La guerre d'Algérie et les accords d'Evian sur les ondes de la Radio romande

Grand Format Eclairage

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Introduction

La guerre d’Algérie représente une des pages les plus sombres de la période de la décolonisation. C’est aussi un enjeu mémoriel majeur dans le contexte français contemporain. Mais le conflit a aussi concerné la Suisse à divers titres : de par le nombre important de militants algériens présents sur territoire helvétique, l’engagement de plusieurs Suisses au service du combat indépendantiste, l’implication de différents acteurs dans les négociations secrètes qui déboucheront sur la fin du conflit via la signature des Accords d’Evian en mars 1962. Le rôle des médias et notamment de la radio en Suisse romande reste encore largement à éclairer. François Vallotton, professeur d’histoire contemporaine à l’UNIL, revient sur la médiatisation de la guerre privilégiée par le magazine d’actualité internationale, "Miroir du temps" : émission créée à Radio Lausanne dès 1943, elle est relayée par "Miroir du monde" coproduit à Genève et Lausanne.

Chapitre 1
La décolonisation

Keystone/Str

La nouvelle politique de neutralité active menée par la Suisse dans l’immédiat après-guerre, l'essor de l'actualité internationale au sein de divers médias, contribuent à familiariser le public suisse avec la problématique de la décolonisation. Dès le déclenchement de l’insurrection en Algérie le 1er novembre 1954, la presse romande couvre de manière importante le conflit en restant alignée dans sa grande majorité sur les agences ou les médias français. La radio se distingue avec les premiers reportages sur le terrain de Jean-Pierre Goretta dès juin 1956 puis l’émergence progressive de voix algériennes au micro.

Le procureur de la Confédération René Dubois, impliqué dans une affaire d'espionnage de l'ambassade d'Egypte.
Le procureur de la Confédération René Dubois, impliqué dans une affaire d'espionnage de l'ambassade d'Egypte.

Le début de l’année 1957 a été marqué en Suisse par le suicide du procureur de la Confédération, René Dubois, qui avait transmis aux services secrets français des informations sensibles sur les indépendantistes algériens issues d’écoute de l’ambassade d’Egypte.

Au vu de la hauteur du scandale et de l’entorse manifeste faite à la politique de neutralité suisse, le Front de libération nationale (FLN) pourra profiter de l'effet indirect de l'affaire, soit l'assouplissement de l’attitude des autorités helvétiques vis-à-vis de la diaspora algérienne en Suisse.

Ferhat Abbas : sortir du système colonial

L'entretien de Ferhat Abbas dans "La Gazette de Lausanne".
L'entretien de Ferhat Abbas dans "La Gazette de Lausanne".

Représentant modéré du mouvement indépendantiste, Ferhat Abbas, qui séjourne en Suisse, a rallié le FLN durant l’été 1956 : il est dès lors chargé de remplir un rôle d’ambassadeur de la cause algérienne. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la publication en juillet 1957 d’une grande interview d’Abbas par Charles-Henri Favrod dans La Gazette de Lausanne. Il récidive quelques semaines plus tard au micro de Miroir du temps où il réaffirme avec force que la cohabitation des populations algériennes et européennes est possible à condition de sortir du système de domination colonial.

Studio de radio. [RTS/DL]RTS/DL
Miroir du temps - Publié le 9 septembre 1957

Jean Amrouche : la France comme mythe et réalité

Professeur de littérature française, poète mais aussi collaborateur de la Radiodiffusion française pour laquelle il réalise des interviews d'écrivains, Jean Amrouche, né de parents kabyles chrétiens, s'engage à plusieurs titres dans le conflit algérien : comme témoin et intellectuel d'abord, comme émissaire officieux auprès du FLN dès 1958.

