la foulée. Il inscrira son 1er but dans l'élite au cours d'un match face à Sion en mars 1975. Il jouera avec les "Jaune et Bleu" jusqu'en 1985 avant de rejoindre justement les rangs du FC Sion. Il est donc bien placé pour livrer son regard sur cette belle période de Vevey.
"Nous sommes montés en 1974 avec des joueurs d’expérience et un transfert retentissant en la personne de Claudio Sulser. Mais nous n'avons pas réussi à nous maintenir. La relégation a fait très mal. Je me rappelle d'un match décisif contre Mendrisio Star pour se maintenir en LNB. Le club a ensuite changé de vision en misant sur des jeunes. Paul Garbani est arrivé en 1978 et progressivement l'équipe s'est structurée pour remonter à nouveau en LNA dès 1981, avec presque uniquement des joueurs du cru".
Le duo Paul Rinsoz-Paul Garbani aux commandes
Acteur et observateur de longue date de la vie veveysanne, Yves Christen a gravité autour du Vevey-Sports dès l’arrivée de Blazevic et a par la suite occupé une place au comité du club. Pour l’ancien syndic de Vevey et conseiller national, c’est le trio "joueurs locaux-public ouvrier-soutien des entreprises", qui a permis à la ville de flamber dans le football mais aussi au même moment dans le basketball avec le doublé Coupe-Championnat en 1984.
"Nous avons eu la chance de tomber sur l’autre Paul, à savoir Paul Garbani. Il avait une philosophie de vie qui plaisait à Paul Rinsoz. La plus belle période était celle des deux Paul (entre 1978 et 1985) parce qu’ils vivaient pour le football, c’était une véritable passion chez eux. Ils voulaient du football créatif ", détaille Yves Christen (79 ans).
Un succès avec des joueurs de la région
"Et puis, ce sont vraiment des joueurs de la région qui ont créé ce succès. Yves Débonnaire habitait en face du stade, Patrick Gavillet a été directeur d’école à Vevey, Christian Matthey était le fils du fromager, Jean-François Henry était du coin également et le gardien Mario Malnati est originaire du Tessin mais il est finalement devenu plus Veveysan que les Veveysans", précise celui qui a piloté la ville de 1990 à 2001.
Paul Garbani savait dénicher des jeunes talents et les faire progresser auprès de joueurs plus expérimentés. Dans cette logique, Maurizo Jacobacci est arrivé à Vevey en 1983 à l’âge de 20 ans après avoir commencé sa carrière à Young Boys. "Paul m'a appelé et je savais qu'en venant à Vevey il y avait la possibilité d'avoir plus de temps de jeu et d'être titulaire en LNA. Paul était une sorte de papa, toujours aimable. C'était aussi la première fois que je pouvais quitter le cocon familial et découvrir une nouvelle région. De plus, je trouvais que c'était une chance de s'épanouir aux côtés des Malnati, Küng, Débonnaire ou Diserens".
Moins de temps pour prendre une décision
L'actuel entraîneur du FC Lugano connaîtra par la suite une belle carrière en rejoignant en 1984 Neuchâtel Xamax. Qu'est-ce qui a le plus changé dans le jeu par rapport à la période où il jouait avec le maillot du Vevey-Sports? "C’est certainement la vitesse cognitive. Il y a moins de temps aujourd’hui pour contrôler le ballon, surtout en milieu de terrain. Il faut constamment anticiper et savoir ce que l’on veut faire avec le ballon avant de l’avoir reçu ", relève celui qui ne manque pas d’évoquer son séjour veveysan lorsqu’il croise Yves Débonnaire ou Stéphane De Siebenthal.
"Mais il faut dire que l’on présentait un bon football à Vevey. On avait des joueurs comme Patrick Gavillet et André Bonato qui défendaient bien. Sur le plan offensif, Yves et Hans Franz avaient une super technique", ajoute Maurizio Jacobacci.
Des points à domicile mais peu à l’extérieur
Vevey-Sports évolue en LNA de 1981 à 1987. Il convient de relever que l'élargissement de la Ligue A à 16 équipes durant cette même période a permis à des formations avec un statut semi-pro comme Vevey de défier chaque week-end GC, Zurich, Servette ou Lausanne.
"C’était à la maison que l’on grapillait nos points. Quand on allait à GC ou Servette, on savait qu’on allait prendre 4 buts ", lance avec le sourire Gérard Castella. Le Genevois a connu sa première expérience de coach de LNA en entraînant Vevey durant une année (1985-1986). Il est arrivé au stade de Copet afin de succéder à Paul Garbani, parti à Servette pour devenir l’adjoint de Jean-Marc Guillou. "C’était une opportunité incroyable d’entraîner en 1re division en étant âgé de 32 ans et en venant tout juste d’obtenir mon diplôme. Même si cela a été difficile, il y a une fierté d’être parvenu à se sauver au terme d’une saison extrêmement compliquée".
