La nouvelle politique de neutralité active menée par la Suisse dans l’immédiat après-guerre, l'essor de l'actualité internationale au sein de divers médias, contribuent à familiariser le public suisse avec la problématique de la décolonisation. Dès le déclenchement de l’insurrection en Algérie le 1er novembre 1954, la presse romande couvre de manière importante le conflit en restant alignée dans sa grande majorité sur les agences ou les médias français. La radio se distingue avec les premiers reportages sur le terrain de Jean-Pierre Goretta dès juin 1956 puis l’émergence progressive de voix algériennes au micro.
Le début de l’année 1957 a été marqué en Suisse par le suicide du procureur de la Confédération, René Dubois, qui avait transmis aux services secrets français des informations sensibles sur les indépendantistes algériens issues d’écoute de l’ambassade d’Egypte.
Au vu de la hauteur du scandale et de l’entorse manifeste faite à la politique de neutralité suisse, le Front de libération nationale (FLN) pourra profiter de l'effet indirect de l'affaire, soit l'assouplissement de l’attitude des autorités helvétiques vis-à-vis de la diaspora algérienne en Suisse.
Ferhat Abbas : sortir du système colonial
Représentant modéré du mouvement indépendantiste, Ferhat Abbas, qui séjourne en Suisse, a rallié le FLN durant l’été 1956 : il est dès lors chargé de remplir un rôle d’ambassadeur de la cause algérienne. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la publication en juillet 1957 d’une grande interview d’Abbas par Charles-Henri Favrod dans La Gazette de Lausanne. Il récidive quelques semaines plus tard au micro de Miroir du temps où il réaffirme avec force que la cohabitation des populations algériennes et européennes est possible à condition de sortir du système de domination colonial.
Jean Amrouche : la France comme mythe et réalité
Professeur de littérature française, poète mais aussi collaborateur de la Radiodiffusion française pour laquelle il réalise des interviews d'écrivains, Jean Amrouche, né de parents kabyles chrétiens, s'engage à plusieurs titres dans le conflit algérien : comme témoin et intellectuel d'abord, comme émissaire officieux auprès du FLN dès 1958.
Le 11 janvier de la même année, il publie dans Le Monde un réquisitoire face à la réalité coloniale française intitulé «La France comme mythe et comme réalité. De quelques vérités amères» : il y souligne le décalage entre la France des idées et celle des faits. Il développe son argumentaire quelques semaines plus tard à l'enseigne de Miroir du Monde ; une collaboration avec Radio-Lausanne et Radio-Genève qu’il poursuivra durant les mois suivants, tout particulièrement après sa mise à l'écart de la RTF en novembre 1959.