Le 11 janvier de la même année, il publie dans Le Monde un réquisitoire face à la réalité coloniale française intitulé «La France comme mythe et comme réalité. De quelques vérités amères» : il y souligne le décalage entre la France des idées et celle des faits. Il développe son argumentaire quelques semaines plus tard à l'enseigne de Miroir du Monde ; une collaboration avec Radio-Lausanne et Radio-Genève qu’il poursuivra durant les mois suivants, tout particulièrement après sa mise à l'écart de la RTF en novembre 1959.

Diffusion radio. [RTS/ ASL]RTS/ ASL
Miroir du temps - Publié le 5 mars 1958

Chapitre 2
La couverture d'une sale guerre

Un indépendantiste algérien est arrêté, en janvier 1958, par deux militaires français lors de la guerre d'Algérie.

La couverture du conflit algérien dans la presse romande s'intensifie dès 1957 et surtout le regard y devient moins strictement aligné sur les positions françaises : la dénonciation de la torture y contribue ainsi que la légitimation – très lente et progressive – du FLN comme représentant des indépendantistes. Sur les antennes de Radio Sottens, on reste soucieux de présenter une vision équilibrée via des intervenants des différents camps mais aussi le croisement des regards de politiques, de journalistes et d'intellectuels. La présence très régulière sur les ondes de Charles-Henri Favrod, relais important des positions indépendantistes puis dès 1959, intermédiaire secret entre FLN et gouvernement français, vaudra à Benjamin Romieux, producteur de "Miroir du monde", des menaces de partisans de l'Algérie française.

Des manifestants anticolonialistes portent des affiches de Ferhat Abbas et Messali Hadj. [Keystone/Str]
Des manifestants anticolonialistes portent des affiches de Ferhat Abbas et Messali Hadj. [Keystone/Str]

Parole au représentant du MNA Messali Hadj

Cette interview met en scène Messali Hadj, figure historique du Mouvement nationaliste algérien (MNA), alors qu’il est assigné à résidence en France. Dès 1954, il s'oppose au FLN pour des raisons tant stratégiques qu’idéologiques; une confrontation qui débouche sur des règlements de compte sanglants entre «messalistes» et «frontistes» aussi bien en Algérie qu’en métropole.

Témoignant de la volonté de Miroir du Monde de donner la parole à tous les acteurs du conflit, cet entretien mené par le journaliste Claude Mairet, qui n’a pu être réalisé sans un accord en haut lieu, peut être vu comme une volonté, côté français, de maintenir dans le jeu Messali Hadj afin de contrer l'influence du FLN.

Messali Hadj en résidence surveillée à Belle-Ile en France. [Le Radio]Le Radio
Miroir du monde - Publié le 24 janvier 1959

La Révolution algérienne selon Ch.-H. Favrod

La Révolution algérienne est un ouvrage du journaliste lausannois Charles-Henri Favrod publié en 1959. Il s'agit d'une commande des Editions Plon, une maison dont l'orientation catholique et conservatrice l'amenait à privilégier des ouvrages soutenant la politique officielle française. Le directeur, Charles Orengo, veut toutefois un livre à la tonalité différente. Favrod va s'imposer pour relever le défi du fait de sa connaissance de la problématique et de sa capacité à l'aborder aussi bien sous un angle historique que journalistique. Retardée du fait de pressions politiques, la parution de l'ouvrage se fera avec l'aval de l'Elysée : il aura un impact important et contribuera à signaler son auteur à l'entourage de de Gaulle comme un intermédiaire tout désigné pour des contacts préliminaires avec le FLN.

Charles-Henri Favrod en 1961.
Miroir du monde - Publié le 5 mars 1959

Le tournant de l'autodétermination le 16 septembre 1959

Le discours de de Gaulle sur l'autodétermination est vu à bien des égards comme une borne majeure dans l'évolution de la position du Général vis-à-vis de la revendication indépendantiste.

