De la pharmacie au théâtre
Née en 1923, Gisèle Ansorge fait des études de pharmacie à Lausanne où elle ouvre une officine. Dès 1950, elle commence à écrire pour le théâtre. Sa pièce Délivre-nous du mal sera créée au Théâtre du Petit-Chêne à Lausanne, puis au Théâtre de Poche à Genève. Parmi les dizaines de pièces qu'elle écrit pour la radio, La Demoiselle d’Escoman reçoit le Prix de l’auditeur de Radio-Genève. En 1961, au micro d'Yvette Z'Graggen, elle évoque son attirance pour l'écriture dramaturgique et son peu de prédilection pour le roman, une attitude qui changera par la suite.
Un an plus tard, elle remportera le prix des auteurs dramatiques romands pour La Colère éclate, une pièce radiophonique qui a pour cadre un camp de réfugiés. Lien à l'intégrale de la pièce.
Le cinéma d'animation : une aventure à deux
En 1952, Gisèle épouse Ernest Ansorge, dit Nag, ingénieur de formation. Passionné de cinéma d'animation, le couple se lance dans la production de films. Gisèle et Nag travaillent pour l'industrie, la publicité, réalisent des génériques pour la télévision. En 1970, la TSR leur rend visite dans leur maison d'Etagnières (VD), et les filme en plein travail.
Les Ansorge développent également une oeuvre personnelle. Ils s'essaient d'abord à l'animation de poupées avant de mettre au point la technique de l'animation de poudres, qui fera leur célébrité. Réalisé sur un plaque de verre éclairée par dessous, le dessin se construit au pinceau avec l'aide de poudres colorées. Un fascinant travail de transformation, que cette vidéo permet de saisir en accéléré.
En 1988, au micro de Jean Perret, Gisèle Ansorge évoque les avantages et les risques de cette technique, très différente de celle du "cellulo" (technique de dessin sur des feuilles transparentes d’acétate de cellulose, que l’on peut superposer).
Il n'y a pas besoin de gomme, vous pouvez vous laisser aller totalement.
Au sein du couple, la division du travail est précise : Nag réalise les films et Gisèle dessine. Durant près de 30 ans, la formule fera merveille. Les Corbeaux (1967), Alunissons et Fantasmatic (1969), Anima (1977), Le petit garçon qui vola la Lune (1988) : reconnus internationalement, les films de Gisèle et Nag Ansorge deviennent vite des références. Le couple fera beaucoup pour le développement du cinéma d'animation en Suisse.
A la télévision, Nag et Gisèle Ansorge réalisent en 1979, aux côtés des cinéastes d'animation Robi Engler et de Nicole et Jean Perrin, la série jeunesse "Si j'étais, si j'avais", produite la la Communauté des Télévisions Francophones. Elle raconte les rêveries de Colin, un petit garçon à l'imagination débordante. Composée par Thierry Fervant, la chanson du générique résonne peut-être encore aux oreilles de certaines et certains.
Le roman, une vocation tardive
En 1987, Gisèle Ansorge publie un premier roman, Prendre d'aimer. Deux ans auparavant, son recueil de nouvelles Le jardin secret avait reçu le Prix du canton de Fribourg. Avec Prendre d'aimer (Prix des auditeurs de "La Première"), Gisèle Ansorge nous propose une immersion dans la Suisse romande du début du 19e siècle, sur les pas de Séverine, une jeune Valaisanne issue d'un milieu pauvre. Toujours au micro de Jean Perret, elle parle de l'élaboration de ce roman et des recherches historiques très fouillées qu'elle a menées.
Prendre d'aimer, publié chez Campiche, sera un succès de librairie. En 1989, Gisèle Ansorge publie Les tourterelles du Caire, deuxième roman historique, qui nous entraîne dans l'Egypte du 15ème siècle à la découverte de l'Islam. Alors que son troisième roman Les larmes du soleil est sur le point de paraître, Gisèle Ansorge tombe gravement malade et décède le 17 décembre 1993, à l'âge de 70 ans. Le lendemain, la journaliste et romancière Anne Cuneo rend hommage à l'artiste qu'elle a connue et admirée.
On parle de discrétion, mais, à propos de Gisèle Ansorge, je parlerais plutôt d'audace tranquille.
Sophie Meyer pour Les archives de la RTS