On ne donne pas assez d'importance au bouleversement que représente l'arrivée d'un enfant dans une famille, à la redistribution des cartes que cela implique.
Les difficultés des mères
Femmes au foyer ou mères actives, la maternité confronte les femmes à divers écueils.
Dans les années 60 sauf cas exceptionnel, la question du rôle de la femme ne se pose guère : la place de la maman est chez elle auprès de ses enfants. En allemand, c'est Kinder-Küche-Kirche : les enfants, la cuisine, l’église. Ainsi la mère accomplit sa tâche nourricière et éducative, et cela dans une solitude qu’elle n’avait pas imaginée. Elle manque de contacts sociaux, tout particulièrement en milieu urbain, et ressent parfois le besoin de briser cet huis clos avec son enfant.
Dans une émission de Temps présent de 1972 consacrée aux femmes, elle témoigne : elle est mariée depuis sept ans, élève deux enfants en bas âge qui l'occupent du matin au soir. Pourtant elle regrette d'avoir totalement arrêté de travailler et rêve de sortir de sa routine.
Que ce soit de leur propre chef ou contraintes par leur situation financière, des mères de famille sont amenées à assumer un emploi, quotidiennement, à l'usine ou au bureau. Elles doivent alors trouver une solution de garde pour leurs petits: ce sera la nurse ou la crèche, mais cela au prix de journées interminables.
Des crèches décriées
Les crèches existent depuis longtemps en Suisse et sont réservées aux enfants "privés de maman" par les besoins économiques. Les mères doivent faire la preuve d’une obligation financière de travailler pour y placer leurs petits. Dans la ville industrielle de la Chaux-de-Fonds, la Crèche de l'Amitié accueille depuis 1877 déjà de jeunes enfants âgés de six semaines à six ans. Carrefour visite en 1963 la garderie, fréquentée chaque jour par 50 à 60 bambins.
Le manque d'infrastructures
Années 70, l'émancipation des femmes pose de nouvelles questions et démontre de nouveaux besoins. Les lieux d'accueil des enfants disponibles dans notre pays ne permettent pas aux Suissesses qui le souhaiteraient de faire carrière. Trop peu nombreuses, mal adaptées, ces structures sociales ne soutiennent pas les femmes dans leur double rôle, professionnel et familial. En 1972, dans le cadre d'une émission consacrée - déjà - à l'égalité des salaires entre femmes et hommes, un appel à développer de telles aides est lancé.
La culpabilité des mères
1971, journaliste et mère, Pierrette Blanc jongle entre son métier et sa vie de famille. Elle aborde dans ses enquêtes différents thèmes de société autour du travail des femmes et de la maternité. Dans ces années-là, un sentiment prédomine chez la maman plaçant son bébé en crèche : la culpabilité. Et le discours de la directrice de la crèche, elle-même, n'apaise pas ce doute.
Le meilleur rôle que la société propose à la femme, c'est d'être au foyer et d'élever ses jeunes enfants, d'où une certaine dévalorisation des crèches.
Les préjugés
En 1975, les besoins de la population en systèmes de garde sont toujours mal évalués et les structures en place ne répondent pas aux attentes des familles. Des villes, à l'image de Sierre en Valais, cherchent à ouvrir de nouveaux lieux d'accueil mais les crèches font toujours l'objet de vives critiques. "Démission des parents, parc à enfants, institution pour les pauvres": un responsable sierrois répond point par point à ces préjugés.
Peu à peu, on se rend compte que fréquenter une garderie représente un atout pour les jeunes enfants, et tout particulièrement pour les petits citadins privés d'autonomie. Cette prise de conscience entraînera une demande accrue de structures d'accueil de la petite enfance. Et les mères réclameront des lieux "permettant à la maman et à l'enfant de mieux vivre". De nouveaux défis à surmonter pour crèches et garderies...
Marielle Rezzonico pour les archives de la RTS