Lors d'une allocution télévisée, de Gaulle évoque les trois options qui doivent être soumises à la population algérienne: la sécession, la francisation complète ou l'indépendance dans l'union avec la France. Après un tour des capitales quant aux réactions politiques, Miroir du monde laisse à Favrod le soin de décrypter les enjeux du discours. Pour de Gaulle, les choix proposés ne doivent pas masquer sa préférence nette pour un gouvernement algérien s'appuyant sur un partenariat avec la France. Favrod parle par ailleurs de l'embarras du FLN qui peut difficilement ignorer la main tendue, sans être dupe pour autant du décalage entre le discours d'ouverture de la France et l'inflation militaire sur le terrain.

Adresse de Charles de Gaulle au peuple algérien le 4 juin 1958. [Keystone/Str]Keystone/Str
Miroir du monde - Publié le 17 septembre 1959
Manifestation le 12 décembre 1960 dans le quartier de Belcourt en Algérie durant une visite de Charles de Gaulle. [Keystone/Str]
Manifestation le 12 décembre 1960 dans le quartier de Belcourt en Algérie durant une visite de Charles de Gaulle. [Keystone/Str]

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Chapitre 3
Quelle liberté d'information pour les médias romands?

En France, les pouvoirs spéciaux autorisent les autorités à prendre toutes les mesures pour s'assurer du contrôle de l'opinion. Avec comme conséquence, interdictions, saisies, et intimidations. On écoute alors la radio suisse comme pendant la Seconde Guerre mondiale ; par ailleurs, un éditeur lausannois comme Nils Andersson diffuse des textes interdits ou non publiables en France. Malgré la présence de nombreux journalistes engagés aux côtés du camp indépendantiste, la liberté de l'information en Suisse est aussi parasitée du fait de la dépendance de certains journaux des agences de presse françaises et une nécessaire prudence, politique mais aussi commerciale, sur un terrain aussi sensible que polarisé.

Les actions des SAS selon le journaliste Pierre Cordey

Les autorités françaises recourent aux invitations de journalistes pour s'assurer d'une couverture des événements qui leur soit favorable. En 1959, alors que la politique de pacification est toujours plus contestée, Pierre Cordey, alors rédacteur en chef de La Feuille d'Avis de Lausanne, est invité avec plusieurs confrères par le gouvernement français à visiter l'Algérie, le Sahara d'abord puis la Kabylie. L'enquête, déclinée dans le journal fin 1959, fait l'objet d'un entretien à l'enseigne de Miroir du Monde entre Benjamin Romieux et Pierre Cordey.

Dans cet extrait, ce dernier souligne, avec force éléments chiffrés venant de sources françaises, le rôle très positif des SAS (section administrative spécialisée) pour les populations locales sur le plan sanitaire. En taisant notamment que ces unités administratives françaises, civiles et militaires, avaient été mises en place pour contrer l'action de l'Armée de libération nationale (ALN) et rallier les autochtones.

L'article de Pierre Cordey dans La Feuille d'Avis de Lausanne du 28 novembre 1959.
Miroir du monde - Publié le 28 janvier 1960

Les journalistes Jacques Fauvet, Maurice Werther, Jacques Kayser, Bernard Béguin et Pierre Moser, ainsi que l'éditeur Jérôme Lindon, débattent de la liberté d'information

L'une des caractéristiques de Miroir du Monde est d'ouvrir ses micros à des correspondants mais aussi à des journalistes internationaux et de différents médias. En février 1960 une table ronde réunit des représentants de médias français ainsi que deux collaborateurs de la radio romande pour évoquer la question de l'information, tout particulièrement en temps de crise. Au-delà de la grande prudence prise par les interlocuteurs français pour évoquer les limites assignées à l'expression libre dans l'Hexagone, on peut observer les contraintes spécifiques propres à chaque média. Les journalistes de Radio Genève soulignent leur indépendance et leur volonté, dans le conflit algérien, de donner à entendre, via les divers correspondants, tous les points de vue.