Septembre 1985, un moment très difficile
Comme baptême du feu, Gérard Castella aurait effectivement pu espérer mieux. Paul Rinsoz se retire de la présidence en début d’année 1986 pour des raisons de santé. Dès lors, le club sera privé de son principal soutien financier. En outre, l’ensemble de l’équipe est marqué par l’ "Affaire Chapuisat-Favre" en lien avec la faute de Gabet Chapuisat sur Lucien Favre pendant le match du 13 septembre 1985 entre Servette et Vevey. A la suite de cet événement, Paul Rinsoz décide de se séparer de Gabet Chapuisat avec effet immédiat, privant ainsi Vevey de son meilleur joueur du moment.
"L’Affaire Chapuisat-Favre, c'était affreux pour moi. C'est le pire moment de ma carrière d’entraîneur. Gabet, je l'aimais beaucoup. C'était mon coéquipier au Lausanne-Sport où nous avions gagné ensemble la Coupe de Suisse en 1981. Nous étions souvent dans la même chambre lors des déplacements à l’étranger ou des camps d’entraînement", précise Gérard Castella (67 ans).
Le vestiaire tient grâce aux leaders
"Même si j'ai essayé de discuter avec le président, je n'ai eu aucun mot à dire sur cette décision. J'ai été mis devant le fait accompli. Monsieur Rinsoz m'a dit que c'était sa responsabilité et pas la mienne. Je sais que Gabet m'en a voulu mais je n'ai rien pu faire", poursuit celui qui est désormais responsable de la formation à Young Boys.
Grâce à la présence dans le vestiaire des leaders Bonato, Gavillet et Schürmann, Gérard Castella parvient à ne pas s’affoler et à garder le contrôle de l’équipe pour la préserver en LNA. Cependant, il ne poursuivra pas l’aventure car les ambitions du club, revues à la baisse, n’étaient plus compatibles avec sa philosophie. "Avant même le début du championnat, on m’a dit: l’objectif pour 1987 est de jouer en LNB. De mon côté, je ne pouvais pas être d’accord avec ce discours. Et puis, je voulais également me rapprocher de ma famille à Genève après la naissance de mon fils".
Le blues sportif et économique
La 2e partie des années 1980 marque la fin de la période florissante du "VS". L'entraîneur Guy Mathez viendra tenir la barre de l’équipe pendant une année entre 1986 et 1987. Vevey-Sports sera ensuite relégué en 2e division et tombera même jusqu’en 2e ligue en 1991. Par la suite, il se maintiendra en 1re ligue jusqu'en 2004 et sera ensuite mis en faillite une année plus tard.
Une culbute vécue en parallèle aux difficultés du tissu économique veveysan dès 1989. Le taux de chômage atteindra les 13% en 1993 après la fin des activités des Ateliers de constructions mécaniques et de Rinsoz-Ormond. Heureusement, sous l’impulsion d’Ernesto Bertarelli, l’usine de Rinsoz trouvera rapidement une nouvelle affectation avec l’arrivée de Serono et le développement de la biotechnologie.
Chapitre 4
Le menu du futur: infrastructures, Promotion League, formation
RTS - Sébastien Schorderet
Sur le plan sportif, la reconstruction se fait progressivement depuis l'arrivée de William Von Stockalper à la tête de Vevey-Sports. "Je pense que la situation de Vevey dans le football n'est pas défavorable. Il y a une carte à jouer pour cette ville en développant un football qui mise sur la jeunesse et qui en fasse davantage pour le football féminin", analyse Yves Christen.
"Bien sûr, on souhaite avoir plus de Veveysans dans la 1re équipe à l'avenir. Mais il y a souvent beaucoup d'appelés et peu d'élus. Actuellement, il y en a 6 sur un effectif de 23. Le but serait d'accueillir plus de jeunes et de les encadrer avec 6-7 mercenaires plus expérimentés. De par notre position géographique, on pourrait aussi donner dans le futur la possibilité à d’autres jeunes de l’Arc lémanique ou du Valais d’avoir une chance de percer", souligne William von Stockalper.
Une alternative pour les M21
"Notre réflexion pour la suite passe par trois points: modification des infrastructures au niveau du stade, ascension en Promotion League (3e divison) et jouer un rôle de club formateur. En étant présent en Promotion League, on pourrait offrir une alternative aux jeunes des M21 des clubs de Super League qui ont leur horizon bloqué. Actuellement, certains rechignent à venir chez nous parce que nous ne sommes pas dans la même ligue".
"Enfin, le club se doit maintenant de montrer aux pouvoirs politiques de la ville qu'il a évolué depuis 10 ans et qu'il peut y avoir un intérêt à investir à nouveau dans le football", conclut le président du Vevey United.