L'équipe de l'émission radiophonique "Miroir du monde" en 1963. [RTS/ASL]RTS/ASL
Miroir du monde - Publié le 10 février 1960

Le Manifeste des 121, déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie

Article de La Feuille d'avis de Lausanne du 6 octobre 1960.
Miroir du monde - Publié le 17 octobre 1960

Si le son et l'image ont un impact particulier sur l'opinion de par le développement du transistor, d'une presse illustrée de masse et de la télévision, l'imprimé reste un élément déterminant dans la bataille des idées. Indépendamment des témoignages et prises de position dans la presse, l'historien Benjamin Stora a dénombré 25 livres consacrés à la dénonciation de la guerre qui ont été saisis entre 1957 et 1962. La plupart sont édités par Jérôme Lindon, patron des Editions de Minuit, rejoint en 1959 par François Maspero. Lindon publie en 1958 La Question d'Henri Alleg, l'un des plus forts témoignages sur la torture rédigé par un journaliste qui, alors qu’il est emprisonné à Alger, parvient à faire sortir le manuscrit via ses avocats.

Cette interview de Jérôme Lindon intervient peu après qu’il ait signé "Le Manifeste des 121", un texte, censuré mais largement commenté, qui appuie la légitimité de l'insoumission comme du combat indépendantiste.

Chapitre 4
Les négociations, de Melun à Evian

Arrivée à Evian de Krim Belkacem, chef de la délégation algérienne aux négociations franco-algériennes, le 7 mars 1962. [Keystone/Photopress-archiv]
[Keystone/Photopress-archiv]

L’année 1958 constitue un tournant important dans le conflit. Le retour aux affaires de de Gaulle marque un lent infléchissement de la politique gouvernementale qui débouche sur le principe de l’autodétermination de l’Algérie ratifié par les Français via référendum le 8 janvier 1961. Par ailleurs, la constitution du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) permet à celui-ci de compenser les échecs sur le terrain par une forme de légitimité diplomatique. Dans un contexte de radicalisation des partisans de l’Algérie française, un double courant de négociations se met en place entre FLN et gouvernement français: d’un côté, différentes rencontres secrètes ont pour théâtre la Suisse et comme médiatrice la diplomatie helvétique ; de l’autre, Charles-Henri Favrod joue un rôle d’émissaire officieux entre les deux parties jusqu’à la conclusion des accords d’Evian en mars 1962.

Ahmed Boumendjel, émissaire du GPRA aux négociations

En juin 1960, le GPRA à Tunis désigne deux émissaires, Ahmed Boumendjel et Habib Ben Yahia, afin de répondre à l’invitation de de Gaulle pour discuter à Paris de l’arrêt des combats. Ce voyage débouche sur les pourparlers de Melun qui, malgré l’échec de négociations conduites par des délégués français de second plan, marquera un premier contact direct entre représentants français et algériens. Miroir du monde peut compter en l’occurrence sur son correspondant à Tunis, Taieb Nourredine, pour retracer, avec une touche très personnelle, la figure de Boumendjel : au micro, ce dernier évoque la responsabilité qui lui incombe et rend hommage aux «innombrables victimes de la Guerre d’Algérie».

Le représentant du GPRA Ahmed Boumendjel en 1961. [RTS]RTS
Miroir du monde - Publié le 25 juin 1960

Bons offices helvétiques et neutralité de la Suisse

Cette émission se déroule après deux rencontres secrètes à Lucerne et Neuchâtel (20 février et 5 mars 1961) qui ont réuni Boulharouf et Boumendjel côté algérien, Pompidou et de Leusse côté français. Deux intermédiaires suisses, Olivier Long et Gianrico Bucher, se chargent de garantir la discrétion des réunions sans participer aux discussions. Alors qu’on se met d’accord sur le choix d’Evian pour accueillir une première ronde de négociations, cette fois officielle, la presse romande bruisse de différentes rumeurs quant au rôle de la Suisse dans ces discussions. Des fuites qui amènent le Département politique fédéral à préciser le rôle exact de la diplomatie helvétique tout en garantissant sa pleine conformité avec la neutralité.

Technicien en Studio radio en 1963. [RTS / ASL]RTS / ASL
Miroir du monde - Publié le 23 mars 1961

Les pourparlers de Melun, 25-29 juin 1960

Charles-Henri Favrod analyse ici les raisons de l’échec des pourparlers de Melun : alors que la France entend obtenir un cessez-le-feu comme préalable à la négociation, le GPRA voit dans cette prémisse une forme de capitulation et de reddition. Aux yeux de la délégation algérienne, seule une discussion globale portant notamment sur les conditions de l’autodétermination est susceptible de faire avancer le dossier. Favrod rend bien compte du sentiment d’amertume des Algériens, par ailleurs soumis à diverses vexations lors des entretiens ; alors qu’ils prennent le même vol pour gagner Tunis à l'issue des pourparlers, Boumendjel confiera au journaliste son sentiment d’avoir été considéré comme un prisonnier.

Négociations franco-algériennes à Melun.
Miroir du monde - Publié le 30 juin 1960

La couverture de la première Conférence d'Evian

La première Conférence d’Evian sur l’Algérie se déroule du 20 mai au 13 juin 1961. L’arrivée des délégués du FLN se fait au grand jour devant les caméras du Ciné-Journal suisse ; comme l’exprime le commentaire, «de l’état de rebelles, ils sont passés à celui de partenaires de la France». Dans le dispositif médiatique, la télévision joue un rôle inédit de par l’établissement d’une communication à distance, via le dispositif de transmission et de projection de l’eidophor, entre le lieu de résidence des délégués et le centre de presse : une technique qui devait permettre de garantir la sécurité de la délégation. Pour le reste, la radio, dans l’extrait joint, en reste réduite aux spéculations quant à la nature de débats confidentiels.

La délégation algérienne en Suisse. [Ciné-Journal Suisse]Ciné-Journal Suisse
Miroir du monde - Publié le 25 mai 1961
La délégation algérienne aux négociations franco-algériennes à Bois d'Avault en mai 1961. [Keystone]
La délégation algérienne aux négociations franco-algériennes à Bois d'Avault en mai 1961. [Keystone]

L'échec de la première négociation

Charles-Henri Favrod et Saad Dahlab, secrétaire général du ministère des affaires étrangères du GPRA, entretiennent des relations de confiance privilégiées qui ont amené le journaliste lausannois à organiser une rencontre secrète entre le secrétaire du Ministère des Affaires étrangères algérien et le haut fonctionnaire français Claude Chayet à Genève en février 1961. Cette relation de proximité peut expliquer que Miroir du Monde se tourne vers Dahlab pour dévoiler les points d’achoppement expliquant l’échec de la première Conférence d’Evian. Après avoir réaffirmé la volonté algérienne de reprendre les discussions, Dahlab explicite l’importance de l’enjeu du Sahara – gisement majeur de pétrole et de gaz – et sa revendication par les Algériens au nom du principe de l’intégrité du territoire.

Recherche de pétrole au Sahara. [RTS]RTS
Miroir du monde - Publié le 23 juin 1961

Chapitre 5
La signature des accords d'Evian

Keystone/Str

La signature des accords d’Evian intervient le 18 mars 1962. Les accords, riches de 111 articles, portent notamment sur l’application de la procédure d’autodétermination, la question des droits des Européens, le régime du Sahara ainsi que sur les modalités d’une coopération économique et financière de la métropole. L’officialisation des accords ne met pas pour autant un terme au conflit mais ouvre une nouvelle phase marquée par l’escalade de la violence perpétrée par l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète).

Côté algérien

La signature des accords d’Evian le 18 mars 1962 est documentée par plusieurs enregistrements dans les archives de la RTS. D’abord la conférence de presse du porte-parole de la délégation algérienne Redha Malek qui annonce le cessez-le-feu et rend compte dans le détail du contenu de la déclaration générale adoptée par les deux parties. Parallèlement, le président du GPRA, Beyoucef Ben Khedda, souligne, dans une déclaration qui s’adresse davantage au peuple algérien, les sacrifices consentis mais aussi l’admiration dont jouit à l’international la révolution algérienne.

La politique mesurée incarnée par Beyoucef Ben Khedda et son souci de l’unité seront rapidement démentis par les faits, avec l’émergence de fractures internes au sein du FLN qui marqueront la mise en œuvre de l’indépendance.

Allocution télévisée de Youcef Benkhedda du 24.10.1961. [RTS]RTS
Emission sans nom - Publié le 18 mars 1962

Côté français

L’allocution radiotélévisée de de Gaulle annonce le cessez-le-feu et l’organisation du référendum sur l’indépendance. L'entrée en vigueur des Accords ouvre pourtant une nouvelle dimension du conflit marquée par l’action violente de l'OAS.

Soldat français devant un graffiti pour l'OAS à Oran en 1962. [Keystone - AP Photo/Horst Faas]
Soldat français devant un graffiti pour l'OAS à Oran en 1962. [Keystone - AP Photo/Horst Faas]

La Suisse romande sera intégrée d'une nouvelle manière dans ce développement. Des personnalités militantes de l’OAS y trouveront appuis et relais de manière clandestine et, dès 1962, à l’enseigne du Conseil national de la résistance. Cette organisation remobilise le projet idéologique de l’OAS au service de la défense d’une Europe chrétienne et anticommuniste.

Le général Charles de Gaulle.
Emission sans nom - Publié le 18 mars 1962

En conclusion

Miroir du monde, de par le poids accordé à l’actualité algérienne dans son traitement de l’actualité internationale, témoigne du retentissement de ce conflit en Suisse romande. L’émission joue de sa position périphérique pour présenter, dans un contexte médiatique encore très polarisé, une juxtaposition de points de vue différenciés tant par la provenance des correspondants que la pluralité des intervenants. Faisant fi de certaines menaces mais aussi des pressions politiques, elle aura contribué à éclairer l’opinion sur les enjeux de cette guerre mais aussi plus globalement de la décolonisation.

Chapitre 6
Pour en savoir plus

A consulter également

Dans les archives de la RTS :

La Suisse et l'indépendance algérienne

La douloureuse indépendance de l'Algérie

Coulisses diplomatiques: la Suisse et l'indépendance algérienne

Les accords d'Evian, d'une rive à l'autre

L'émission radio Histoire Vivante :

Il y a 60 ans, les accords d'Evian

En marge de la Conférence franco-algérienne d'Evian, reporters à Bois d'Avault en Suisse en 1961. [Keystone/Photopress-archiv/Str]
En marge de la Conférence franco-algérienne d'Evian, reporters à Bois d'Avault en Suisse en 1961. [Keystone/Photopress-archiv/Str]

Bibliographie

Hasni Abidi & Sarah Dekkiche, 60 ans après les accords d'Evian. Regards croisés sur une mémoire plurielle, Paris, Erick Bonnier, 2022

Damien Carron, La Suisse et la guerre d'indépendance algérienne (1954-1962), Lausanne, Antipodes, 2013.

Raymond Esatoglu, Charles-Henri Favrod à la rencontre de la guerre d'Algérie: un engagement personnel par rapport à l'insurrection algérienne, Mémoire présenté à la Fac de Lettres de l'Univ. de Lausanne, mars 1991.

Marc Perrenoud, «La Suisse et les Accords d'Evian. La politique de la Confédération à la fin de la guerre d'Algérie (1959-1962)», Politorbis, DFAE : Centre d'analyse et de prospective, Nº 31, 2/2002, pp. 8-38.

Benjamin Stora, Histoire de la guerre d'Algérie 1954-1962, Paris, La Découverte, 2004 (1993).

François Vallotton (dir.), Livre et militantisme. La Cité Editeur 1958-1967, avec une postface de François Maspero, Lausanne, en bas, 2007.

Souad von Allmen Métral, Les plumes de l’indépendance. Des journalistes en Suisse romande pendant la Guerre d’Algérie, mémoire présenté à la Fac de Lettres de l'Univ. de Genève, mai 1995.